Il y a des noms, comme ça, qu’on croise depuis longtemps sans forcément les chercher. Des noms qui finissent par faire partie du paysage, un peu comme une enseigne familière dont la présence rassure. Le nom de François Marcela-Froideval, pour quiconque s’est plongé dans le jeu de rôle ou la fantasy en France, est de ceux-là. Et ce 17 juin 2025, ce nom s’est inscrit encore une fois dans nos mémoires — cette fois, en lettres de deuil.

Des débuts fondateurs
Si tu as touché un jour à Casus Belli, première version, il y a de fortes chances que tu sois passé par Marcela-Froideval sans le savoir. Il était là dès 1980, parmi les pionniers. Et c’est bien plus qu’un magazine : c’était un tremplin, un manifeste, un phare. Il y a toute une génération de rôlistes qui s’est construite en lisant les pages qu’il dirigeait, entre comptes rendus passionnés et débats de fond sur l’équilibre d’un jeu ou la nature d’un personnage.
En 1982, il part aux États-Unis, travailler avec Gary Gygax chez TSR. Rien que ça. Il participe à plusieurs suppléments d’AD&D, comme Monster Manual II ou Oriental Adventures, et contribue à diffuser le jeu de rôle américain dans une Europe encore timide face à ces “jeux étranges”.
Créateur multicasquette
Et ce bagage, il ne l’a pas gardé pour lui. Que ce soit dans la traduction, la vulgarisation ou la transmission, il a toujours cherché à partager ce qu’il savait. Il a bossé dans le jeu vidéo (Drakkhen, Dragon Lore, Chroniques de la Lune Noire en RTS), dans le jeu de plateau (Ave Tenebrae, Fiefs & Empires), dans le monde de l’édition, et bien sûr dans la bande dessinée, avec la saga qui restera comme son œuvre maîtresse : Les Chroniques de la Lune Noire.

Une série d’heroic fantasy sombre, baroque, parfois outrancière, co-créée avec Olivier Ledroit (récemment avec Fabrice Angleraud et d’autres illustrateurs), qui a marqué les années 90 de son empreinte. C’était du Conan mâtiné de heavy metal, une tragédie sanglante, un miroir gothique de nos instincts les plus grandiloquents. Et pourtant, ça marchait. C’était trop, mais c’était culte.
Un nom devenu repère
Longtemps, le nom de Marcela-Froideval a été un gage de qualité. Quand on le voyait au générique, on se disait qu’on allait lire ou jouer à quelque chose de solide. Un scénario bien ficelé. Un univers étrange et profond. Une aventure qui laisse une trace. Ce n’était pas le seul à faire ça, bien sûr. Beaucoup d’autres ont été de l’aventure avec lui, et le rôle de ses collaborateurs est essentiel. Mais son nom, lui, restait comme une balise. Il était associé à des titres forts, des projets marquants.
Et il faut le dire : même quand certaines œuvres paraissent un peu datées aujourd’hui, elles ont gardé ce souffle unique. Un ton, une ampleur, une ambition. Il y avait quelque chose d’excessif chez Marcela-Froideval — dans le bon sens du terme.
À propos du “Gros Bill”
Le fameux terme “Gros Bill”, devenu un running gag dans toutes les communautés rôlistes francophones… C’est dans les pages de Casus Belli, alors qu’il était rédacteur en chef, que le surnom s’est transformé en phénomène. Il a aidé à populariser le terme, à en faire un concept partagé, à en discuter dans les colonnes du magazine. Un exemple parfait de sa capacité à capter les dynamiques du jeu et à en faire matière à réflexion.
Une annonce sur sa disparition, sobre, mais marquante
C’est Dargaud, éditeur des Chroniques de la Lune Noire, qui a annoncé sa disparition le 18 juin 2025. Une simple photo en noir et blanc, un message discret. Mais tout y est : “Le monde du JdR et du 9e Art perd un grand créateur.” Pas besoin d’en dire plus.
Une cérémonie est prévue le 27 juin, dans le Loiret1.
Au revoir et merci Monsieur Marcela-Froideval
Il n’était ni chef de clan ni gourou du bon goût. Il n’était pas toujours là où on l’attendait. Il a signé des choses très sérieuses, d’autres plus farfelues. Il a fait rêver, jouer, râler parfois. Mais il a toujours été là, quelque part, à l’arrière-plan de notre culture rôliste.
Aujourd’hui, on lui dit simplement merci. Et on sait qu’un jour ou l’autre, dans une chronique, une aide de jeu, un vieux scénario, on tombera à nouveau sur son nom. Comme un clin d’œil. Comme un repère.
François Marcela‑Froideval laisse derrière lui un héritage prolifique dans l’imaginaire : des magazines, des jeux, des BD et des expressions devenues cultes. Sa créativité et son influence résonnent encore dans la culture du jeu de rôle et de la Dark Fantasy. Toutes nos pensées vont à ses proches, notamment sa fille Ambre, et à toute la communauté qu’il a contribué à faire exister.
- La crémation aura lieu le vendredi 27 Juin, 400 Rue de Pisseux à Amilly, dans le Loiret : « La cérémonie sera simple, vos âmes sont les bienvenues », a partagé sa fille Ambre. ↩︎
Commentaires
28 réponses à “François Marcela-Froideval (1958–2025) — L’imaginaire perd un de ses bâtisseurs”
Adieu, François, et Merci !
Où je découvre que l’un des auteurs des Chroniques de la Lune Noire a aussi popularisé l’expression « Gros Bill », c’est une belle illustration (même si on reste loin du : « Ben quoi… j’ai juste dit qu’il sentait mauvais ! » qui m’a bien marqué dans Casus !).
Au-revoir monsieur Froideval, vos actions et vos histoires auront fait naître des souvenirs d’aventure chez des milliers de personnes !