Une nuit de tempĂȘte, dans une dimension oĂč le temps n’a plus d’emprise, deux gĂ©ants de la littĂ©rature se rencontrent dans un salon obscur et poussiĂ©reux. Une lampe Ă  huile projette des ombres vacillantes sur des murs ornĂ©s de grimoires interdits. H.P. Lovecraft, son teint pĂąle accentuĂ© par une inquiĂ©tante maigreur, observe Edgar Allan Poe, qui sirote un verre d’absinthe avec un sourire Ă©nigmatique. Une conversation naĂźt, oscillant entre l’apocalyptique et le fantastique.


Poe (reposant son verre avec une lenteur dramatique) : Mon cher Howard, l’humanitĂ© est-elle donc toujours en quĂȘte de sa propre ruine ? Je pensais que mes rĂ©cits suffiraient Ă  mettre en garde contre les excĂšs de la cupiditĂ© et de la folie, mais il semble que l’homme prĂ©fĂšre plonger tĂȘte la premiĂšre dans l’abĂźme.

Lovecraft (les yeux rivĂ©s sur la pluie battant contre la fenĂȘtre) : Edgar, vous sous-estimez le caractĂšre cosmique de l’insignifiance humaine. L’humanitĂ© ne cherche pas Ă  se dĂ©truire : elle suit simplement les lois inĂ©luctables d’un univers qui se moque de son existence. Nous ne sommes que des fourmis ignorantes dans un cosmos grouillant d’entitĂ©s inconcevables.

Poe : Ces « fourmis ignorantes », comme vous dites, ne semblent pas capables de tirer les leçons de leurs erreurs. Si un effondrement devait survenir, ne serait-il pas une lente et douloureuse descente dans les tĂ©nĂšbres ? Une opportunitĂ©, peut-ĂȘtre, pour que certains survivent, se transforment, et s’Ă©lĂšvent ?

Lovecraft (un sourire glacĂ© Ă©tire ses lĂšvres) : ÉlevĂ©s ? Non, Edgar. DĂ©gradĂ©s. TransformĂ©s, oui, mais pas dans le sens que vous espĂ©rez. Regardez les dirigeants de votre Ă©poque, et de la mienne : des ĂȘtres cupides et irresponsables. Pensez-vous qu’ils seraient Ă©pargnĂ©s si une fin cataclysmique se produisait ? Non, ils seraient les premiers Ă  se retrancher dans leurs bunkers dorĂ©s, Ă  croire que leur richesse les protĂ©gerait des horreurs cosmiques. Mais le temps et les tĂ©nĂšbres, eux, n’obĂ©issent pas Ă  l’or.

Poe (avec un rire sombre) : Une idĂ©e dĂ©licieusement ironique, n’est-ce pas ? Voir ces puissants dĂ©vorĂ©s par leurs propres crĂ©ations, comme des rats dans un navire en perdition. Mais dites-moi, Howard, que se passerait-il si l’humanitĂ© trĂ©buchait sur quelque chose de
 plus grand ? Une entitĂ©, par exemple, qui observe silencieusement, attendant que nous soyons mĂ»rs pour ĂȘtre dĂ©vorĂ©s.

Lovecraft : Ah, Edgar, vous commencez Ă  comprendre ! Si un effondrement devait survenir, ce ne serait pas seulement le fruit de notre cupiditĂ©. Ce serait la main froide et visqueuse des Grands Anciens, des entitĂ©s endormies qui rĂȘvent dans les abysses. L’humanitĂ©, dans sa bĂȘtise, pourrait trĂšs bien les rĂ©veiller, en manipulant des forces qu’elle ne comprend pas.

Poe : Fascinant. Imaginez un monde oĂč, dans les derniers jours de l’humanitĂ©, un groupe de survivants dĂ©couvre que les horreurs qui les pourchassent ne sont pas seulement le fruit de leurs erreurs, mais des crĂ©atures millĂ©naires qui attendaient patiemment. La lente agonie de la civilisation devient alors le festin des monstres oubliĂ©s.

Lovecraft : Une vision terrifiante, mais sĂ©duisante. Et si l’apocalypse, comme vous le dites, Ă©tait lente et douloureuse, elle offrirait aux Grands Anciens l’opportunitĂ© de se manifester. Ceux qui survivent, ces pauvres Ăąmes, ne deviendraient pas des hĂ©ros. Ils sombreraient dans la folie, ou pire : ils se retrouveraient Ă  servir des entitĂ©s qu’ils ne peuvent ni comprendre ni combattre.

