Le développement des compétences sociales dans les jeux de rôle (et ici dans cet article par le biais du féminisme) est une approche efficace pour encourager l’empathie et la compréhension.
De manière empirique et intuitive, quand nous pratiquons des jeux de rôle sur table nous développons déjà nos compétences sociales, et pour beaucoup de joueurs et joueuses cela restera ainsi. Néanmoins, il était aussi intéressant d’avoir un peu de réflexions sur nos pratiques, histoire de faire un peu évoluer les choses.
Nous allons rester dans le thème du féminisme et des jeux de rôle, bien que le « développement des compétences sociales » soit accessibles à toutes et tous, sans forcément passer par une optique plutôt qu’une autre. Dans cet article ici présent, il s’agit bien d’un choix d’utilisation du jeu de rôle dans un objectif réfléchi.
Le lien entre les compétences sociales et le féminisme est riche et multifacette. Le féminisme, en tant que mouvement pour l’égalité des sexes, met souvent en avant l’importance de certaines compétences sociales pour promouvoir et réaliser cette égalité.
C’est quoi les compétences sociales ?
En effet, il s’agit de se mettre d’accord sur quelques définitions et concepts, avant d’aller plus loin. Les compétences sociales (ou compétences interpersonnelles) sont les aptitudes et les comportements qui permettent aux individus d’interagir efficacement et harmonieusement avec les autres. Ces compétences sont essentielles dans presque tous les aspects de la vie, que ce soit dans un cadre personnel, professionnel ou social.
Quelques exemples de compétences sociales :
- Communication (verbale et non verbale) : Savoir s’exprimer clairement et efficacement, écouter activement, et adapter son langage en fonction de son interlocuteur. Utiliser le langage corporel, les expressions faciales, le contact visuel et les gestes pour renforcer et compléter le message verbal.
- Empathie : Comprendre et partager les sentiments des autres, et être capable de voir les choses de leur point de vue.
- Résolution de conflits : Savoir gérer et résoudre les désaccords de manière constructive, trouver des solutions mutuellement acceptables.
- Collaboration et travail d’équipe : Travailler efficacement avec les autres, partager des responsabilités, et contribuer positivement à un objectif commun.
- Adaptabilité : S’ajuster facilement aux nouvelles situations et aux différents types de personnes.
- Gestion des émotions : Contrôler ses propres émotions et comprendre celles des autres, pour maintenir des interactions sociales positives.
- Négociation : Trouver des compromis et parvenir à des accords bénéfiques pour toutes les parties impliquées.
- Assertivité : Exprimer ses opinions, besoins et sentiments de manière claire et respectueuse, sans agresser ni se soumettre.
- Écoute active : Montrer de l’intérêt pour ce que l’autre personne dit, poser des questions pour clarifier et réagir de manière appropriée.
Ces compétences sont cruciales pour établir et maintenir des relations positives, résoudre des problèmes interpersonnels, et réussir dans divers environnements sociaux et professionnels. Elles peuvent être développées et améliorées avec la pratique et l’expérience.
En parcourant cette liste, vous vous êtes probablement rendu compte que lorsque l’on joue aux jeux de rôle on utilise la quasi totalité de ces compétences (enfin, on espère…).
Les impacts du féminisme sur les compétences sociales
Car c’est bien l’approche que nous avons choisi ici pour cet article…
- Une redéfinition des rôles sexués :
- Le féminisme encourage une redéfinition des rôles traditionnels, ce qui peut libérer les individus des attentes en matière de comportement social. Par exemple, les hommes peuvent être encouragés à développer et exprimer leur empathie et leurs émotions.
- La promotion de l’égalité et de l’inclusivité :
- En favorisant une culture d’égalité, le féminisme pousse à développer des compétences sociales qui respectent et valorisent la diversité, réduisant ainsi les préjugés et les comportements discriminatoires.
- La sensibilisation aux micro-agressions et comportements sexistes :
- Le féminisme sensibilise à l’importance de reconnaître et de combattre les micro-agressions et les comportements sexistes, ce qui nécessite des compétences sociales avancées en matière d’écoute, de respect et de correction de ses propres comportements.
Comment développer des compétences sociales à travers le JdR
Explorer des perspectives diverses
Compréhension des dynamiques sociales : Les jeux de rôle offrent une plateforme pour expérimenter et observer comment les rôles de genre influencent les interactions sociales. Par exemple, jouer un personnage féminin dans un contexte historique ou fantastique peut mettre en lumière les restrictions sociales et les attentes associées au genre féminin.
Jouer des personnages de différents genres : En incarnant des personnages de genres différents du leur, les joueurs sont amenés à se mettre à la place d’autres personnes, ce qui développe leur empathie. Cela les aide à mieux comprendre les expériences, les défis et les discriminations auxquels ces personnages peuvent être confrontés.
Exemple pratique : Dans un jeu comme Monsterhearts, les joueurs incarnent des adolescents monstres qui explorent leur identité et leurs relations. Les joueurs peuvent choisir des personnages de genres et d’orientations sexuelles variés, ce qui les amène à réfléchir sur les implications sociales et personnelles de ces identités.
