Les Derniers des Philippines

Les derniers des Philippines est le nom du détachement espagnol qui a résisté au siège pendant 337 jours dans l’église de la ville de Baler, sur l’île philippine de Luçon

Los Ultimos de Filipinas

Un siège qui a duré 11 mois, l’obstination d’une poignée d’hommes, voici un évènement fort peu connu en France, mais largement commenté en Espagne, aux Philippines, et même aux Etats-Unis. Et vous allez comprendre pourquoi.

Sur scriiipt, pourquoi nous évoquons ce sujet ?

Si vous suivez un petit peu scriipt, vous avez peut-être vu passer quelques-unes de nos production et notamment celle-ci : https://scriiipt.com/les-productions-scriiipt/des-flingues-et-des-troubles/.

En fait, de fil en aiguille, des recherches sur la Tommy Gun j’en suis venu à m’informer sur les Bananas Wars, puis sur la Guerre Hispano-Americaine de 1898.

Et je suis tombé sur le film espagnol Los Ultimos de Filipinas.

Le Siège de Baler

Les derniers des Philippines est le nom du détachement espagnol qui a résisté au siège pendant 337 jours dans l’église de la ville de Baler, sur l’île philippine de Luçon (Baler est située sur la côte Est de Luçon.).

La guerre hispano-américaine prend fin en décembre 1898 avec la capitulation de l’Espagne et la cession des Philippines aux États-Unis. Cependant, coupées de toute communication avec leurs propres gouvernements et les autres forces militaires, des soldats espagnols installés à Baler poursuivirent leur défense contre les Philippins jusqu’en 1899.

Un peu de contexte

La révolution philippine contre le pouvoir colonial espagnol débute en 1896.

La garnison espagnole de Baler, en septembre 1897, comptant cinquante Cazadores sous les ordres du lieutenant José Mota, devait empêcher Emilio Aguinaldo (le futur président des Philippines) de recevoir des armes passées en contrebande.

Emilio Aguinaldo (1869 – 1964) homme d’État philippin, président de la République des Philippines de 1897 à 1901.

Les forces de Mota furent attaquées dans la nuit du 4 octobre 1897 par les hommes du Général Luna, qui tuèrent le lieutenant Mota et six autres Espagnols, blessant plusieurs autres soldats et capturant 30 fusils Mauser.

Antonio Narciso Luna de San Pedro y Novicio Ancheta (1866 – 1899). Considéré comme l’un des généraux les plus compétents de son temps.

Cette phase initiale de la révolution philippine s’achève par une trêve en 1897.

En 1898, avec la reprise de la Révolution philippine, Baler n’était encore accessible que par bateau ou en parcourant à pied des sentiers de jungle quasiment impraticables à travers les montagnes de la Sierra Madre, souvent noyés par des pluies torrentielles.

Au cours de cette phase de la révolution, les Philippines étaient impliquées dans la guerre hispano-américaine (25 avril – 12 aout 1898) et les rebelles philippins alliés aux forces américaines.

Cette alliance allait prendre fin avec le déclenchement de la guerre américano-philippine en 1899 (4 février 1899 – 4 juillet 1902 (durée officielle) /1899 – 1913 (durée non officielle causée par la poursuite des combats avec les guérillas)

La ville de Baler était occupée par une garnison composée d’un détachement de cinquante hommes du 2e bataillon expéditionnaire de « Cazadores » des Philippines, placé sous les ordres du capitaine Enrique de las Morenas y Fossí, le gouverneur du district.

Enrique de las Morenas y Fossi (1855 – 1898)

Le 1er juin 1898, Morenas commença à faire creuser un puits, à stocker des vivres et des munitions et à fortifier le complexe de l’église San Luís de Tolosa contre une éventuelle attaque. L’église était le seul bâtiment en pierre de la zone.

Le siège

Le 26 juin, les Espagnols remarquèrent que les habitants de la ville partaient. Dans la nuit du 30 juin 1898, 800 soldats philippins attaquèrent et la garnison se replia dans l’église.

Le prêtre de la ville, Candido Gómez Carreño, se barricada également dans l’église.

