Nous chroniquions il y a peu de temps le roman la Collision des Mondes de Sam Cornell.
Sa bio officielle présente Sam Cornell comme un auteur normand né en 1971. Féru précocement de science et de littérature fantastique, il se consacra initialement à la première de ses passions jusqu’à l’obtention de son doctorat. Ses publications se limitaient alors aux revues spécialisées où il consignait de nouveaux algorithmes, voués aux progrès de l’imagerie numérique.
Ses diverses lectures (notamment Edgar Poe, H.P. Lovecraft, H.G. Wells, René Barjavel, Gaston Leroux et Anne Rice) continuèrent néanmoins de nourrir son appétit pour concevoir ses propres univers.
Ses années passées aux Etats-Unis, se révélèrent propices aux histoires qui germaient dans son esprit. Après quelques projets de nouvelles, il se lança dans l’écriture de son premier roman « La collision des mondes ».
Sam Cornell a gentiment accepté de se prêter au jeu de l’interview.
Scriiipt : Bonjour Sam. Et si nous démarrions par une présentation ? Sur la 4ème de couverture du roman « La Collision des Mondes » ta bio donne quelques indications, est-ce que tu peux nous en dire plus ?
Sam Cornell : Normand d’origine, Breton de cœur.
J’ai passé toute mon enfance et mon adolescence dans la charmante petite ville de Montivilliers, en Normandie. J’en garde de bons souvenirs et des amitiés indéfectibles.
Etant né dans les Années 70, je suis naturellement devenu un pur produit des Années 80.
Cette période dorée m’a plongé au cœur d’une pop-culture florissante. Le cinéma de genre a produit des œuvres devenues cultes. Le jeu-vidéo tout juste naissant, sortait des salles d’arcade pour envahir nos foyers avec des ordinateurs et des consoles 8 bits. Le jeu de rôle débarquait des États-Unis en même temps que la littérature fantasy. J’ai goûté à tout cela avec une avide curiosité. Pour l’anecdote, mon exemplaire du Seigneur des Anneaux date de la première édition française chez Christian Bourgeois. Tout cela a nécessairement nourri mon imaginaire et mon envie créatrice.
De longues études scientifiques m’ont conduit aux quatre coins de la France et même en Europe. Cela ne devait pas suffire car de 1999 à 2002, je me suis retrouvé aux USA pour une expérience enrichissante au sein d’une prestigieuse université. J’en ai tiré mon nom de plume mais aussi le germe grandissant de ce qui allait devenir plus tard « La Collision des Mondes ». Arpenter ces paysages immenses à la beauté inouïe se révéla propice à l’inspiration.
De retour en France, je suis retourné à Rennes, où je vis toujours actuellement. Une ville qui me convient parfaitement, riche en patrimoine et en histoire.
Scriiipt : Il y a quelques semaines nous présentions brièvement ton roman « La collision des mondes » ? Peux-tu nous donner ta version personnelle de la présentation du roman ?
SC : « La Collision des Mondes » est un roman choral se développant au cours d’une quadrilogie (parue en un seul volume chez les éditions Livr’S). Au travers de personnages distincts aux motivations différentes, ces quatre épisodes entrainent le lecteur dans une longue enquête virevoltant entre les styles. On y débute avec un polar qui mute en thriller ésotérique avant de conclure dans l’horreur cosmique. Un Da Vinci Code un peu plus rock’n’roll donc qui aurait déraillé à mi-parcours. Un rejeton caché de Dan Brown et H.P. Lovecraft.
En 1923, un crime maquillé en suicide contraint l’inspecteur Calvez à rouvrir sa dernière enquête. Le notaire Galantier, ruiné et esseulé, ne s’est pas donné la mort afin d’échapper à sa triste situation. Le policier devra confondre l’assassin au cours d’un polar whodunnit qui retranscrit l’atmosphère paisible de la côte d’Albâtre des Années Folles. Mais derrière cette fausse tranquillité se cache un criminel que l’inspecteur se doit de coffrer au plus vite car les cadavres s’amoncellent sur son parcours. Puisque c’est un whodunnit, le lecteur peut lui aussi tenter d’identifier le meurtrier. À l’instar d’une enquête d’Hercule Poirot ou d’une aventure de Rouletabille, l’auteur a disséminé tous les indices nécessaires à la résolution de l’énigme.
