Avant Garbo, avant Dietrich, avant mĂȘme Louise Brooks, il y eut Theda Bara.
NĂ©e Theodosia Burr Goodman en 1885 Ă Cincinnati, fille dâun tailleur juif polonais et dâune mĂšre suisse, elle sâinventa Ă lâĂ©cran comme crĂ©ature de nuit et de dĂ©sir. Entre 1915 et 1919, elle fut la plus grande star de la Fox, autant acclamĂ©e que Chaplin ou Pickford. Et pourtant, il ne reste aujourdâhui que quelques fragments de ses films â le reste ayant brĂ»lĂ© lors de lâincendie des archives de la Fox en 1937.
La vamp surgit de lâĂ©cran
Son explosion se fait avec A Fool There Was (1915), oĂč elle incarne une prĂ©datrice sexuelle irrĂ©sistible. Le terme âvampâ â diminutif de vampire â sâinstalle dans le langage courant pour dĂ©crire ces femmes qui dĂ©vorent les hommes. Bara, avec ses cheveux noirs, ses regards fiĂ©vreux et ses costumes chargĂ©s de voiles transparents, devient le sex-symbol du muet.
Theda Bara







Mais ce mythe, Hollywood le soigne : la Fox lâhabille dâune lĂ©gende fabriquĂ©e. Elle ne sâappelle plus Goodman mais Bara, anagramme de âArab deathâ ; la presse la dĂ©crit comme nĂ©e dans le dĂ©sert du Sahara, fille dâun cheikh et dâune Française, nourrie de mysticisme et de sortilĂšges. Le mensonge publicitaire fait merveille : elle est âle serpent du Nilâ dans ClĂ©opĂątre (1917), rĂŽle dont il reste seulement des photos sulfureuses, ses voiles laissant deviner un corps que la censure jugeait dĂ©jĂ dangereux.
LâĂ©clat et la chute
PrisonniĂšre de son image, Bara lasse vite de rĂ©pĂ©ter la mĂȘme figure fatale. Elle quitte la Fox en 1919, tente le théùtre Ă Broadway, revient au cinĂ©ma en 1925 avec The Unchastened Woman, puis dit adieu aux Ă©crans avec la comĂ©die Madame Mystery (1926), oĂč elle parodie sa propre vamp.

Elle ne connaĂźtra pas le parlant : pas de problĂšme dâaccent ni de voix, mais tout simplement lâabsence de place pour son mythe dans une industrie qui sâĂ©tait dĂ©jĂ tournĂ©e vers dâautres icĂŽnes. Elle meurt en 1955 Ă Los Angeles, dâun cancer de lâestomac.
Une ombre persistante
Si ses films ont presque disparu, son fantĂŽme hante toujours lâimaginaire. Des rues portent son nom, des chansons sâen inspirent, et son image revient rĂ©guliĂšrement comme archĂ©type gothique, bien avant Vampira ou Morticia Addams.
Theda Bara nâĂ©tait pas seulement une star du muet : elle Ă©tait une invention totale de lâindustrie, une fiction vivante. Et câest peut-ĂȘtre pour ça que, plus dâun siĂšcle aprĂšs, son sourire de prĂ©datrice continue dâhypnotiser.