Au cours des premiers jours du siège, les Philippins tentèrent à plusieurs reprises de convaincre les Espagnols de se rendre en leur faisant parvenir des lettres, tout en entourant l’église de tranchées. Le 8 juillet 1898, le commandant philippin, offrit une suspension des hostilités jusqu’à la tombée de la nuit, qui fut acceptée.

Le 18 juillet, un autre commandant Philippin envoya également une lettre d’avertissement, qui fut rejetée.

Les Espagnols étaient confinés dans un petit espace chaud et humide. Au fur et à mesure que le siège progressait, leurs réserves de nourriture commencèrent à diminuer. Les tirs de fusils ennemis faisaient peu de victimes, mais des maladies telles que le béribéri, la dysenterie et la fièvre causèrent encore plus de dégâts.

En septembre, le lieutenant Alonso, puis en novembre le capitaine Las Morenas succombèrent au béribéri. Le commandement revint au lieutenant Saturnino Martín Cerezo lorsque Las Morenas mourut en décembre.

Saturnino Martín Cerezo (1866 – 1945)

Plus d’une fois, les Espagnols tentèrent de brûler les maisons voisines pour priver les Philippins du couvert dont ils avaient besoin. Les Philippins essayèrent de les enfumer en allumant des feux près du mur de l’église, mais ces tentatives furent repoussées et leur bois fut capturé.

Au début du siège, les Espagnols avaient des provisions de farine, riz, haricots, pois chiches, bacon, conserves de bœuf australien, sardines, vin, sucre et café – mais pas de sel.

Pour compléter leurs réserves alimentaires, les Espagnols récoltèrent des citrouilles, feuilles de citrouille, oranges, pousses de plantain, diverses herbes et plantèrent un jardin de poivrons, tomates et citrouilles.

À la mi-novembre, n’ayant pas réussi à déloger les Espagnols, Villacorta, sous un drapeau de trêve, laissa des journaux sur les marches de l’église annonçant le départ prévu de l’Espagne des Philippines et la fin du conflit hispano-américain. Martín prit cela pour une ruse et refusa de se rendre. Villacorta fit aussi venir des civils espagnols et un officier espagnol laissé sur place pour boucler les affaires de l’Espagne aux Philippines, en uniforme, mais en vain.

Le 22 novembre 1898, 145 jours s’étaient écoulés depuis le début du siège et quatorze soldats espagnols étaient morts de maladie. Sur les trente-huit soldats restants, seuls vingt-trois étaient opérationnels, les autres étant malades.

Les Philippins subirent également des pertes, principalement à cause des tirs de fusils Mauser que les Espagnols pouvaient leur infliger depuis leurs positions de tir protégées.

Le Nouvel An 1899 attira d’autres émissaires espagnols à Baler, mais Martín Cerezo les rejeta de nouveau. À la fin du mois de février, les Espagnols tuèrent trois buffles d’eau, mangeant la viande avant qu’elle ne soit gâtée et utilisèrent le cuir pour ses chaussures.

En avril, les Américains intervinrent lorsque le commandant Charles S. Sperry, commandant l’USS Yorktown, tenta de sauver les Espagnols. À ce moment-là, les Philippines étaient entrées en guerre contre les États-Unis depuis février.

insurgés philippins en 1899

Quand leurs réserves de nourriture furent épuisées le 24 avril 1899, les Espagnols mangèrent des chiens, des chats, des reptiles, des escargots et des corneilles.

Le 8 mai 1899, des obus d’artillerie philippins ont touchèrent une cellule improvisée contenant trois Espagnols qui avaient tenté de déserter plus tôt lors du siège. L’un d’entre eux, sortit et rejoint les Philippins. Ce fut un coup dur pour les Espagnols, car le déserteur avait d’importantes informations à livrer sur sa situation désespérée et aida à tirer au canon sur l’église aux bonnes positions.

Le 28 mai 1899, il y eut une autre tentative pour amener Martín Cerezo à se rendre. Encore une fois, un autre officier espagnol, apparut sous un drapeau blanc et fut refoulé. Il avait apporté des journaux espagnols récents, que Cerezo avait initialement qualifiés de faux, jusqu’à ce que Martín lise un article concernant la publication d’un ami proche, de projets que lui seul connaissait, le convaincant que les journaux étaient authentiques et que l’Espagne avait effectivement perdu la guerre.

Le 2 juin 1899, Martín se rendit aux Philippins.

