Je vous parle d’un temps que les moins de vingt ans ne peuvent pas connaître… et honnêtement, parfois, je me demande si c’est une bénédiction ou une malédiction. Parce qu’à force de replonger dans les décennies 80-90, on finit par se demander : est-ce que c’était objectivement une période faste, ou bien est-ce juste qu’on y a grandi et que, forcément, on y revient toujours un peu ?
Une époque de découvertes personnelles… et collectives
Si les années 80 et 90 reviennent sans cesse sur Scriiipt et ses satellites, ce n’est pas par fétichisme aveugle ou simple nostalgie baveuse. C’est parce que ces années-là, pour beaucoup, ont été une période de découvertes, d’éveil culturel et ludique. Que ce soit dans le jeu de rôle, le cinéma, la musique ou la littérature, ces décennies ont marqué un tournant : explosion des jeux de rôle sur table, âge d’or du cinéma d’action et du fantastique, rock et métal en pleine mutation, émergence des jeux vidéo en tant qu’industrie culturelle, etc.
On n’avait pas internet comme aujourd’hui, et chaque découverte était une quête. Il fallait tomber sur la bonne revue, trouver le bon disquaire, repérer la boutique qui importait des jeux venus d’outre-Atlantique, et surtout, croiser les bonnes personnes pour échanger ces précieuses trouvailles. C’était une époque où la culture de niche n’était pas un simple clic sur YouTube ou un post Reddit, mais une aventure en soi.

Pourquoi y revenons-nous autant ?
Est-ce une question d’âge ? Évidemment, oui, mais pas uniquement. On a toujours tendance à idéaliser l’époque de ses 15-25 ans, période où tout semble nouveau, où on est plus perméable aux influences. Mais les années 80-90 ont aussi une vraie empreinte culturelle marquante.
Elles sont un peu comme une charnière : suffisamment modernes pour être encore accessibles, mais suffisamment anciennes pour avoir un côté « vintage ». Prenez la musique, par exemple. Les années 70 étaient marquées par les expérimentations du rock progressif, du psyché et du jazz-rock, alors que les années 80 ont fait entrer la pop et le hard rock dans une nouvelle ère (même si ça voulait parfois dire plus de synthés et de coupes mulet). Les années 90, elles, ont apporté leur lot de subversions : explosion du grunge, montée du rap conscient, folie électro naissante… Une richesse qui fait qu’on y revient toujours, que ce soit par goût ou par redécouverte.

Idem pour les jeux de rôle : c’est dans ces années-là qu’ils ont connu leur âge d’or, avec la multiplication des gammes et des expérimentations. L’Appel de Cthulhu, Mega, Cyberpunk 2020, Vampire: la Mascarade, Shadowrun, Stormbringer… autant de jeux qui posaient des bases et qui sont encore joués aujourd’hui, parfois sous de nouvelles éditions.

Le rejet des années 70, puis la redécouverte tardive
Autant les années 80 et 90 restent des périodes marquantes, autant les années 70… comment dire… ont longtemps eu une réputation plus compliquée. Est-ce que c’était une décennie déprimante ? Pour certains, oui. Crise économique, désillusions post-68, esthétique un peu douteuse (orange et marron partout, on en parle ?), cinéma parfois trop lent et expérimental… On a pu grandir en rejetant cette époque, lui préférant le côté plus clinquant des décennies suivantes.
Et pourtant, en y revenant avec un œil neuf, on se rend compte qu’elle a planté les graines de ce qu’on a aimé plus tard. Le rock des années 70 ? Il a inspiré tout le métal des décennies suivantes. Le cinéma des 70s ? Il a vu naître le Nouvel Hollywood, et des chefs-d’œuvre qui ont redéfini les genres (horreur, SF, polar). Même les jeux de rôle y ont pris racine : Dungeons & Dragons est né en 1974, et tout ce qui en découle lui doit beaucoup.
En somme, les années 70 étaient peut-être plus dures à aimer à chaud, mais une fois qu’on a pris du recul, elles révèlent une richesse insoupçonnée.
C’était mieux avant ? Pas forcément. Mais c’était une autre manière de vivre la culture
Dire que c’était mieux avant serait une erreur, mais dire que c’était différent est un euphémisme. L’accès à la culture n’était pas instantané, ce qui changeait profondément la façon dont on l’appréciait. Trouver un jeu de rôle, un film obscur ou un album culte demandait du temps, de la recherche, des échanges passionnés. Aujourd’hui, on a tout à disposition en un clic, et si ça a ses avantages, ça a aussi ses effets pervers : l’abondance crée une forme de zapping constant, et l’immédiateté peut rendre moins savoureuses certaines découvertes.
C’est peut-être pour ça qu’on replonge autant dans ces décennies. Non pas parce qu’elles étaient objectivement supérieures, mais parce qu’elles nous rappellent une époque où découvrir un jeu, un film ou un album était une petite aventure en soi.
Alors non, les jeunes d’aujourd’hui ne peuvent pas connaître cet état d’esprit-là. Pas parce qu’ils sont trop jeunes, mais parce que le monde a changé. Et tant mieux pour eux, quelque part. Mais nous, on continue à creuser dans ce passé, non par nostalgie béate, mais parce que c’est là que nos racines culturelles se sont ancrées.
Et puis franchement, si on veut être honnête… les années 2000 et 2010, on en parle ? Parce qu’à part le retour du slim et des reboots de franchises qu’on avait déjà vues dans les années 80-90, on ne sait pas trop ce qu’on va en retenir dans trente ans.
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