Chronique d’un livre de base pour convier vos joueurs dans la lumière électrique de 1900

Pourquoi ce jeu, et pourquoi maintenant ?

C’est Geof, notre MJ de L’Appel de Cthulhu, qui a lancé l’idée : « Et si on jouait à Les Héritiers ?1 »
Une proposition tombée un soir, comme ça, entre deux discussions sur les scénarios d’horreur cosmique et des souvenirs de parties de jeu en club. Et franchement, il a eu raison.

On n’a jamais vraiment exploré cet univers à la table, alors qu’il coche à peu près toutes les cases qu’on aime : la Belle Époque, le mystère, la féérie dissimulée, les sociétés secrètes, et ce parfum de fin du monde qu’on sent déjà dans l’air de 1910.

Et puis, soyons honnêtes : sur Scriiipt, on n’avait jamais rédigé une vraie chronique complète de ce jeu. En tout cas, depuis 2020 juste quelques allusions, quelques mentions ici et là, mais rien de consistant.

Alors voilà : avant que Geof ne sorte ses dés et ne déroule les premiers masques, autant remettre le nez dans le livre de base. L’idée, c’est d’en faire un article à la fois pour les joueuses et joueurs qui découvriront l’univers, et pour nous, histoire de se replonger dans le contexte et de se souvenir pourquoi ce jeu mérite mieux qu’une ligne perdue dans un vieux billet.

Genèse d’un jeu pas comme les autres

Le livre de base (et le jeu de rôle) Les Héritiers ne sort pas de nulle part. À l’origine, il y a un duo d’auteurs, Isabelle Périer et Éric Pâris, qui dès la fin des années 1990 ont réfléchi à un projet mêlant féérie, masque humain et Belle Époque. Ce n’était pas encore tout à fait mâture, mais il y avait le goût pour l’élégance, le surnaturel discret, la modernité qui gronde. Le chemin a été long : un passage par Multisim, un quasi-projet chez Ubik en 2007, puis l’implication du Département des Sombres Projets, jusqu’à ce que le projet prenne forme, mais aussi que l’auteure Isabelle Périer parte en 2017. Et enfin, le livre voit le jour, publié par Titam.

Ce que ça veut dire pour vous, futurs joueurs : ce jeu est né d’un désir clair — aller vers une féérie subtile plutôt qu’un univers « héroïque » classique. Le temps qui passe, la modernité qui bouscule, les fées qui se cachent… tout cela est inscrit dans l’ADN.

À quoi joue-t-on ici ?

L’époque retenue, c’est la Belle Époque, grosso modo 1900 jusqu’à la veille de 1914. Paris est au cœur du livre, mais le souffle peut s’étendre ailleurs en Europe. L’électricité commence à rugir, le métro creuse ses tunnels, la mode change, la société frémit. Et dans cette modernité, quelque chose de plus ancien survit : des fées, des êtres féériques, dissimulés sous un masque humain.

Vous, joueurs, incarnez des Faux-Semblants : fées cachées parmi les humains. Il peut s’agir d’un ogre, d’un vampyr, d’une fleur de métal, ou d’une fée électricité — les « archétypes » sont variés. Ce masque, cette dissimulation, est au cœur du jeu. Vous vivez parmi les humains, vous adaptez, vous vous moulez à la société de l’époque, mais vous n’êtes pas tout à fait de ce monde. Et la fin – la fameuse année 1914 – plane comme une menace silencieuse. Vous sentez que quelque chose va finir, que votre temps peut s’achever.

Ce mélange : modernité + féérie + secret = ce qui fait la saveur du jeu. On n’est pas dans une fantasy flamboyante, mais plutôt dans une élégance mélancolique, dans une cour des merveilles qui s’efface.

Le livre de base – contenu et usage

Le livre s’organise autour de trois grands axes. D’abord, l’ambiance et le cadre : Paris en 1900, le métro, les cafés, les salons spirites, les sociétés secrètes, les fées qui observent dans l’ombre. Ensuite, les règles : le système 3D (choix de dé, prise de risque, pouvoirs féériques raisonnés). Enfin, le background : les factions — Monarchie, Communautés, Mages —, la Loi du Silence, les intrigues féériques. Le livre se termine sur un scénario d’introduction, idéal pour lancer une campagne.

