Quand on a commencé à préparer Une arrivée agitée, l’objectif était simple : que les joueurs arrivent à table en étant vraiment prêts.
Pas “à moitié prêts”, pas “on verra en impro”, mais avec des personnages solides, des passés cohérents et une petite idée de comment se joue, se pense et se vit un Sartarite. Sauf qu’entre l’idée et la réalité… RuneQuest rappelle vite qu’il n’est pas un jeu comme les autres.
On a donc créé les persos tranquillement, à distance, en plusieurs sessions.
Méthode détaillée, backgrounds complets, choix réfléchis dans les Runes, liens familiaux et tribaux bien ancrés… exactement comme conseillé dans le livre de base . Sur le papier, nickel. En vrai, expliquer ce qui différencie un Sartarite initié d’Orlanth d’un Sartarite initié d’Issaries, ou d’un Orlmarth initié d’Humakt, c’est tout de suite un autre niveau.
Car les généralités du type “les Sartarites sont querelleurs, farouchement indépendants et ennemis des Lunars” ça suffit pas. Ça donne une couleur générale, oui, mais ça ne dit rien de ce qui rend chaque personnage réellement singulier.
Parce qu’avec un jeu de rôle comme RuneQuest, l’identité ne se résume pas à “je suis un guerrier du clan X”.
L’initiation, les cultes, les passions, les Runes… tout ça imprime la personnalité, les choix, les réflexes. Les règles le rappellent d’ailleurs clairement : chaque aventurier appartient à une communauté, possède des loyautés, des amours, des haines, et ces éléments ne sont pas décoratifs (on en causera plus tard d’ailleurs).
Jouer un Sartarite, ce n’est pas seulement être un humain avec une épée large ou une hache de bataille, c’est porter un monde social et religieux entier sur le dos.
Et c’est là que les ennuis commencent. Car à peine on donne une info, que ça ouvre trois nouvelles questions. Et pourquoi les Sartarites détestent les Lunars ? Et pourquoi j’ai une haine envers tel clan, alors qu’on est de la même tribu ? La Lune Rouge est-elle là depuis longtemps ? Etc.
Et ensuite expliquer la magie spirituelle et la magie runique ? Oui, évidemment. Mais pour comprendre la magie, il faut comprendre les Runes. Et pour comprendre les Runes, il faut comprendre les cultes. Et pour comprendre les cultes, il faut comprendre la société. Et pour comprendre la société… bref, on tourne vite en rond, et on finit par voir que si on continue comme ça, la première partie n’arrivera jamais.
Alors pour être clair il faut se poser la vraie question : est-ce qu’il faut vraiment tout expliquer avant de jouer ?
À mon avis, non. Sinon autant distribuer un diplôme en études gloranthiennes avant de lancer les dés. RuneQuest a cette particularité : il est tellement riche que la tentation est grande de tout décortiquer. Mais ce serait passer à côté de l’essentiel. Oui, prendre le temps de créer les personnages, c’est précieux. Oui, mieux les comprendre aide à mieux jouer. Mais une partie de la magie du jeu, c’est justement ce qu’on découvre en jouant.
C’est certain qu’au final c’est même un petit défaut heureux du jeu : sa densité. On ne sait jamais tout au départ, et c’est très bien comme ça. Glorantha est un monde vivant, étrange, cohérent mais déroutant. Les joueurs doivent l’apprivoiser. Les Sartarites eux-mêmes ne comprennent pas tout de leur propre cosmologie, alors pourquoi l’exiger des joueurs ?
Finalement, la préparation de Une arrivée agitée n’a pas consisté à tout verrouiller, mais à poser un socle solide : qui sont vos persos, d’où ils viennent, quels dieux ils servent, quelles passions les remuent. Le reste se construit en avançant. Et RuneQuest est vraiment à son meilleur quand les joueurs découvrent, d’un même geste, le monde et la manière dont leurs personnages y réagissent.
On voulait des joueurs bien préparés. On a obtenu des joueurs prêts à découvrir. C’est encore mieux.


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