Joshua Norton : L’Empereur des États-Unis

Joshua Abraham Norton (1819 – 1880) s’était autoproclamé « empereur des États-Unis » en 1859 sous le nom de Norton Ier, puis également « protecteur du Mexique ».

Joshua Norton

Joshua Abraham Norton (1819 – 1880) était un habitant de San Francisco, qui s’était autoproclamé « empereur des États-Unis » en 1859 sous le nom de Norton Ier, puis également « protecteur du Mexique ».

Même s’il n’a jamais exercé de réel pouvoir politique, il devint un personnage célèbre de San Francisco, honoré après sa mort et source d’inspiration pour les écrivains Robert Louis Stevenson et Mark Twain.

Né au Royaume-Uni vers 1819, Norton passe sa jeunesse en Afrique du Sud et émigre à San Francisco en 1849.

1851 – San Francisco.
La ruée vers l’or en Californie est une période d’environ huit ans (1848-1856) qui commença en janvier 1848 par suite de la découverte d’or à Sutter’s Mill, près de Coloma, à l’est de Sacramento. La nouvelle se répandit rapidement et attira en Californie plus de 300 000 aventuriers, américains et étrangers. Ces pionniers, appelés par la suite « forty-niners », arrivaient par bateau ou par voie terrestre à bord de chariots, de tout le continent, au prix d’un voyage bien souvent difficile. Bien que la plupart de ces nouveaux arrivants aient été des Américains, la ruée vers l’or attira également des dizaines de milliers d’immigrants d’Amérique latine, d’Europe, d’Australie et d’Asie.

Norton devient un homme d’affaires prospère, mais perd toute sa fortune après avoir tenté d’investir sur le marché du riz. Après une longue bataille judiciaire, Norton se déclare en faillite et quitte San Francisco.

C’est à son retour en ville qu’il s’autoproclame empereur des États-Unis. Son comportement excentrique le fait remarquer dans les rues de San Francisco, qu’il inspecte vêtu d’un uniforme bleu à épaulettes dorées, et il y acquiert une sorte de reconnaissance limitée : ainsi, la monnaie frappée à son nom est acceptée dans les établissements qu’il fréquente.

Joshua Norton

Autoproclamation

Contrarié par les insuffisances de la structure politique de l’État et des États fédéraux des États-Unis, Norton a pris en main l’affaire le 17 septembre 1859 quand, dans des lettres à de nombreux journaux de la région, il s’auto-proclama « Empereur de ces États-Unis » (« Emperor of These United States).

Il ajoutera par la suite « Protecteur du Mexique » à son titre. Ainsi commença son règne de 21 ans sur l’Amérique, sans précédent dans l’histoire antérieure, sans équivalent dans l’histoire ultérieure, et quasiment sans conséquence sur celle des États-Unis dont il fut le seul empereur.

Joshua Norton

Décrets

En accord avec son rôle d’empereur auto-désigné, Norton Ier publia de nombreux décrets sur l’État de l’Union, l’État de Californie et la municipalité de San Francisco. Considérant qu’il assumait le pouvoir, il n’y avait plus pour lui besoin de législature, et le 12 octobre 1859, il publia un décret qui « dissolvait » le Congrès des États-Unis.

Dans un autre « décret » impérial de janvier 1860, l’empereur Norton 1er appela l’armée à destituer les fonctionnaires élus du Congrès.

Les ordres de Norton n’eurent aucun effet sur l’armée, et le Congrès continua ses activités sans perturbation. Norton publia d’autres décrets en 1860 qui prétendaient dissoudre la république et interdire toute réunion des membres du Congrès.

Ses tentatives de renversement du gouvernement élu des États-Unis par la force ayant été frustrées, Norton tourna son attention et ses proclamations vers d’autres sujets, à la fois politiques et sociaux. Le 12 août 1869, « étant désireux d’apaiser les dissensions entre les différentes partis existant dans notre royaume », il « abolit » les partis démocrates et républicains. Dans l’espoir de résoudre les nombreuses querelles entre les citoyens des États-Unis pendant la Guerre Civile, Norton délivra un mandat en 1862 qui exigeait que les deux Églises catholique et protestante l’ordonnassent publiquement empereur.

Vie en tant qu’empereur

La vie quotidienne de Norton est bien documentée. Ses journées consistaient à inspecter son « domaine » (les rues de San Francisco) dans un uniforme bleu élaboré avec des épaulettes plaquées or ternies (qui lui avaient été données par des officiers de l’armée des États-Unis en poste à San Francisco) en portant un chapeau de castor décoré d’une plume de paon et d’une petite rose. Il a fréquemment amélioré ce maintien majestueux avec une canne ou un parapluie. Durant ses promenades, Norton s’intéressait à l’état des trottoirs et des routes, de la propriété publique, à l’aspect des officiers de police, et s’occupait des besoins de ses sujets quand ils apparaissaient. Il donna souvent de longs exposés philosophiques sur un large panel de sujets auxquels il connaissait peu de choses.

