Parmi tous les articles que vous trouverez sur la Princesse Pauline von Metternich il y a régulièrement la mention du duel auquel elle aurait participé en 1892, un duel où les combattantes étaient seins nus.
Je vous recommande de lire jusqu’au bout cette histoire, vous risquez fort d’avoir quelques surprises et révélations.
Le duel en quelques mots
En août 1892, Pauline se bat en duel à l’épée avec la comtesse Anastasia Kielmannsegg, femme du gouverneur de l’archiduché de Basse-Autriche. La princesse est la présidente d’honneur de l’Exposition musicale et théâtrale de Vienne ; la comtesse est présidente de la commission des femmes de ladite exposition. S’étant insultées pour une question de composition d’un parterre floral, elles se rencontrent entourées exclusivement de femmes, dont la baronne Lubinska, qui leur conseille, par précaution médicale, de se battre torse nu. La princesse, bien que coupée au nez par son adversaire, la blesse plus fortement au bras, lui donnant la victoire.
Les participantes
Combattante 1
La princesse Pauline von Metternich
Pauline est née à Vienne en 1836. À 20 ans, elle épouse son oncle, le prince Richard von Metternich…
Richard a souvent trompé son épouse, mais ce mariage pouvait paraître assez heureux, puisqu’ils ont eu trois filles. Richard étant diplomate, le couple se rend à Berlin et à Paris, où Pauline se lie d’amitié avec l’impératrice Eugénie.
C’est Pauline qui a présenté le célèbre couturier Charles Worth à l’impératrice de France.
Pauline est une ardente défenderesse de la musique et des arts et des femmes qui fument le cigare. Lorsque l’Empire s’est effondré en 1870 après la défaite de la France dans la guerre franco-prussienne, c’est Pauline qui a envoyé les bijoux de l’impératrice Eugénie à Londres dans la valise diplomatique de son mari.
Combattante 2
Comtesse Anastasia Kielmannsegg
Anastasia est une rivale de la Princesse sur la scène sociale viennoise. Elle vient d’une famille russe très riche de Bessarabie (son nom de jeune fille est Lebedeff), mais cela ne suffi pas pour se mesurer à la noblesse autrichienne.
Le mari d’Anastasia, le comte Erich von Kielmansegg, n’était même pas autrichien – il était allemand et protestant. Il était cependant gouverneur de Basse-Autriche. C’est sa position qui lui permet d’entrer dans la bonne société viennoise.
Erich était un descendant d’un enfant illégitime d’Ernest August de Hanovre (et demi-frère du roi George I). La mère d’Erich était apparemment impliquée dans de graves manigances de contrebande de bijoux après la conquête de Hanovre par la Prusse.
Même avec ces revers sociaux, Anastasia est déterminée et ambitieuse. Elle utilise sa position pour prendre des sièges au conseil d’administration de divers organismes de bienfaisance, puis se met en tête d’évincer Pauline von Metternich lors de la planification de fêtes. En général, la haute noblesse préférait Pauline, et d’après la marquise de Fontenoy, la masse préférait Anastasia.
Le Duel
En aout 1892, Pauline et Anastasia ont un désaccord sur la façon d’arranger les fleurs pour l’Exposition musicale et théâtrale de Vienne. Pauline est la présidente d’honneur, alors qu’il semble qu’Anastasia soit la présidente par intérim du Comité des dames de l’exposition.
Dans ce cas, qui a le pouvoir réel de prendre une décision finale ? Il s’avère que le problème des fleurs ne serait que la goutte d’eau qui fait déborder le vase. La vraie cause de la dispute serait de savoir qui aurait le dernier mot sur ce qu’est le « bon gout » au sein de la société viennoise.
Apparemment, c’était un si gros problème pour elles qu’elles ont décidé de régler les choses à l’épée, se battant pour le premier sang sur le champ de bataille de Vaduz, au Liechtenstein.
Le duel a été organisé par une dénommée baronne Lubinska, une autre noble ayant un diplôme de médecine. C’est elle qui a insisté pour qu’elles se battent seins nus, car elle savait que les vêtements coincés dans une plaie pouvaient provoquer une septicémie.