Si au départ, tous ces meurtres ne présentaient aucun lien apparent, il apparait avec le temps qu’ils possèdent tous un point commun. Mais cette fois, dans la seconde partie, c’est en compagnie d’un autre personnage que le lecteur poursuivra les investigations. Frère Guillaume, questionné à maintes reprises par un journaliste, le policier, et, plus étonnant encore, une jeune paroissienne, s’interroge sur ce soudain intérêt pour un individu interné vingt ans plus tôt dans une institution catholique. Afin d’y répondre, il partira en quête de son prédécesseur qui a depuis longtemps quitté l’évêché. Le voyage le mènera en Amérique, puis au Vatican où il sera confronté à des dangers inattendus, au péril de sa vie. Au cours de ce thriller ésotérique, le rythme s’accélère. L’action se fait plus présente et la tension également. Des secrets immémoriaux y seront dévoilés. Et au fur-et-à-mesure, de ces découvertes, l’étrange se mêlera à l’intrigue.
La troisième partie ravira les férus d’histoire. Tous ces mystères prennent racines des siècles plus tôt, dans la Perse de l’An Mille plus précisément. Dans une vieille tour abandonnée, au cours d’une reconnaissance, des croisés « déterrèrent » un curieux mécanisme. Une fois celui-ci ramené en Europe, il deviendra l’objet de toutes les convoitises. Des mains illustres l’étudieront. De puissants monarques dépenseront des sommes astronomiques pour l’acquérir. Des conflits éclateront pour tenter de s’en emparer. La machine d’Alhazen attisera la folie des hommes.
Dans le quatrième et dernier épisode, nous retrouvons cet instrument aux propriétés fabuleuses lors d’une vente aux enchères. Pour diverses raisons, inavouables pour certaines, tous les protagonistes de l’histoire seront présents afin de suivre la cession des biens ayant appartenu à l’assassin de M. Galantier. Ce week-end mouvementé conduira les personnages vers la résolution de cette affaire, mais il les entrainera également jusqu’aux confins du réel… dans des contrées inaccessibles au commun des mortel…
Scriiipt : c’est ton premier roman publié, mais tu écris probablement depuis longtemps ? A quel moment et pourquoi tu as franchi le pas ?
SC : Au cours de mon adolescence, comme nombre de collégiens voués à des études scientifiques, la lecture des classiques m’ennuyait au plus haut point. Grâce à la littérature de genre j’ai pu lire autre chose que des BDs et je me suis plongé, avec plaisir cette fois dans tout un tas de bouquins, de fantasy, puis de SF, et enfin de fantastique.
À la même époque, nous étions toute une bande de joyeux drilles qui nous adonnions tous les week-ends à des parties endiablées de jeux de rôle. Passer derrière l’écran est vite devenue une nécessité pour moi. Lire nourrissait mon imaginaire. Façonner des univers, développer des personnages, et surtout, concevoir ses propres histoires, fut une véritable révélation, puis pendant des années, un plaisir toujours renouvelé.
Au cours des années 90, avec ces mêmes amis, nous avons ajouté la dimension « live » en produisant des Grandeurs Natures. La conception de A à Z de G.N. Années 20 & Fantastique te confronte davantage à l’exercice d’écriture. Il faut produire un synopsis, décrire un historique pour des dizaines de personnages. Ce fut un déclic.
L’envie d’écrire un roman m’est ensuite naturellement venue à l’esprit.
Scriiipt : D’où te sont venues les sources et inspirations pour « La collision des mondes » ?
SC : Après quelques années de lecture consacrées à la fantasy, c’est le fantastique qui m’a le plus attiré. Je prenais plaisir à m’immerger dans ces atmosphères mystérieuses et inquiétantes retranscrites dans les œuvres de E.A. Poe, H.P. Lovecraft, et G. de Maupassant.
En les lisant, j’ai également développé une affinité pour cette époque, fin XIXème, début XXème. J’apprécie la période pour son architecture, ses tenues, un certain style. Lorsque je me suis mis à lire des polars, cela m’a donc plutôt amené vers Conan Doyle, Agatha Christie mais surtout Gaston Leroux ou Maurice Leblanc. Ces derniers ont des liens forts avec ma région natale.
Bien que « La Collision des Mondes » mixte des genres très distincts, j’ai cherché lors de son écriture à développer mon propre style, à tâtons au début, puis avec de plus en plus d’assurance lorsqu’une petite musique s’est mise à sonner en relisant mes phrases. Cette patte personnelle se combine à une approche « cinématographique » des scènes. Avant de les coucher sur papier, je dois toujours les visualiser dans mon esprit. J’imagine qu’une telle méthode se voit influencée par des tas de films. Ceux que je pourrais vous citer risquent cependant de trop vous spoiler…
Scriiipt : pour l’avoir lu ailleurs dans une autre interview de toi, le rapport entre « la collision des mondes » et le jeu de rôle est plus qu’évident. Est-ce que tu peux nous en dire plus ?
