René Durand (scénario), Georges Ramaïoli (dessin), Glénat, 1979-1986
Et si Perpignan était une zone irradiée ?
La peur nuclĂ©aire, dans les annĂ©es 70-80, se traduisait partout : films catastrophes, dĂ©bats politiques, romans dâanticipation. En BD, on a vu surgir La Terre de la bombe, saga post-apocalyptique française qui ne nous emmĂšne pas Ă New York ou dans le dĂ©sert australien, mais⊠chez nous.
Dans le Sud, Ă Perpignan, rebaptisĂ©e Perp. Ăa nous fait sourire sur Scriiipt : on est basĂ©s ici, et il suffit de lever les yeux sur les CorbiĂšres, la plaine du Roussillon ou la mer pour se dire : âTiens, et si câĂ©tait ça, demain, aprĂšs la Bombe ?â
Coderc et Baixas, cow-boys dâun autre genre
La saga suit deux survivants hauts en couleurs :
- Coderc, le brun, silhouette rude, monté sur un cheval (enfin, une jument plutÎt).
- Baixas, le blond, massif, juché sur un taureau.
Ils traversent un Sud dĂ©vastĂ©, oĂč rĂŽdent pillards, cultes apocalyptiques, mutants, armĂ©es improvisĂ©es et faux prophĂštes. Leur compagnie inclut aussi des bĂȘtes emblĂ©matiques (et parlantes) : la jument Marie, le taureau Joseph et le chien Simac.

Les albums
La sĂ©rie a dâabord Ă©tĂ© prĂ©publiĂ©e dans Le Canard Sauvage (1974-75), puis dans Circus (jusquâen 1986), avant dâĂȘtre rĂ©unie chez GlĂ©nat en cinq albums :
- La Terre de la bombe (1979)
- Des mutants dans lâĂ©tang (1981)
- Les SortilĂšges de Perp (1982)
- Les Cracheuses oniriques (1984)
- Pour les beaux yeux de la princesse (1986)
Un tome 6 avait Ă©tĂ© Ă©voquĂ©, des pages ayant circulĂ© sur le site de RamaĂŻoli, mais il nâa jamais vu le jour.
Chronologie
1974-75 : premiĂšres planches dans Le Canard sauvage.
1979-1986 : série dans Circus (Glénat).
1979-1986 : 5 albums publiés.







Un dessin cru, une époque rugueuse
Georges RamaĂŻoli signe un dessin rĂ©aliste, parfois outrancier. La violence est frontale, lâĂ©rotisme cru, la critique sociale appuyĂ©e : milices, prĂȘtres fanatiques, marchands cyniques. Des lecteurs rĂ©sument ça ainsi : âun monde cruel, sans pitiĂ©, oĂč le trait rugueux colle parfaitement au rĂ©citâ.
Câest une BD brute, datĂ©e dans son ton, mais qui incarne bien lâĂ©nergie fanzine des annĂ©es 80.
Le dessin de RamaĂŻoli s’est vraiment affinĂ© au fil des albums, plus prĂ©cis et plus rĂ©aliste.
Pour le jeu de rĂŽle ?
La Terre de la bombe, câest un vrai bac Ă sable pour rĂŽlistes. Et il nây a pas besoin de coller pile Ă lâintrigue : on peut sâinspirer de lâambiance, des lieux et des images fortes pour bricoler son propre terrain post-apo.
La Terre de la bombe nâa rien du post-apo âmilitarisĂ©â façon Mad Max ou Twilight. Ici, on est revenus Ă un niveau technologique bas : peu dâarmes Ă feu, mais surtout des lames, des lances, des haches. Un monde dur, crade, presque mĂ©diĂ©val dans ses affrontements. Lâambiance est donc plus proche dâun mash-up entre post-apo et mĂ©diĂ©val-fantastique dĂ©gĂ©nĂ©rĂ©. Alors oui il y a des restes de technologie, parfois dĂ©tournĂ©e, parfois mĂȘme qui semble plus Ă©voluĂ©e que ce que la Terre pourrait avoir connu.
- Mutant Year Zero pour un post-apo sale, oĂč lâon gratte chaque ressource.
- Apocalypse World, pour les tensions de clans et de communautés.
- Chroniques OubliĂ©es Contemporain (1Êłá” Ă©dition, en attendant la suivante), Ă dĂ©tourner pour des rĂšgles simples.
- Simulacres, parce quâon peut bricoler vite un systĂšme adaptĂ©.
- Bitume (Croc), pour rester dans la veine française, mĂȘme si le ton y est plus barrĂ©.
- Mega (v2, v3 ou 5e Paradigme) : parfait si on imagine cette Terre irradiée comme une dimension alternative visitée par les messagers.
Et surtout pourquoi pas Hawkmoon ou tout systĂšme med-fan un peu gritty, dĂ©tournĂ© pour jouer la dĂ©cadence post-nuclĂ©aire comme sâil sâagissait dâun univers de fantasy sombre.
En fait, nâimporte quel systĂšme un peu gĂ©nĂ©rique ou customisable peut faire lâaffaire. Tout dĂ©pend du boulot que vous voulez mettre dedans : rĂ©alisme sale, pulp dĂ©bridĂ© ou visions plus mystiques.
Pourquoi la relire aujourdâhui ?
La Terre de la bombe reste une Ćuvre unique dans le paysage de la BD française. Câest lâun des rares rĂ©cits post-apocalyptiques ancrĂ©s dans un territoire bien rĂ©el, le Roussillon, ce qui lui donne une proximitĂ© troublante. Elle porte aussi toute lâĂ©nergie provocatrice et rugueuse des annĂ©es 80, reflet dâune Ă©poque inquiĂšte et dĂ©sabusĂ©e.
Enfin, elle ouvre une porte ludique et crĂ©ative : celle de rĂ©inventer nos paysages quotidiens, de regarder autour de soi et dâimaginer comment ces lieux familiers pourraient devenir les dĂ©cors dâune fiction irradiĂ©e.
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