Il y a des décisions qu’on prend à la légère. Et puis il y a celles qui changent le destin de votre table de jeu. Se lancer dans RuneQuest – Aventures dans Glorantha, c’est un peu les deux à la fois. Après quelques échanges animés (et un poil nostalgiques) avec des potes, l’idée a germé : retourner dans Glorantha. Pour certains, c’était comme retrouver un vieil amour des années 90, avec ce petit frisson de retrouver une vieille carte cornée au fond d’un classeur. Pour d’autres, c’était la toute première plongée dans un univers aussi dense, mystique et… disons-le franchement, pas user-friendly au premier abord. Un monde où les canards parlent, où les dieux meurent (et ressuscitent), et où chaque pierre a une légende.

Les personnages d’abord… et surtout
On a vite écarté l’idée des prétirés. Erreur ? Peut-être. Mais le cœur a ses raisons. La création de personnage dans RuneQuest, c’est un rite initiatique. C’est long. Parfois compliqué. Mais c’est aussi passionnant. Chaque joueur ou joueuse s’est retrouvé plongé dans une sorte de généalogie mythologique interactive. On a remonté les lignes familiales, jeté les dés pour savoir si grand-papa avait combattu les Lunars ou si maman initiée d’Ernalda avait eu une illumination en touchant une pierre runique.

Oui, j’ai réussi à trouver un fichier Googlesheet salvateur (Création de personnage avec Google Sheet par Phil Hibbs) pour éviter de faire tous ces calculs comme un prêtre de Lhankor Mhy sous caféine. Oui, même avec ça, j’avais toujours le doute d’avoir zappé un point de caractéristique à ajouter ou inversé deux runes. Mais peu importe. Parce qu’à chaque étape, les nouveaux joueurs découvraient un peu plus qui était leur personnage, d’où il venait, pourquoi il portait un tatouage de serpent ou quel ancêtre était tombé au combat lors de la bataille du Pic du Grizzli (bon, mais c’est où le Pic du Grizzli ?).

C’est une mécanique redoutablement efficace pour s’approprier son héros. Et quand on commence à parler de sa grand-mère qui a affronté des Lunars et qui a été bénie par Belintar, on sait qu’on est sur la bonne voie.

Belintar est un mystérieux être divin qui arriva à la nage en 1313 sur les côtes de Kethaela, le Pays Saint. En 1318, il vainquit le souverain magique local, l’Unique Ancien, et devint le roi-dieu du pays. Sa magie apporta paix et prospérité pendant près de 300 ans.
En 1336, pour éviter la mort, il institua un rituel appelé le Tournoi des Maîtres de la Chance et de la Mort, lui permettant de se réincarner dans un nouveau corps à chaque fois (homme, femme ou créature ancienne). Il a changé de corps 20 fois.
Mais en 1616, le tournoi échoua : aucun vainqueur ne fut désigné. Belintar disparut, et le Pays Saint perdit son unité, tombant dans le chaos.
Il est généralement représenté comme un homme idéal portant un diadème orné de la Rune de la Maîtrise, souvent entouré de symboles des Sixièmes du Pays Saint.
Mieux encore : on sent les regards s’éclairer, les connexions se faire, et même les moins familiers de Glorantha commencer à dire « j’ai lu un truc sur les trolls… c’est eux les Uz, non ? » – et là, c’est gagné. (Mais je me rends compte que je leur ai pas parlé des Trolls, pas grave, ils auront la surprise)
MJ, explicateur en chef de Glorantha
Côté MJ (c’est moi), c’est un autre genre de sport. Parce que Glorantha, c’est pas seulement une carte pleine de noms bizarres. C’est un monde vivant, en guerre, mystique. Et chaque nom de lieu, chaque terme religieux, chaque interaction avec un temple ou une tribu mérite une petite explication pour les nouveaux venus. Sinon on les perd. Rapidement.
Entre Sartar, Esrolia, le Vieux Tarsh, les Trolls, les Porteurs de Lumière, la Guerre des Héros, et j’en passe… le glossaire commence à ressembler à une encyclopédie. Et c’est sans parler des runes, de la magie divine, de la magie spirituelle et des quêtes héroïques. Mais là aussi, les questions surgissent, les joueurs s’accrochent, et au bout d’un moment, on entend des phrases comme : « Ah ouais, donc c’est elle qui a réveillé le Vrai Dragon sous le temple lunar ? » – et là, on sourit. L’univers a commencé à les happer.
On passe alors en mode pédagogue, conteur, gardien du ton gloranthien. Un petit clin d’œil mythologique par-ci, une anecdote sur Harrek le Berserk par-là, et l’on voit les yeux briller. Et ça, franchement, ça vaut toutes les nuits blanches de lecture de suppléments.

On touche au but
Les fiches sont prêtes. Enfin, presque : disons à 90 ou 95 %. Il ne manque plus que les illustrations pour chacun. Et là, autant dire qu’on rame un peu. Parce que trouver un portrait « très Gloranthien », c’est pas comme chercher une photo de sorcière victorienne sur Pinterest. Il faut du souffle, de la rune, du mystique, du barbare tatoué avec une hache animiste. Quelque chose entre le héros grec et le guerrier chamanique, avec une touche de surréalisme. On regarde du côté des illustrations officielles, on pioche sur DeviantArt ou ArtStation, on hésite.
Mais on va y arriver. Quitte à dessiner soi-même un canard en armure, ce qui reste une forme d’initiation en soi… (En écrivant ça, je me dis aussi que je ne leur ai pas encore parlé des Canards).
L’aventure commence (doucement)
Première partie à venir : celle de la boîte d’initiation (le Coffret Découverte), parce que faire simple, parfois, c’est aussi faire bien. On se dit que commencer par l’aventure prévue pour débuter dans Glorantha, c’est une bonne idée. Ne serait-ce que pour prendre nos marques dans un monde où les dieux saignent et les canards parlent (il va falloir vraiment que je leur dise pour les Canards). On sort les dés runiques, on relit une dernière fois les cultes, on prend une grande inspiration. Et on y va.
Voilà où on en est : des personnages presque terminés, des cerveaux un peu surchauffés, une hype grandissante, et surtout cette excitation partagée de se lancer dans un univers aussi unique que Glorantha. RuneQuest, ce n’est pas juste un jeu de rôle. C’est une mythologie vivante qui n’attend que vous pour y laisser votre trace. Et chaque décision, chaque action, chaque mot échangé autour de la table peut faire basculer l’histoire dans une autre légende.
Et toi ? T’as déjà eu un ancêtre qui a combattu un esprit dans le monde Inférieur à dos de bouc céleste ? Ou mieux encore : un canard mystique qui t’a sauvé la mise avec un sort de confusion ? (je leur dis pour les Canards, ou je les laisse découvrir la vérité quand il sera trop tard ?).
Laisser un commentaire