Le mythe du barbare : fantasme impérial et non-sens ludique

Personne, dans l’histoire humaine, n’a conquis des empires ou mené des révoltes victorieuses uniquement avec des muscles saillants et des grognements gutturaux. L’intelligence tactique, la diplomatie et la capacité d’adaptation sont les vraies armes des peuples « barbares ». Mais évidemment, ces nuances disparaissent sous le rouleau compresseur des clichés.

barbares

L’illusion du barbare : un mensonge confortable et perpétué

Depuis que des scribouillards serviles ont commencé à téter les bottes des conquérants en griffonnant des épopées dignes d’un manuel de propagande, le concept du « barbare » est devenu une putain de commodité intellectuelle. Un mythe réchauffé, recyclé à l’infini par des imaginations paresseuses trop heureuses de s’abreuver au lait rance du colonialisme. Le barbare, c’est l’autre. Celui qui ne suit pas les règles imposées par les despotes en toge et les tyrans couronnés. Un paravent derrière lequel s’abrite une culture satisfaite d’elle-même et trop lâche pour regarder en face sa propre brutalité.

Ah ! Comme il est facile d’essentialiser les peuples « exotiques » et de les ranger dans cette case fétide où raffinement, culture et intelligence sont relégués au rang de curiosités improbables ! Comme il est réconfortant, pour les civilisés drapés de vertu, de dépeindre les autres comme des brutes arriérées, n’ayant pour seule richesse que leur musculature et leur fureur ! Mais la réalité, elle, s’en bat l’œil. Ces prétendus « barbares » avaient des traditions, des philosophies et une ingéniosité dont les empires se sont abreuvés avant de les massacrer.

Personne, dans l’histoire humaine, n’a conquis des empires ou mené des révoltes victorieuses uniquement avec des muscles saillants et des grognements gutturaux. L’intelligence tactique, la diplomatie et la capacité d’adaptation sont les vraies armes des peuples « barbares » – bien plus létales que n’importe quelle hache de guerre ou massue de pierre. Mais évidemment, ces nuances disparaissent sous le rouleau compresseur des clichés, où la seule alternative au barbare est un noble chevalier drapé de vertu et porteur de la « civilisation ». Quelle plaisanterie.


La xénophobie, travestie en trope narratif à deux balles

Le mot « barbare » ? Un crachat verbal inventé par les Grecs pour désigner tous ceux qui ne parlaient pas leur langue. « bar-bar« , le bruit grotesque qu’ils prêtaient aux peuples qu’ils jugeaient inférieurs. Puis, bien sûr, l’empire romain, ce vieux cador de l’impérialisme, a repris le concept avec un zèle crétin, justifiant ses razzias, massacres et occupations sous ce prétexte moisi.

Le mythe du barbare : fantasme impérial et non-sens ludique

Depuis, ce fantasme s’est infiltré dans nos histoires, reprenant du service dans chaque récit où l’on a besoin d’un antagoniste brut de décoffrage. On le retrouve en fantasy, bien sûr, où le « barbare » se doit d’être une brute taillée à la serpe, vociférant, dénuée de finesse, habillée d’une pauvre peau de bête, balayant la grammaire d’un revers de main hirsute. Un raccourci qui n’a que trop duré.

Le mythe du barbare : fantasme impérial et non-sens ludique

Sauf que dans la vraie vie, ces « sauvages » ont conçu des empires nomades plus sophistiqués que les bureaucraties décrépites des « civilisés ». Les Mongols ont dominé le plus vaste territoire contigu jamais conquis. Les Vikings étaient des navigateurs et des diplomates d’une acuité redoutable. Les peuples des steppes avaient des systèmes politiques fluides et pragmatiques qui feraient rougir d’envie les administrateurs de nos démocraties contemporaines. Pourtant, dans l’imaginaire figé des scribes modernes, ils restent coincés dans la case « gros bourrins« . Pitoyable.


Une classe grotesque dans les JdR : le sommet de l’absurde

Et voilà le clou du cercueil : dans les jeux de rôle, ce stéréotype survit sous la forme d’une classe. Comme si l’idiotie crasse et la brutalité débridée étaient des compétences spécifiques, comme si être un crétin en slip de fourrure était un atout tactique. Une aberration.

Le mythe du barbare : fantasme impérial et non-sens ludique

Pourquoi diable devrait-on cantonner ce type de personnage à la réflexion d’un bœuf ? Pourquoi serait-il incapable d’élaborer une stratégie ou de manier une idéologie aussi bien qu’une hache ? La réponse est simple : la paresse intellectuelle. Parce que c’est plus facile d’assigner les individus à des cases simplistes que de faire l’effort de réfléchir à la complexité du monde. Parce qu’il est plus rassurant de se vautrer dans le confort des clichés que d’affronter la possibilité que la « civilisation » ne soit qu’un masque hypocrite posé sur des instincts tout aussi brutaux que ceux qu’elle prétend combattre.

On nous vend des guerriers idiots qui ne savent qu’arracher des têtes et hurler à la lune, alors que l’histoire nous enseigne que la vraie force ne vient pas seulement des muscles, mais de la stratégie, de la culture, et de la capacité à comprendre son ennemi bien mieux que celui-ci ne se comprend lui-même. Ces « barbares » avaient des traditions, une philosophie du combat, des récits de bravoure qui n’avaient rien à envier aux récits hagiographiques de l’Occident. Pourtant, on continue de nous les vendre comme des caricatures grotesques.


Et maintenant, on fait quoi ?

Le mythe du barbare : fantasme impérial et non-sens ludique

Brûlons ce mythe jusqu’à la moelle.

  • Arrêtons de baver devant des icônes stériles comme Conan-le-Crétin, incarnation ultra-réductrice d’un guerrier pourtant inspiré de traditions riches et diversifiées.
  • Cessons de dépeindre ces « barbares » comme des rustres incapables de civilisation, alors que la majorité des peuples jugés ainsi ont été bien plus adaptables, inventifs et stratèges que leurs détracteurs.
  • Transformons nos jeux de rôle : redonnons du relief aux cultures, refusons les caricatures grotesques et réhabilitons la nuance dans les personnages.
  • Revisitons l’Histoire avec un œil critique et cessons de nous appuyer sur des récits de propagande issus des vainqueurs pour nourrir nos imaginaires.

Si vous voulez absolument une « classe » de guerrier nomade, qu’il ou elle soit un stratège, un penseur, un visionnaire ! Qu’il ait sa propre culture, ses propres codes, son propre regard sur le monde. Qu’il puisse être un philosophe du combat, un artisan de la guerre, un érudit des traditions martiales, et non un simple tas de muscles jeté au combat comme un chien enragé.



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