Pour toi, meneur, c’est un outil robuste : tout ce qu’il faut pour démarrer, sans avoir à acheter vingt suppléments. Pour les joueurs, c’est une porte ouverte à un univers riche, à condition d’accepter de jouer dans le registre « surnaturel discret » plutôt que « épique massif ».

Le livre et ses aides permettent de jeter les bases d’une campagne durable. Le système est assez simple pour être pris en main rapidement, tout en laissant la place à l’ambiance, aux machinations, aux secrets.

Pour vos joueurs – ce qu’il faut qu’ils retiennent

Quand vous arriverez autour de la table, voici ce que chacun devrait avoir en tête :

  • Vous êtes dans les années 1900-1914, mais la période peut s’étendre un peu selon la table. Le monde change : l’électricité, l’industrie, la société bougent.
  • Vous êtes différents… mais vous êtes cachés. Le masque humain est réel. Votre nature féérique, vos pouvoirs, vos alliés, vos ennemis sont discrets.
  • Le décor n’est pas une carte touristique : il y a les salons, les cafés, la modernité, mais aussi l’ombre, l’occulte, la féérie qui affleure sous la surface.
  • Vos choix comptent, vos alliances, vos secrets, vos obligations familiales ou féériques. Il ne s’agit pas juste de baston, mais d’influence, de disparition, de mémoire, d’identité.
  • Et enfin : la sensation que quelque chose se termine. Que les temps anciens s’effacent. Que vos héritages, vos êtres, vos causes sont en jeu.

Lectures recommandées pour rentrer dans l’ambiance

Si vous voulez aller plus loin — pour vous, ou pour vos joueurs — voici une lecture vraiment pertinente : Les Héritiers de Fabien Clavel. Ce roman s’inscrit directement dans cet univers : Paris 1899, des fées cachées, des tensions, des intrigues. Il permet de s’imprégner de l’atmosphère, du ton, du style.

les héritiers

Un peu plus “en marge” mais tout aussi utile : Feuillets de cuivre (Fabien Clavel — les enquêtes de l’inspecteur Ragon à la Belle Époque) : ambiance enquête, irrationnel qui se glisse dans la modernité. Excellent pour des idées de scénarios ou de personnages.

Ces livres ne sont pas obligatoires, mais si vos joueurs veulent “entrer dans le bain” dès maintenant, c’est un joli tremplin.

Le vrai défi : expliquer et commencer

Ce n’est pas le système qui est compliqué dans Les Héritiers — c’est l’univers. Ou plutôt sa subtilité. Il ne suffit pas de dire “vous jouez des fées à la Belle Époque” : ça évoque aussitôt des ailes, des baguettes et des cabarets d’opérette. Alors qu’en réalité, on joue quelque chose de beaucoup plus feutré, plus mélancolique.

Ce sont des fées qui vivent dissimulées parmi les humains, qui doivent composer avec la modernité, la politique, les sciences, l’électricité, et qui sentent venir la fin d’un monde. Tout le jeu repose là-dessus : sur le Masque qu’on garde, sur les compromis qu’on fait, sur la question “comment rester soi-même dans un monde qui vous oublie ?”.

Le plus dur, pour le meneur, c’est donc d’expliquer simplement ce ton-là.
Quelques phrases suffisent, à condition qu’elles sonnent justes :

“Vous êtes des fées, mais personne ne doit le savoir. Vous cachez votre vraie nature derrière un visage humain. Nous sommes à Paris en 1900, l’électricité remplace la magie, et vous rêvez d’une guerre qui n’a pas encore commencé.”

Et ensuite, il faut résister à la tentation de tout montrer d’un coup. Le secret, l’étrangeté, l’histoire féérique : ça se dévoile doucement. Un premier scénario doit être court, clair, humain : un bal, un meurtre, une fée disparue, une soirée mondaine qui dérape, une enquête discrète. Pas besoin d’ouvrir Avalon dès la première séance.

