Soie, Nylon et Chaos : Quand les bas menaçaient l’ordre public

Pour les rôlistes, ce contexte est une mine d’or : des contrebandiers de soie aux espions cherchant à sécuriser des cargaisons précieuses, il y a de quoi faire vibrer les intrigues.

Nylon Riots

L’histoire des années 40 et 50 regorge d’événements marquants, mais peu de gens connaissent les « Nylon Riots« , ces émeutes provoquées par la simple quête de bas en nylon. Derrière ce phénomène, on trouve un mélange explosif de mode, d’économie de guerre et de frustrations sociales. Un contexte parfait pour du jeu de rôle, qu’il soit pulp classique, noir ou teinté d’horreur lovecraftienne.

Ces événements traduisent un bouleversement des mentalités et des enjeux de consommation, illustrant parfaitement les tensions de l’époque. Ils témoignent aussi de la montée en puissance du consumérisme et de l’importance du marketing dans la société moderne.

Cet article est un clin d’œil au blog Chemin de soie, dans lequel on retrouve quantité d’anecdotes historiques sur ce qui est peut-être une improbable inspiration rôlistique (https://chemindesoie.fr/), mais les inspirations improbables, justement c’est ce qui nous plait.


L’avant-nylon : La soie et ses mystères

Avant l’arrivée du nylon, les femmes portaient des bas en soie, un luxe délicat mais coûteux. Importée principalement de Chine et du Japon, la soie était une ressource précieuse dont la production reposait sur un élevage méticuleux de vers à soie. Cet élevage, connu sous le nom de sériciculture, nécessitait des conditions spécifiques et un savoir-faire ancestral transmis de génération en génération.

Pendant la Seconde Guerre mondiale, la soie est réquisitionnée pour la fabrication de parachutes, de cartes aéronautiques résistantes et d’autres équipements militaires, privant les femmes de ce symbole d’élégance et de raffinement.

Face à cette pénurie, le marché noir s’organise : contrebandiers et faussaires se lancent dans la production et la vente de bas contrefaits, souvent confectionnés à partir de matériaux de moindre qualité.

Pour les rôlistes, ce contexte est une mine d’or : des contrebandiers de soie aux espions cherchant à sécuriser des cargaisons précieuses, il y a de quoi faire vibrer les intrigues.


L’invention du nylon et son impact

En 1938, les chimistes de DuPont dévoilent le nylon, une fibre synthétique révolutionnaire qui promet de remplacer la soie. Solide, bon marché et accessible, il devient un symbole de modernité. Il ne jaunit pas, résiste à l’humidité et aux moisissures, et son coût de production est considérablement inférieur à celui de la soie. Mais dès 1942, la production de nylon est détournée pour l’effort de guerre : parachutes, filets de camouflage, vestes et autres équipements militaires en ont besoin. La population civile, quant à elle, doit prendre son mal en patience.

Une astuce pour remplacer le bas nylon ? Oui, du maquillage.

Quand la guerre prend fin, DuPont peine à répondre à la demande grandissante des femmes désireuses de retrouver leurs bas. Résultat : des émeutes éclatent dans plusieurs villes américaines, où des foules de clientes en viennent aux mains pour un simple collant. Les magasins se retrouvent en rupture de stock quasi immédiate, renforçant les tensions sociales et générant des vagues de spéculations sur le marché noir. Certains détaillants n’hésitent pas à revendre les paires de bas à des prix exorbitants, poussant encore davantage les consommatrices à bout.


Les Nylon Riots : émeutes pour un accessoire

En 1945 et 1946, des scènes hallucinantes se déroulent aux États-Unis. À Pittsburgh, 40 000 femmes font la queue pour 13 000 paires de bas, générant une émeute. À New York, Chicago et San Francisco, des magasins sont pris d’assaut, rappelant les frénésies du Black Friday actuel. Des altercations éclatent, des vitrines sont brisées, et la police doit parfois intervenir pour rétablir l’ordre. L’image de femmes s’arrachant du tissu synthétique devient un symbole des tensions de l’après-guerre.

Ces émeutes ne sont pas seulement des anecdotes de consommation. Elles révèlent les nouvelles dynamiques de l’après-guerre : la réinsertion des soldats, le retour à une économie civile et les nouvelles attentes des consommateurs. L’idée que des bas en nylon puissent provoquer de telles tensions montre à quel point ces objets étaient devenus des symboles de statut et de féminité. Ce chaos pourrait inspirer des scénarios rocambolesques où le vol d’une cargaison de bas tourne à l’affrontement entre gangs, à des complots industriels ou à des manipulations d’entreprises textiles cherchant à contrôler le marché. Et si l’un de ces groupes découvrait que certains bas possèdent d’étranges propriétés ?