C’est durant l’une de ses « inspections Impériales » que Norton est réputé avoir réalisé un de ses actes les plus célèbres. Durant les années 1860 et 1870, il y avait un grand nombre de manifestations anti-Chinois dans les quartiers les plus pauvres de San Francisco, et des émeutes ont éclaté à plus d’une occasion. Durant l’un de ces incidents, Norton est supposé s’être placé entre les émeutiers et leurs cibles chinoises, et avoir commencé à répéter imperturbablement le Notre Père. Honteux, les émeutiers se sont dispersés sans aucun incident.

Un scandale survint en 1867 quand un officier de police nommé Armand Barbier arrêta Norton, pour le faire soigner de force de son désordre mental. Cela outragea énormément les citoyens de San Francisco et amena à la publication de nombreux éditoriaux de protestation. Le commissaire Patrick Crowley rectifia rapidement le tir en ordonnant la libération de l’« empereur » et en publiant des excuses formelles au nom des forces de police. Norton fut assez magnanime pour accorder un « pardon impérial » au jeune officier de police inconscient qui avait commis cet acte de trahison. Par la suite, tous les officiers de police de San Francisco saluèrent Norton sur son passage.

Norton était clairement apprécié de ses sujets. Même s’il était sans le sou, il fréquentait régulièrement les meilleurs restaurants de San Francisco et les propriétaires de ces établissements prirent sur eux-mêmes d’ajouter des plaques à leurs entrées qui disait « Par Autorisation de sa Majesté Impériale, l’Empereur Norton 1er des États-Unis ». Cette fierté paraît avoir été tolérée sans plaintes par Norton. De tels « Sceaux d’approbation Impériale » étaient énormément prisés et coïncidaient avec une arrivée importante de clients. Aucun spectacle musical ou théâtral n’aurait osé ouvrir sans avoir réservé un balcon à Norton et ses deux chiens, Lazarus et Bummer.

Norton reçut quelques petits signes d’une reconnaissance de son état ; le recensement de 1870 note un Joshua Norton résidant au 624 Commercial Street, et le consigne comme exerçant le métier d’« empereur ».

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Norton créera également sa propre monnaie pour payer certaines dettes, et c’était une vraie monnaie locale, généralement acceptée par les hommes d’affaires de San Francisco. (Ces billets allaient de 50 cents à dix dollars, et les quelques-uns encore existants ont atteint des centaines de dollars à une récente mise aux enchères). La ville de San Francisco a aussi honoré Norton ; quand son uniforme commença à paraître vieux, l’Assemblée des Superviseurs de San Francisco offrit suffisamment d’argent pour lui en offrir un en remplacement. En retour, Norton envoya une note gracieuse de remerciement et un « certificat de noblesse à perpétuité » à chaque superviseur.

Joshua Norton

Fin de vie

Dans la soirée du 8 janvier 1880, Joshua Norton s’est effondré au croisement de California Street et Dupont Street, alors qu’il se rendait à une conférence à l’Académie des Sciences. Sa chute fut immédiatement remarquée par d’autres citoyens qui appelèrent à l’aide, mais Norton mourut avant que la voiture devant l’amener à l’hôpital n’arrive.

Le jour suivant, le San Francisco Chronicle publia sa nécrologie en première page sous l’en-tête « Le roi est mort » (en français). Teinté de tristesse, l’article rapporte avec respect que « Norton 1er, par la grâce de Dieu, Empereur des États-Unis et Protecteur du Mexique, a quitté la vie. » Le Morning Call, un autre important journal de San Francisco, publia un article en première page avec une phrase très proche comme en-tête : « Norton 1er, par la grâce de Dieu Empereur de ces États-Unis et Protecteur du Mexique, a quitté la vie. »

Contrairement à ce qu’affirmaient les rumeurs, il est vite devenu évident que Norton était mort totalement pauvre et que sa fortune ne s’élevait pas à plus de quelques dollars. Cinq ou six dollars en petite monnaie furent trouvés sur lui et une recherche dans sa chambre montra qu’il n’avait que 2,50 $ dans sa monnaie, sa collection de bâtons de marche, son sabre, ses correspondances avec la reine Victoria et 1 098 235 actions d’une mine d’or sans valeur.

Quand les premiers préparatifs des funérailles se limitèrent à un simple cercueil de séquoia, les membres du Pacific Club (une association d’hommes d’affaires de San Francisco) décidèrent que c’était totalement inacceptable. Après avoir mis en place une caisse pour les funérailles, les membres eurent récupéré suffisamment d’argent pour un beau cercueil de bois de rose et pour ainsi offrir à Norton une fin convenable. Les rapports montrent que Norton reçut des dons « de toutes les classes, des capitalistes aux pauvres, d’un membre du clergé à un pickpocket, des femmes bien habillées aux exclus sociaux. »

Les funérailles de Norton furent solennelles et grandioses, quelques sources rapportent que près de 30 000 personnes sont sorties pour lui rendre hommage et que le cortège funéraire était long de deux miles. Il fut enterré au Masonic Cemetery (cimetière des francs-maçons), vers l’extérieur de la ville. Le jour suivant ses funérailles, le 11 janvier 1880, le ciel de San Francisco fut obscurci par une éclipse solaire totale.

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Commentaires

1 réponse à “Joshua Norton : L’Empereur des États-Unis”

  1. Avatar de princecranoir

    Magnifique source d’inspiration pour un fameux album de Lucky Luke. C’est par là que j’ai découvert cet hurlberlu atypique.
    Excellent article, très riche.

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