C’est un jeu qui demande de la retenue. Et c’est précisément ce qui le rend si bon : il donne envie de s’y installer, d’en explorer les nuances, plutôt que de courir vers les révélations.

Quelques mots sur l’éditeur (et la disponibilité du jeu)

Le livre de base reste disponible, et est parfaitement autonome pour jouer. Il convient de noter que la maison d’édition Titam, qui avait publié le jeu, est annoncée fermée à ce jour (2025). Le site est en maintenance, les informations sont floues. Cela ne remet pas en question le livre que vous avez sous les yeux, mais pour les suppléments futurs ou la continuité de ligne, il faudra peut-être être un peu créatif ou se tourner vers la communauté.

En clair : ne laissez pas ce détail freiner la table. Vous avez tout ce qu’il faut pour jouer. Et ça, c’est le plus important.

récupérer les fiches de personnage

Fiches pdf, recto verso (au verso vous aurez la version de la fiche Faux-Semblant)

version personnage masculin

version personnage Féminin

Verdict rapide (mais sincère)

Oui : Les Héritiers, c’est beau, ciselé, chargé d’ambiances et de promesses. Le système ne vous noie pas dans des tableaux, mais vous propose l’essentiel pour que vos faux-semblants vivent. Le contexte — la Belle Époque, le masque, la féérie cachée — est une invitation à explorer des histoires plus subtiles, plus “à l’ombre”, que les grandes batailles magiques.

Ce que j’aime : le mélange de nostalgie, de modernité rampante, de secret, d’identité ; ce que je préviens : il faut accepter le ton, accepter la mélancolie, accepter que ce n’est pas du super-héros flamboyant.

Pour une première partie avec tes amis, c’est une excellente porte d’entrée. En tant que meneur, tu as de quoi improviser, faire vivre les faux-semblants, jouer les salons, les ruelles, les complots, les regards croisés. Pour les joueurs : arrivez curieux, arrivez discrets… et prêts à marcher entre deux mondes.

Improviser la Belle Epoque

Paris 1900, capitale de la modernité : métro, électricité, cafés-concerts, journaux, affiches.
Sous les dorures et les vitrines, un monde d’ouvriers, d’artistes et d’êtres cachés.
Le préfet Lépine veille, les réverbères brillent sur les pavés mouillés, et la ville hésite entre progrès et fin d’un âge.
Le décor parfait pour Les Héritiers.

  1. NDA : Bon, il a pas vraiment dit comme ça. C’était plus dans le style « On va jouer au JdR les Héritiers, alors c’est quoi vos prochaines dates de dispo ? » ↩︎


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Commentaires

2 réponses à “Les Héritiers – Aventures féériques à la Belle Époque”

  1. Avatar de Anagrys

    Ça a l’air très intéressant, cette histoire ! L’œuvre qui m’est venue à l’esprit et a crié dans ma tête pendant toute la lecture de l’article est le Paris des Merveilles de Pierre Pevel, mais j’ai l’impression qu’on est ici dans quelque-chose de plus subtil, avec peut-être un soupçon de Nephilim — désolé si je suis à côté, de Nephilim je ne connais que la description dans le catalogue de Philibert, et une courte partie jouée un après-midi il y a 30 ans…
    En tout cas l’époque est vraiment intéressante !

    1. Avatar de scriiiptor

      Pas évident de comparer mais oui, il y a un peu de ça. A mon sens c’est plus proche de Vampires, Loup-Garous, Changelin. Pourquoi ? Parce que Nephilim c’est plus des créatures qui s’incarnent DANS des humains. On est plus proche d’une version « soft » du Mondes Ténèbres, avec une sorte de compte à rebours sur l’année 1914.
      Une ambiance où tout le monde peut assez vite s’y retrouver en terrain connu, mais avec des surprises, ce qui fera le sel des futures parties. Yapuka !

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