Inspiration pour du JdR

Scénarios Pulp et Noir

  • Le réseau de la Soie : Durant la guerre, une organisation secrète cherche à s’emparer d’un stock de soie détourné. Espions, gangsters et forces occultes s’affrontent pour récupérer cette précieuse ressource.
  • Bas et balles : Dans une Amérique des années 50 gangrenée par la corruption, un groupe de criminels doit infiltrer une entreprise textile liée à la pègre, où se cache un indice compromettant.
  • La fille au bas perdu : Une femme est retrouvée étranglée avec un bas en nylon dans un hôtel miteux. Un simple meurtre passionnel ? Ou la pièce manquante d’un complot plus vaste impliquant l’industrie textile ?

Adaptation Lovecraftienne

  • Les vers du Chaos : Le nylon est-il vraiment une invention humaine ? Une entité inconnue inspirerait-elle les scientifiques de DuPont, cherchant à envahir le monde à travers cette fibre synthétique ?
  • La soie du Néant : Un groupe d’investigateurs découvre qu’un fabricant de bas utilise une soie qui n’est ni animale ni végétale, mais issue d’une créature antédiluvienne qui cherche à tisser sa toile dans notre réalité.
  • Les chasseurs de fil : Un culte secret vénère une entité dont la matière est utilisée pour tisser un textile qui confère d’étranges pouvoirs. Mais à quel prix ?
  • Le chant des fibres : Certains bas semblent imprégnés d’un murmure étrange que seules certaines personnes entendent. Une fois portés, ils influencent subtilement les pensées de leur propriétaire.

Le mot de la fin

Les « Nylon Riots » et la transition de la soie au nylon sont des éléments historiques fascinants qui méritent d’être explorés en jeu de rôle. Que ce soit dans un contexte pulp, noir ou fantastique, ces événements offrent des intrigues riches en tension sociale, en enjeux économiques et en possibilités narratives. Les bas en nylon ne sont pas qu’un simple accessoire vestimentaire, ils symbolisent les transformations d’un monde en mutation, et les aspirations d’une société en quête de renouveau. Et qui sait ? Peut-être qu’un simple morceau de tissu cache bien plus que ce que l’œil humain peut percevoir.



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Commentaires

7 réponses à “Soie, Nylon et Chaos : Quand les bas menaçaient l’ordre public”

  1. Avatar de Stephen Sevenair

    Fabuleuse idée pour scénario.

    1. Avatar de Iso

      Oui et on varie les sources d’inspiration

  2. Avatar de Anagrys
    Anagrys

    Merci pour le petit coup de projecteur, comme quoi, en cherchant un peu, on peut trouver des idées intéressantes un peu partout 🙂
    C’est vrai que l’exploration des routes commerciales asiatiques peut donner lieu à des idées intéressantes, l’Histoire de la région est… riche, mais après tout on parle de l’Asie Centrale et de la Chine ici, on a vu un bon paquet d’empires se disputer la zone ! Commerce, espionnage, guerre, dans un contexte médiéval on a ce qu’il faut, sur fond d’invasions des différents empires qui s’y sont succédés, originaire d’Europe, d’Asie, d’Inde…
    Concernant les bas eux-mêmes, il a existé un intermédiaire entre la soie et le nylon : la rayonne (on l’appelle aujourd’hui plutôt « viscose »). Il s’agit d’une fibre synthétique fabriquée à partir du bambou, qu’on appelait au début du XXe siècle « la soie synthétique ». Il convient de se référer par exemple aux catalogues du Bon Marché, disponibles à la BNF, pour voir les différences de prix : en 1936 une paire de bas en rayonne se vendait entre 10F et 15F, une paire de bas de soie véritable tournait entre 15F et 30F.
    (ces prix semblent toutefois relativement bas, on dépensait à l’époque environ 60F pour se nourrir chaque jour, l’écart entre ces produits semble s’être réduit tout au long des années 30).
    Le nylon a complètement fait disparaître la rayonne dans la fabrication des bas : plus fin, plus transparent, plus lumineux et beaucoup plus résistant. Pour la soie, c’est aujourd’hui un produit de niche, mais elle est encore utilisée pour cet usage.

    Bravo pour les illustrations, très bien choisies !

    1. Avatar de Iso

      Et comme on ne voulait pas faire un article trop long ici on a complété les infos sur le webzine ici : https://scriiiptwebzine.tumblr.com/post/776990152826470400/soie-nylon-et-chaos-quand-les-bas-mena%C3%A7aient
      On y évoque la rayonne oui, et aussi d’autres photos et des idées d’inspiration pour du JDR encore.

      1. Avatar de Anagrys
        Anagrys

        Vous voulez dire qu’il est possible de trouver des choses intéressantes sur Tumblr ? Il va falloir que je me penche sur le sujet

  3. Avatar de Justin Busch

    En quelque sorte, mes cours d’histoire américaine n’ont jamais parlé de ces émeutes !

    1. Avatar de Iso

      C’est un peu anecdotique certes, mais si les articles de l’époque en ont fait les gros titres, c’est que c’était suffisamment marquant. Ou alors un peu comme aujourd’hui, c’était monté en épingle pour faire du sensationnel.

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