SC : Un peu plus tôt, nous avons évoqué les liens étroits entre les GNs que j’avais autrefois réalisés et la naissance de mon désir d’écriture.
Au départ, la rédaction de « La Collision des Mondes » ne visait pas une publication par un éditeur. Bien sûr, tout auteur a ce rêve chevillé au corps, mais les statistiques vous ramènent vite à la réalité (moins de 1% des manuscrits reçus par les maisons sont acceptés). Alors vous écrivez d’abord pour vous, surtout lorsqu’il s’agit de votre premier roman. Ce n’est pas un drame en soi car l’écriture est avant tout une passion personnelle, et heureusement d’ailleurs, sinon la motivation et le plaisir seraient absents tout au long des centaines de pages accumulées.
Mais dans mon cas, « La Collision des Mondes » se trouvait associé à un autre projet. Servir de background à un nouveau Grandeur Nature. Celui-ci a déjà connu deux sessions en 2012 et en 2018. Le quatrième épisode, qui se déroule au cours d’un week-end, correspond grosso-modo aux évènements vécus par les joueurs (et non-joueurs), qui ont tous interprétés des personnages du roman.
Notre système de règles offre une très grande liberté. Néanmoins, à notre plus grand étonnement chacun des groupes a reproduit les grandes lignes de sa trame. Les personnages de papier devaient donc agir en toute logique eux aussi. Pour un auteur, c’est très gratifiant de voir son œuvre prendre vie. Pour les joueurs, ils peuvent ensuite lire le roman et « coller » des visages bien réels sur les protagonistes (une expérience de lecture inédite). Bien sûr, dans le roman, l’horreur cosmique se voit offrir un traitement plus spectaculaire.
Produire un roman, publié qui plus est, pour élaborer un G.N. s’avérait être une première, en France tout du moins, et peut-être au-delà.
Lors de la rédaction des trois épisodes précédents, il me suffisait donc de remonter le fil depuis la conclusion jusqu’au début de l’intrigue afin de créer tous les arcs narratifs, principaux et secondaires, pour chaque personnage et ce fameux mécanisme d’Alhazen. À la fin de ce processus, j’obtenais une longue enquête avec, au départ, un crime en apparence banal mais qui cachait une vérité plus complexe. Celle-ci prenait son origine à une époque très lointaine et ses ramifications conduisaient les protagonistes dans de nombreux pays.
Glaner ainsi les pièces d’un puzzle qui dévoile des secrets ancestraux et insoupçonnés au détriment de la santé physique et mentale de nos investigateurs, cela ne nous rappelle-t-il pas ces mythiques campagnes de l’Appel de Cthulhu (les Masques ou le Jour de la Bête par exemple) ?
En revanche, nul besoin d’être rôliste pour prendre plaisir à lire les 666 pages de « La Collision des Mondes ».
Scriiipt : « La collision des mondes » transposée en campagne de jeu de rôle pour l’Appel de Cthulhu c’est très faisable d’après toi. Mais est-ce que l’envie d’écrire directement un scénario de jeu de rôle et de le publier serait quelque chose d’envisageable pour toi ?
SC : Pour les raisons évoquées plus haut, effectivement, il serait possible de transposer le roman pour l’Appel de Cthulhu. Un gardien des arcanes qui m’a contacté a émis le souhait de le faire pour sa table et je l’ai vivement encouragé à le faire. Si on me le demandait, je soutiendrais et accompagnerais aussi avec enthousiasme tout organisateur sérieux qui souhaiterait adapter « La Collision des Mondes » en GN pour son association.
J’ai pris grand plaisir à écrire pour du jeu de rôle ou des GNs personnels. Faire un jour l’exercice de produire des scénarios grand public, pourquoi pas. Aux Utopiales, il y a un concours chaque année et l’idée m’a parfois traversé l’esprit.
Mais, faute de temps, je me consacre plutôt en ce moment à d’autres projets d’écriture, qui seraient difficilement transposables (un roman d’anticipation et une nouvelle policière). Difficile de dire quand ceux-ci seront terminés.
