Est-ce que vous vous souvenez de Frank, chasseur de fauves — parfois rediffusé sous le titre L’Aventurier de la jungle ? Cette série d’aventures, produite aux États-Unis en 1982, a marqué quelques dimanches après-midi sur TF1 dans les années 80, avant de revenir fugacement en 1988 sur Antenne 2. Elle ne dura qu’une saison : un téléfilm pilote de 90 minutes, suivi de seize épisodes d’environ cinquante minutes chacun.
La création est signée Frank Cardea et George Schenck, deux scénaristes de télévision qui voulaient surfer sur la vague d’Indiana Jones. On sortait tout juste du triomphe des Aventuriers de l’Arche perdue au cinéma, et les networks américains cherchaient à reproduire la formule : l’exotisme, les jungles mystérieuses, les méchants caricaturaux, et un héros moustachu prêt à se battre contre trafiquants et espions.

Le personnage de Frank Buck n’était pas inventé de toutes pièces. Il s’inspirait d’un véritable aventurier américain des années 1930-40, chasseur de fauves et collecteur d’animaux pour les zoos, qui avait connu son quart d’heure de gloire avec un livre publié en 1930, Bring ’Em Back Alive.

L’ouvrage avait été adapté dès 1932 en documentaire par Clyde E. Elliott sous le titre Seigneurs de la jungle. La série télé reprenait donc ce nom et recyclait l’image de Buck en la projetant dans un univers qui rappelait autant les serials d’aventure que les pulps.

Le décor est planté à Singapour, dans les années trente, autour du célèbre Raffles Hotel. Frank Buck y est installé comme trappeur et aventurier, sillonnant la Malaisie coloniale pour capturer des fauves vivants destinés aux cirques ou aux zoos, tout en se retrouvant malgré lui mêlé à des intrigues plus larges : contrebandiers, espions, nazis et politiciens corrompus.

À ses côtés, on retrouvait Gloria Marlowe, vice-consul des États-Unis, son fidèle allié Ali et le sultan de Johore, personnages qui permettaient d’apporter à la fois du souffle exotique, un soupçon de romance et une touche d’humour.



Le rôle principal était tenu par Bruce Boxleitner, qui venait tout juste de se faire remarquer dans How the West Was Won (La Conquête de l’Ouest) et qu’on reverrait ensuite dans Scarecrow and Mrs. King (Les deux font la paire) puis dans Babylon 5.
Sa partenaire Cindy Morgan incarnait Gloria, après avoir marqué les esprits dans Tron.
Autour d’eux, Clyde Kusatsu, Ron O’Neal ou encore Harvey Jason donnaient chair aux seconds rôles.



Malgré des décors soignés, des scènes tournées à Hawaï pour donner un peu de souffle aux jungles, et une ambiance musicale confiée à Arthur B. Rubinstein, la série n’a pas trouvé son public.

En face, la concurrence était rude : The A-Team, Happy Days et Laverne & Shirley trustaient l’audience. Frank, chasseur de fauves a vite été relégué et annulé après une seule saison.
Même en France, malgré un générique français assez marquant — signé Alain Garcia pour les paroles, et interprété par Jacques Cardona sur une musique arrangée par Shuki Levy et Haim Saban — le souvenir de la série s’estompa rapidement.
Aujourd’hui, il n’existe toujours aucune édition DVD ou Blu-ray officielle, et la série reste absente des grandes plateformes de streaming. Pour les nostalgiques, quelques copies circulent sur le web et permettent de retrouver l’ambiance de cette tentative d’Indiana Jones télévisuel. Elle reste le témoignage d’un moment bien précis du petit écran : le temps où les studios espéraient recréer la magie des grands films d’aventure sur le format hebdomadaire… avec plus ou moins de réussite.

Alors, qui s’en souvient encore ? Peut-être seulement ceux qui ont laissé la télévision allumée un dimanche de novembre 1983, happés par les moustaches impeccables de Bruce Boxleitner et les promesses d’exotisme d’une série qui n’aura jamais vraiment eu le temps de s’installer.
Encadré
la chanson du générique français, entre kitsch et colonialisme
Difficile d’évoquer Frank, chasseur de fauves sans parler de son générique français. Écrit par Alain Garcia, composé par Shuki Levy et Haim Saban, et interprété par Jacques Cardona, il se voulait entraînant et exotique… mais ses paroles posent aujourd’hui clairement problème.
« Sous le ciel brûlant d’Extrême-Orient… C’était le temps des colonies » : la chanson enchaîne clichés orientalistes, nostalgie coloniale et images de safari mondain en Bugatti. Un mélange qui, replacé dans les années 80, pouvait passer pour de l’aventure colorée, mais qui sonne aujourd’hui profondément déplacé.

On retrouve là tout un imaginaire qui associe l’Asie à l’exotisme, aux serpents, aux gazelles et aux fauteuils en rotin, en effaçant les réalités historiques et en idéalisant le temps colonial.
Ce générique, kitsch à l’extrême, est devenu un exemple presque caricatural de l’innocence naïve – ou complaisante – avec laquelle la télévision française recyclait les codes de l’aventure.