Le général Emilio Aguinaldo, président de la Première République des Philippines, décréta qu’ils devaient être considérés non comme des prisonniers de guerre, mais comme des amis. Il déclara en outre ils ont réalisé une épopée aussi glorieuse que la valeur légendaire des fils du Cid et de Pelayo.

Trois mois plus tard, le 1er septembre 1899, les survivants, dont Martín Cerezo, arrivèrent à Barcelone où ils furent reçus et honorés comme des héros. Martín Cerezo publia par la suite un mémoire intitulé El Sitio de Baler, dans lequel il expliquait ses raisons pour ne pas se rendre :Ce serait un peu difficile pour moi d’expliquer, je crois que c’était principalement par méfiance et obstination. Puis aussi à cause d’une certaine sorte d’auto-suggestion selon laquelle nous ne devrions céder pour aucune raison à cause de l’enthousiasme national, sans doute influencé par la séduisante illusion de la gloire et par la souffrance et la valeur du sacrifice et de l’héroïsme auxquels, par la reddition , nous mettrions un terme indigne.

Les survivants du détachement de Baler photographiés le 2 septembre 1899 dans la cour de la caserne Jaime I à Barcelone

Conséquences

Sur les cinquante hommes qui sont entrés dans l’église, environ trente survécurent au siège de onze mois. Quatorze hommes moururent de maladie. Seuls deux hommes moururent de leurs blessures. Il y a eu quatre déserteurs de la garnison. Deux hommes furent emprisonnés pour avoir aidé à la désertion d’un autre et exécutés sur ordre de Martin Cerezo le 1er juin 1899, la veille de la capitulation.

L’exploit des espagnols inspira tellement le général américain Frederick Funston qu’il fit traduire le mémoire de Martin-Cerezo et en remit une copie à chacun de ses officiers. Il fut publié sous le titre Sous le Rouge et Or : Notes et souvenirs du siège de Baler .

Les survivants ont été appelés « Les Derniers des Philippines » (en espagnol : Los últimos de Filipinas ; en Philippin : Ang Pínakahulí Mulà sa Pilipinas ). Un siècle après leur retour, le gouvernement espagnol moderne leur a rendu hommage.

Jeu de rôle ?

J’inclurais cet épisode dans un prochain supplément consacré à la Guerre Hispano-Américaine.

Mais cette histoire, qui certes peut paraitre absurde, en effet, une telle obstination et un tel aveuglement laisse songeur. Los Ultimos sont considérés comme des héros, et nul doute qu’il leur a fallu un courage certain pour résister ainsi pendant presque une année complète dans des conditions extrêmes.

La série TV espagnoles fantastique « El Ministerio del Tiempo » base un de ses épisodes sur cet évènement.

Le ministère du temps est une institution gouvernementale secrète qui dépend directement de la Présidence du Gouvernement espagnol. Seuls les monarques, les présidents et un nombre exclusif de personnes connaissent son existence. Le chemin vers d’autres époques se fait à travers des portes surveillées par les patrouilles du ministère. Son objectif : détecter et empêcher n’importe quel intrus du passé d’arriver à notre époque (ou vice versa) afin de changer l’histoire dans leur intérêt. Pour cela, les patrouilles doivent voyager dans le passé et les en empêcher. Au sein du ministère travaillent beaucoup de personnes de diverses époques.

En effet, un des personnages se retrouve embringuer dans le détachement de soldats au moment de l’attaque de Baler… Vous pouvez imaginer comme il peut être dépiter de découvrir qu’il risque de rester coincer pendant plus de 300 jours, et qu’il ne doit surtout pas tenter de modifier le cours de l’histoire…

Et il existe même un jeu complet avec les règles de Hitos.

Cette histoire d’un siège et de soldats qui refusent de se rendre tandis qu’autour d’eux le conflit a cessé puis a repris avec d’autres belligérants peut être adaptée dans d’importe quel contexte. Dès que les assiégés n’ont plus aucun moyen d’information et de communication avec le monde extérieur, tout peut arriver.



En savoir plus sur SCRiiiPT

Subscribe to get the latest posts sent to your email.


En savoir plus sur SCRiiiPT

Abonnez-vous pour poursuivre la lecture et avoir accès à l’ensemble des archives.

Continue reading