Alors, il se trouve qu’en réalité « seins nus » ou « topless » dans le cas de ce duel signifiait simplement sans leurs chemisiers. Les deux femmes ont gardé leurs corsets et chemises pour le combat. Eh oui…
Selon le Los Angeles Times, qui a fait un compte rendu du duel en 1892, « C’était un vrai combat, et toutes les deux ont été blessés – pas d’arrachage de cheveux ou de simples griffures, mais un duel avec des rapières… »
Anastasia et Pauline échangèrent quelques feintes. Ensuite, Anastasia a réussi à passer la défense de Pauline et lui fait une coupure sur le nez. Choquée par ce qu’elle avait fait, elle plaqua ses mains sur ses joues. Pauline, sentant son opportunité, a blessé Anastasia au bras. A la vue du sang, les témoins (secondes) des deux femmes s’évanouirent.
A ce moment, les hommes présents – valets de pied et cochers, debout le dos tourné – se sont précipités pour aider. La baronne Lubinska les a chassés avec son ombrelle car les femmes étaient, après tout, légèrement vêtues (pour l’époque).
Certaines sources ont inversé les blessures, affirmant que c’était Pauline qui avait coupé Anastasia au nez, puis qu’Anastasia avait touché Pauline au bras. Mais, puisque dans la majorité des récits c’est Pauline qui est considérée comme la gagnante, donc, on peut légitiment penser que c’est bien elle qui a blessé Anastasia au bras.
Les conséquences
Il n’y a pas eu vraiment de conséquences graves à ce duel. Et personne n’est mort. Selon le Pall Mall Gazette, les témoins ont demandé aux deux femmes de se réconcilier immédiatement après le combat, et personne ne rapporte qu’elles ne l’ont pas fait, nous devons donc supposer qu’elles l’ont fait.
Il y a quelques informations intéressantes sur les enfants de Pauline :
- La deuxième fille de Pauline, Pascaline, épousa le comte George de Waldstein, qui était fou et l’assassina dans un délire alcoolique en 1890.
- La troisième fille de Pauline, Clémentine, a été mutilée par un chien dans sa jeunesse. Son visage était tellement marqué qu’elle a choisi de ne jamais se marier.
Mais tout cela s’est-il réellement passé ?
Le blog de Jenni Wiltz reprend en détail les informations que l’on possède sur ce duel… En fait, ce supposé duel. Car il semblerait bien qu’il s’agisse d’une histoire montée de toutes pièces par la presse, probablement au départ par un journal satirique… Et par la suite, des journaux ont repris l’histoire sans forcément en vérifier la réalité…
Aucun des témoins et proches des deux femmes ne cite ce duel, et la presse de Vienne n’en parle pas.
Au final, il semble surtout que cela a contribué a créé une sorte de légende fantasmée sur des femmes se battant à moitié nues à l’épée.
Source : https://jenniwiltz.com/the-dueling-princess-pauline-metternich
Mais allons plus loin dans l’enquête
Émile-Antoine Bayard (1837-1891) peintre, décorateur, dessinateur et illustrateur a réalisé ce tableau « Une Affaire d’honneur » en 1884… Oui, 8 ans avant le supposé duel entre Pauline et Anastasia.
Ici ce tableau illustrerait un fait divers :
il s’agit d’un duel ayant opposé dans le bois de Vincennes la femme de lettres Gisèle d’Estoc et Emma Roüer, une écuyère au cirque Medrano et modèle de Manet. Toutes deux étaient élèves du célèbre maître d’armes Arsène Vigeant. Gisèle d’Estoc fut victorieuse, ayant blessé Emma au sein gauche à la quatrième reprise.
La femme de lettres avait eu un coup de foudre pour l’écuyère durant son numéro de voltige, lui avait jeté un bouquet de violettes de Parme et avait dîné avec elle le soir-même dans un cabinet particulier. Par la suite, Emma avait pris la tangente avec un marin de Hambourg, qui la battait, et était revenue vers Gisèle, qui l’avait reprise. Emma aurait fini par colporter des ragots sur Gisèle, d’où le duel.
Sauf qu’en fait, il ne s’agit là encore que du faux… Une vision artistique, ce duel n’ayant non plus jamais eu lieu… (Il n’y a jamais eu d’Emma Roüer écuyère).
Ce tableau a néanmoins fait sensation, et il a été repris, repensé à d’autres reprises dans les années suivantes, à la fois par Emile Bayard lui-même et par d’autres artistes…
Jusqu’au début du XXème siècle on va retrouver de nombreuses œuvres (photos, tableaux, cartes postales et même spectacles) où l’on va retrouver des escrimeuses « topless« .
Mais il se pourrait que le tableau inspira également des femmes à régler leur différents à l’épée (mais en restant habillées). Comme le duel qui a réellement opposé Marie-Rose Astié de Valsayre et une certaine Miss Shelby en 1886.