On croit souvent que les Sartarites passent leur temps à se battre, à lever leurs épées ou haches et à invoquer des orages. C’est vrai. Mais entre deux tempêtes, ils savent aussi poser leurs armes, offrir un bol de bière et faire de l’hospitalité un acte sacré.
Chez eux, accueillir un hôte est presque aussi sacré que venger un proche : deux devoirs qui maintiennent l’équilibre du monde.
L’hospitalité comme serment cosmique

Tout part d’Orlanth, le dieu des vents, celui qui tua le Soleil et ramena la lumière. Dans ses légendes, il y a un moment étrange : il croise un voyageur perdu, lui offre de l’eau et l’écoute. Ce geste devient la première hospitalité du monde.
Depuis, chaque foyer orlanthi rejoue cette scène : offrir, abriter, écouter — et risquer un peu de soi dans le processus. Dans les campagnes de Sartar, le rituel est codifié :
eau, feu, nourriture, parole, serment.
Chaque étape est une ouverture du foyer, et donc du cœur.
Mais c’est une ouverture sous surveillance divine : le wyter 1du clan (l’esprit protecteur) observe tout. Mentir pendant l’accueil, cacher une intention hostile, c’est défier le wyter lui-même.
Et les Sartarites n’ont pas de mot pour “accident domestique surnaturel” : chez eux, la vengeance des dieux est directe, efficace et généralement fatale.
Sous ton toit, sous ta foi

Recevoir quelqu’un, c’est l’adopter temporairement dans ton clan. Pendant la durée de l’accueil, l’étranger partage tes dieux, ta protection et tes obligations. Il devient un membre provisoire du foyer.
Et inversement : s’il t’arrive malheur, il devra te défendre.
L’hospitalité est donc une alliance fugace mais contraignante, une magie sociale. Les Orlanthi disent que la parole donnée circule dans l’air comme un vent : invisible, mais partout.
C’est pour cela qu’ils jurent tant : non par goût du drame, mais parce que la parole est littéralement un élément du monde.
Le risque de recevoir

Être hospitalier, c’est accepter un danger.
L’étranger peut être un ennemi, un espion lunar, un démon déguisé. Mais refuser d’accueillir, c’est violer un tabou ancien.
Alors on accueille quand même, sous condition : le visiteur doit se présenter, offrir un don symbolique, et prêter le Serment de Bonne Venue.
Ce serment n’est pas une simple formule : il engage les deux parties sous la surveillance des dieux. Et s’il est brisé, les tempêtes se lèvent.
L’histoire orale regorge de fermes détruites pour avoir trahi un hôte, ou de voyageurs frappés par la foudre pour avoir menti lors du salut.
La générosité comme mesure de la gloire

Dans un monde de montagnes, de chaos et de dieux rancuniers, la réputation est la monnaie la plus solide. Être généreux — nourrir, abriter, protéger — donne du prestige.
Un chef de clan sans invités est un chef oublié.
Les Sartarites aiment dire que “la richesse qui ne circule pas attire le Chaos.” C’est pourquoi les repas communautaires, les marchés et les fêtes religieuses tournent autour du même geste : partager le feu et la nourriture.
Même les querelles se règlent autour d’un plat. La vengeance, parfois, commence par un toast.
Ce que cela raconte du peuple orlanthi

L’hospitalité sartarite est tout sauf naïve. C’est un équilibre précaire entre la peur de l’étranger et le devoir de lien.
Elle révèle ce qu’est vraiment la culture orlanthi : une société de tempêtes, fière, violente, mais profondément soucieuse de tisser du sens entre les coups.
Chaque toit devient un microcosme : refuge contre le vent, espace sacré où l’ordre est réaffirmé.
Quand un étranger dort sous ton toit, tu prolonges le monde au-delà de ta porte. Et c’est peut-être ça, la victoire d’Orlanth : dompter la tempête par un feu partagé.
En jeu
Dans une campagne RuneQuest, l’hospitalité peut être un moteur dramatique :
- accorder ou refuser le gîte devient un enjeu politique ;
- violer l’hospitalité déclenche une malédiction ou un duel ;
- offrir l’asile à un Lunar en fuite, c’est défier tout un clan ;
- partager la table d’un ennemi, c’est entrer dans le champ mythique où les alliances se tissent.
Le jeu de rôle prend ici toute sa force : autour d’un feu, chaque parole compte.
Post-scriptum d’auberge
Oui, il y a bien des tavernes dans tout ça.
Mais elles ne sont qu’une extension de ce pacte primordial : des lieux où le monde se retient de sombrer dans le chaos, par un simple bol de bière et quelques mots de bienvenue.
L’hospitalité, en Sartar, c’est plus qu’un geste : c’est un rempart contre la fin du monde.
- Le wyter : esprit tutélaire d’un clan, d’une tribu ou d’une communauté, né d’un pacte collectif entre ses membres et leurs dieux. Il protège, veille, et exige loyauté ; violer un serment sous son regard revient à trahir l’âme même du groupe. ↩︎


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