1932, île de Floreana, Galápagos.
Un bout de terre volcanique perdu dans le Pacifique, sans port ni route, à trois jours de mer du continent. À cette époque, seuls quelques colons s’y risquent, assez fous ou désespérés pour supporter l’isolement. L’air sent le sel, les tortues géantes avancent comme des forteresses vivantes… et l’horizon se coupe net dans le vide du monde.
Les premiers installés sont un couple allemand : le docteur Friedrich Ritter, dentiste philosophe et végétarien strict, et Dore Strauch, sa patiente devenue compagne. Ils veulent bâtir un “Eden” loin de la civilisation. Plus tard, la famille Wittmer, colons prudents et travailleurs, les rejoint.
Tout allait rester relativement tranquille… jusqu’à l’automne 1932.
L’arrivée d’un ouragan
Tout bascule à l’automne 1932, avec l’arrivée d’une tornade en jupons : Eloise Wehrborn de Wagner-Bosquet, baronne autoproclamée.
Dans ses bagages : deux jeunes hommes, Robert Philippson et Rudolf Lorenz, du matériel de construction, et un projet flamboyant : ériger un hôtel de luxe, la Hacienda Paradiso.
Dès son arrivée, elle se proclame Impératrice de Floreana, attire l’attention des navigateurs et scandalise ses voisins par son comportement provocateur.
Les tensions montent vite : conflits d’eau, accusations de vol, rivalités sentimentales.
Le printemps noir de 1934
En mars, la Baronne et Philippson annoncent un départ pour Tahiti. Personne ne les reverra.
Pas de témoin, pas de bateau identifié. Disparus.
Lorenz, resté seul, tente de quitter l’île. On retrouvera son corps momifié sur une île déserte, aux côtés de celui du capitaine qui l’avait embarqué. Quelques mois plus tard, Ritter meurt d’une intoxication alimentaire suspecte. Strauch, accusée à demi-mot, repart en Allemagne en affirmant qu’il s’était empoisonné par erreur.
À la fin de 1934, seuls les Wittmer demeurent sur Floreana… et un mystère persistant.
Témoignages et relectures
Une affaire jamais élucidée
Les survivants ont livré des versions différentes : Margret Wittmer évoque une querelle violente suivie d’une disparition “arrangée”, Strauch parle de manigances et de personnes malfaisantes. Les archives, maigres et contradictoires, laissent la place aux hypothèses.
L’histoire a inspiré livres, fictions et documentaires, dont The Galapagos Affair: Satan Came to Eden (2013), de Daniel Geller et Dayna Goldfine. Ce film mêle témoignages, lectures de journaux intimes par Cate Blanchett, Diane Kruger, Sebastian Koch et d’autres, ainsi que des extraits d’un court-métrage muet tourné sur place en 1934, The Empress of Floreana.
une fiction étrange
The Empress of Floreana
The Empress of Floreana est un court-métrage d’aventure muet de 1934, tourné sur l’île Floreana par un capitaine millionnaire qui était venu à l’origine avec son équipage visiter les îles Galápagos dans un but zoologique. L’équipage choisit de se rendre à Floreana à cause des rumeurs entourant les deux seuls habitants de l’île : un couple allemand expatrié. Ils se lièrent immédiatement d’amitié avec eux. Au point de vouloir revenir tous les quelques mois avec des provisions pour ses hôtes.
Lors de leur deuxième visite, deux autres groupes s’étaient installés sur l’île : une famille de trois personnes (avec un quatrième membre à naître), et Eloise von Wagner Bosquet, et deux jeunes gigolos, Robert et Rudolf. Le charme de von Wagner se révéla si prometteur que le capitaine George Allan Hancock écrivit un scénario à son sujet et décida de le filmer lors de leur troisième visite.
Le 21 janvier 1934, l’équipage revint avec du matériel de tournage pour réaliser le film prévu, plusieurs membres du navire tenant des rôles à l’écran ou participant à l’équipe technique.
Le film suit un couple de jeunes mariés (le réalisateur Emery Johnson jouant le mari, et un étudiant en zoologie, Ray Elliott, incarnant la femme) qui se retrouvent échoués sur les côtes de l’île Floreana.
Le ton est léger, mais le film, présenté plus tard dans The Galapagos Affair, a largement contribué à faire connaître l’histoire.
Pistes pour le jeu de rôle
Cette histoire est un cadeau empoisonné pour MJ en quête de tension :
- Version réaliste : enquête à huis clos sur une île isolée. Les PJ sont colons, marins de passage, ou enquêteurs tardifs venus reconstituer les faits. Les PNJ mentent tous — et certains plus habilement que d’autres.
- Version fantastique : l’île elle-même a une volonté. Les tensions humaines nourrissent une force ancienne : esprit marin, malédiction volcanique, entité qui “choisit” qui peut rester. La Baronne n’a pas disparu… elle est devenue quelque chose d’autre.
- Version pulp/aventure : rivalités pour une carte au trésor supposée cachée dans les roches basaltiques ; yacht de contrebandiers ; créatures inconnues tapies dans les grottes littorales.
Ici, le sable noir recouvre vite les traces… et le vent emporte les vérités.
Encadré
Eden, film de Ron Howard (2024)
Eden est un thriller dramatique inspiré directement de l’affaire de Floreana. Réalisé par Ron Howard et écrit par Noah Pink, il met en scène Jude Law (Ritter), Vanessa Kirby (Strauch), Daniel Brühl (Heinz Wittmer), Sydney Sweeney (Margret Wittmer), Ana de Armas (la Baronne), Felix Kammerer, Toby Wallace et Richard Roxburgh. Musique : Hans Zimmer.
Tournage principal sur la Gold Coast (Australie), avec des prises aux Galápagos. Les acteurs ont décrit chaleur, humidité et insectes, rendant le travail éprouvant mais soudant l’équipe.
Présenté au Festival de Toronto 2024, sorti en Allemagne en avril 2025 et aux États-Unis en août 2025, le film a reçu un accueil critique partagé. Howard y filme la montée des tensions dans un cadre idyllique mais implacable, mettant en lumière le contraste entre la beauté des paysages et la dureté de la vie en autarcie.
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