Sensibiliser aux inégalités
Scénarios de discrimination et d’égalité : En jouant des scénarios où les personnages doivent naviguer dans des environnements sexistes ou lutter pour l’égalité, les joueurs peuvent mieux comprendre les dynamiques de pouvoir et les obstacles systémiques que rencontrent les femmes et les minorités de genre.
Exemple pratique : Dans un jeu de rôle basé sur L’Appel de Cthulhu, les MJ peuvent créer des scénarios où les investigateurs femmes doivent surmonter des préjugés et des restrictions sociales pour résoudre des mystères, illustrant ainsi les défis historiques et contemporains des femmes.
Développer l’empathie et la communication
Empathie : En jouant des personnages de genres différents, les joueurs sont amenés à explorer des perspectives et des expériences différentes de celles de leur propre genre. Cela encourage l’empathie en permettant aux joueurs de mieux comprendre les défis, les motivations et les sentiments des personnages qu’ils incarnent.
Communication et collaboration : Jouer des personnages de différents genres nécessite souvent une adaptation dans la manière de communiquer et de collaborer avec les autres joueurs. Cela renforce les compétences en communication interpersonnelle et en résolution de conflits, car les joueurs doivent négocier des différences de perspective et d’approche.
Dialogue et interaction : Les jeux de rôle exigent souvent des joueurs qu’ils dialoguent et collaborent pour résoudre des problèmes. En jouant des rôles de genres différents, les joueurs développent des compétences en communication et apprennent à exprimer et à recevoir des sentiments et des perspectives variés.
Exemple pratique : Dans Fiasco, un jeu de rôle narratif où les joueurs créent des histoires de désastre et de désordre, les personnages peuvent avoir des identités de genre diverses. Les interactions complexes et émotionnelles entre les personnages permettent aux joueurs de pratiquer l’empathie et la communication interculturelle.
Déconstruire des stéréotypes liés au sexe
Exploration des stéréotypes et des normes sociales : Les jeux de rôle permettent aux joueurs de remettre en question et de déconstruire les stéréotypes liés au sexe dans la société. En jouant des personnages qui défient ou transcendent ces stéréotypes, les joueurs peuvent explorer des façons alternatives d’être et d’agir qui ne sont pas limitées par les normes traditionnelles.
Rôles non-conformistes : Les jeux de rôle permettent aux joueurs de créer et de jouer des personnages qui défient les stéréotypes. Cela aide à déconstruire les idées préconçues sur ce que les hommes et les femmes peuvent ou doivent être.
Exemple pratique : Dans Dungeon World, un jeu de rôle de fantasy, les joueurs peuvent créer des personnages comme des guerrières robustes ou des sorciers sensibles, défiant ainsi les stéréotypes traditionnels.
Encourager à la réflexion personnelle
Développement de l’identité personnelle : Pour les joueurs, jouer des personnages de sexes différents peut contribuer à un développement personnel en élargissant leur compréhension de soi et en explorant des aspects de leur identité qui peuvent être influencés par les normes.
Exemple pratique : Imaginons un scénario dans un jeu de rôle fantastique où les joueurs peuvent choisir d’incarner des personnages divers. Un joueur habituellement masculin décide de jouer un personnage féminin. À travers les séances de jeu, il explore les défis auxquels ce personnage est confronté dans un monde médiéval fantastique où les femmes auraient traditionnellement des rôles restreints. En jouant ce personnage, le joueur peut développer une meilleure compréhension des inégalités sexuelles et des stratégies pour les surmonter, tout en renforçant son empathie envers les expériences des femmes dans des contextes similaires.
Une remarque cependant : Comme pour tous les autres exemples, et toutes les expérimentations, il s’agit pour les MJ d’être très prudent et attentifs. On peut vite tomber dans la caricature, et au lieu de lutter contre des préjugés, on peut au final contribuer à les propager dans l’esprit des joueurs à table.
Réflexion post-jeu : Après une séance de jeu, les MJ peuvent organiser des discussions pour réfléchir sur les difficultés rencontrées pendant le jeu. Cela aide les joueurs à intégrer leurs expériences de jeu dans leur compréhension du monde réel.
Exemple pratique : À la fin d’une campagne de The Watch, un jeu de rôle où les joueurs incarnent des personnages luttant contre une invasion surnaturelle dans une société patriarcale, les MJ peuvent poser des questions sur les parallèles entre les défis du jeu et ceux du monde réel.
Conclusion (toujours provisoire)
En jouant des personnages de sexes différents et en explorant des scénarios inclusifs, les jeux de rôle permettent aux participants de développer des compétences sociales essentielles telles que l’empathie, la communication et la compréhension des inégalités de pouvoirs et de sexe. Ces expériences enrichissent non seulement les joueurs en tant qu’individus, mais contribuent également à créer des communautés de jeu plus inclusives et conscientes des enjeux sur l’égalité des sexes.
Cela peut contribuer à un engagement plus profond avec les enjeux féministes en encourageant une réflexion critique sur les normes sociales et en favorisant une représentation plus équitable dans les médias et la société en général.