Poe (les yeux brillants d’une lumiĂšre presque surnaturelle) : Une telle histoire mĂ©riterait d’ĂȘtre contĂ©e, Howard. Imaginez : des villes en ruine, des dirigeants rĂ©fugiĂ©s dans des forteresses dorĂ©es, et des cultes secrets qui surgissent des tĂ©nĂšbres pour vĂ©nĂ©rer ces nouveaux maĂźtres. Dans leur arrogance, ces dirigeants auraient cru pouvoir Ă©chapper au dĂ©sastre, mais ce sont eux qui deviendraient les premiĂšres victimes sacrificielles. Une parabole, non seulement sur la fin du monde, mais sur l’absurditĂ© de notre orgueil.

Lovecraft : Une parabole, oui. Mais pas une oĂč l’on trouve de rĂ©confort. Dans ce monde, il n’y aurait pas de rĂ©demption. Seulement la rĂ©vĂ©lation ultime de notre insignifiance. Peut-ĂȘtre, Edgar, ce dialogue que nous partageons pourrait devenir une inspiration pour un rĂ©cit. Une aventure oĂč les investigateurs de votre Ă©poque se trouvent face Ă  une apocalypse imminente, et dĂ©couvrent que leurs efforts dĂ©sespĂ©rĂ©s pour la retarder ne font qu’accĂ©lĂ©rer l’inĂ©luctable.

Poe (levant son verre pour un dernier toast) : Alors écrivons-la, Howard, cette vision cauchemardesque. Que cette conversation inspire ceux qui liront, à comprendre que la véritable horreur ne réside pas dans ce qui nous attend
 mais dans ce que nous sommes déjà.

La lampe vacille, et la piĂšce sombre dans les tĂ©nĂšbres, ne laissant derriĂšre elle que le murmure d’un rire sinistre. La tempĂȘte, dehors, continue de gronder.


Suggestions pour vos investigateurs dans l’Appel de Cthulhu :

  • ScĂ©nario : « La Lente Agonie »
    Une sĂ©rie de catastrophes naturelles et sociales secoue le monde. Les investigateurs dĂ©couvrent des traces d’un culte mystĂ©rieux infiltrĂ© parmi les puissants de la sociĂ©tĂ©, vĂ©nĂ©rant une entitĂ© qui se nourrit de l’effondrement progressif de la civilisation. Leur mission : comprendre si ces Ă©vĂ©nements sont purement humains
 ou orchestrĂ©s par des forces cosmiques.
  • IdĂ©es de scĂšnes :
    1. Une chasse dans un bunker de luxe oĂč les « sauveurs de l’humanité » cachent un artefact invoquant les Grands Anciens.
    2. Des dirigeants riches organisant des sacrifices dans l’espoir de se protĂ©ger eux-mĂȘmes.
    3. La lente transformation des survivants en serviteurs monstrueux des entitĂ©s qu’ils ont rĂ©veillĂ©es.
  • ThĂšme central :
    L’ironie macabre de croire que la richesse ou le pouvoir peut sauver quelqu’un d’une apocalypse qui ne connaüt ni justice ni frontiùres.
La fin du monde n’est peut-ĂȘtre pas encore arrivĂ©e, mais, comme Poe et Lovecraft pourraient vous le dire : "Ce n’est qu’une question de temps."

Et comme les Simpsons ont souvent raison dans leurs prédictions... ;-)
Et comme les Simpsons ont souvent raison dans leurs prĂ©dictions… 😉


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Commentaires

6 rĂ©ponses Ă  “Une conversation apocalyptique entre H.P. Lovecraft et Edgar Allan Poe”

  1. Avatar de Justin Busch

    Ce dialogue me rappelle une parodie lovecraftienne en anglais oĂč un « missionnaire de Cthulhu » explique Ă  quelqu’un que son seul espoir est d’ĂȘtre le premier Ă  ĂȘtre mangĂ©.

    1. Avatar de Iso

      Est-ce que c’est ça ?
      Who will  be eaten first?

      1. Avatar de Justin Busch

        Oui, exactement !

  2. Avatar de Le Nocher des livres

    J’aime beaucoup cette idĂ©e de dialogue.
    MĂȘme si le thĂšme central est trĂšs, trĂšs sombre.

    1. Avatar de Iso

      L’article source d’inspiration de dĂ©part est presqu’aussi sombre… Fin du monde inspiration PubliĂ© par Iso Apocalypse Now ou plus tard : Guide de survie cynique pour la fin du monde

  3. Avatar de princecranoir

    La rencontre la plus dark qui soit. J’adore.