Scriiipt : Normalement j’aurais enchainé maintenant sur une question sur tes futurs projets d’écriture, mais en fait, avant je voulais aussi savoir comment en tant qu’auteur et créateur tu vivais la crise sanitaire actuelle ?
SC : Pour un auteur de premier roman qui ne dispose pas de l’arsenal de communication d’une grande maison d’édition, les salons et séances de dédicaces sont des moments essentiels pour rencontrer le lectorat et diffuser le livre. Ceux-ci vous offrent la visibilité qu’il est plus difficile d’obtenir si vous n’êtes pas distribué nationalement dans les rayons de toutes les librairies.
Grâce à ces évènements, le premier tirage de « La Collision des Mondes » a vite été épuisé. J’en étais ravi. Puis la covid est arrivée. Les nombreux salons et dédicaces prévus ont été annulés.
Avec un seul roman à mon actif, j’avais obtenu l’immense privilège d’être invité par les Imaginales d’Épinal, le premier salon français des littératures de l’imaginaire (et à d’autres festivals également, tout aussi sympathiques). Je remercie d’autant plus les organisateurs de ce salon puisqu’ils me font à nouveau l’honneur d’être invité cette année, du 27 au 30 mai. Je croise les doigts pour que cela puisse avoir lieu cette fois-ci, ou, au pire, que cela soit seulement décalé.
En attendant, je compte sur les chroniques et les tribunes apportées par des blogs tels que le vôtre. Merci infiniment. Et je loue au passage la grande confiance témoignée par les éditions Livr’S en réalisant, malgré l’incertitude, la seconde impression du roman (et avec un tirage plus important qui plus est). Cela permet de poursuivre la diffusion du livre par les libraires et les sites internet malgré cette absence prolongée des salons et dédicaces.
Scriiipt : Espérons en effet retrouver le chemin des Salons dès que possible. En attendant, j’en viens à ma fameuse question sur tes projets en cours ou à venir, quels sont-ils ?
SC : J’ai toujours plusieurs idées en tête mais je ne sais travailler que sur un seul projet à la fois. Les autres demeurent à l’état d’ébauche, bien au chaud dans mon esprit. Les histoires les plus abouties font l’objet de quelques notes, consignées dans des carnets ou sur un ordinateur. Ce sont surtout des nouvelles ou des novellas, dans des genres très divers (polar, fantasy…).
En ce moment, je me consacre donc essentiellement à « Terre Promise », un roman d’anticipation qui se déroule sur deux époques, entre 2030 et 2160. Nous y suivons une jeune femme, Mina, au cours d’un road trip mouvementé dans un univers post apocalyptique. C’est un genre auquel je ne pensais pas me confronter un jour, mais je ne contrôle guère mon inspiration. Je n’en dis pas plus pour éviter de spoiler mais on y retrouve un futur sombre à la sauce Black Mirror.
Tout en préservant quelques codes liés au genre, je souhaite cette fois encore sortir des sentiers battus car la production dans ce domaine a été riche ces dernières années. Pour surprendre le lecteur j’essaie de lui éviter une énième dystopie, des hordes de zombies… ou une pandémie mondiale…
Scriiipt : As-tu un blog d’auteur ou une page dédiée sur un réseau qui permettrait à tes lecteurs de suivre ton actualité ?
SC : Tout cela se trouve ici : https://www.facebook.com/sam.cornell.714/ et https://www.facebook.com/LaCollisionDesMondes. Je suis moins assidu sur instagram (samcornellfr).
Scriiipt : Est-ce que à l’instar de Maxime Chattam, auteur et rôliste aussi, ton bureau est comme un cabinet de curiosités où on y trouve des trésors qui témoignent de toutes tes passions ? A quoi ressemble donc ton cadre de travail en tant qu’auteur ?
SC : J’ai la chance de disposer d’un grand bureau à l’étage, juste à côté de ma seconde bibliothèque consacrée au fantastique (celle du rez-de-chaussée se limite aux livres classiques, la littérature blanche). Dans ce petit cabinet de curiosité on y retrouve quelques souvenirs de G.N. et ma collection de jeux de rôle (essentiellement de l’Appel de Cthulhu V5/V6/V7 que je pratique toujours, et du JRTM, première édition).
Scriiipt : Merci encore pour le temps que tu nous accordé.
SC : Merci à Scriiipt pour son accueil et cet agréable moment en votre compagnie. Lorsque les conditions nous permettrons de nous revoir, je suis impatient de tous vous retrouver en salon ou en librairie.