On savait déjà que Dalí et Lovecraft auraient pu se rencontrer en 1936 à Providence, et que HG Wells avait déjà créé des règles pour un jeu de figurines en 1913… Mais que se serait réellement passé en cette soirée mystérieuse de l’automne 1929 où on ne sait par quel étrange phénomène HPL, HG Wells, Arthur Conan Doyle et Salvador Dalí se sont retrouvés pour finalement réussir à créer ce qui allait devenir le Jeu de Rôle !
Londres, 1929. Sous les fumées épaisses des rues londoniennes, dans une arrière-salle aux fenêtres obstruées par des rideaux de velours, quatre esprits fascinants se retrouvent autour d’une table. Il y a là Howard Phillips Lovecraft, écrivain des terreurs indicibles ; Herbert George Wells, visionnaire de l’avenir ; Arthur Conan Doyle, l’homme derrière Sherlock Holmes ; et Salvador Dalí, artiste singulier qui aurait bien pu lui-même être une créature lovecraftienne s’il avait été fiction.
Les quatre hommes se regardent, chacun tenant entre ses doigts un verre d’absinthe ou de thé corsé. L’atmosphère est tendue, mais teintée d’une étrange excitation.
Lovecraft, le premier à briser le silence :
« Messieurs, il est temps d’explorer des mondes que nous n’avons jamais osé imaginer. Et si… nous donnions vie à des personnages fictifs, les confions à nos lecteurs et leur donnions le pouvoir d’explorer nos univers eux-mêmes ? » Il tourne sa canne dans la main, comme pour souligner la profondeur de cette idée.
Wells hausse un sourcil, sceptique :
« Créer des mondes, oui, mais les donner à d’autres… Vous me proposez un exercice de télépathie, Howard ? » Un sourire railleur se dessine sur son visage. « Nos lecteurs deviendraient des explorateurs de nos propres cauchemars et merveilles ? »
Conan Doyle, frottant sa moustache, répond, pensif :
« Non, ce n’est pas de la télépathie, cher Wells. Mais peut-être… un jeu de déduction, de stratégie, comme les échecs, mais dans un univers plus vaste – où chaque personnage incarne une âme fictive en quête de quelque chose de plus grand. Un détective, par exemple… »
Dalí, allongé dans un fauteuil à l’extravagance toute espagnole, éclate d’un rire étrange.
« Mais enfin, mon cher Arthur ! Où est la folie ? Où est l’imagination débridée ?! Un détective, soit, mais qu’il soit poursuivi par des horreurs tentaculaires venues d’une autre dimension ! Ou bien qu’il devienne, à son insu, un rhinocéros volant sur la lune, voilà ce qui rendrait ce jeu… acceptable. »
Un éclat de rire sonore s’empare de la pièce.
Lovecraft, néanmoins, reste sérieux, absorbé dans ses réflexions. « Ce que nous proposons, c’est plus qu’un simple jeu. C’est… une expérience littéraire participative, » dit-il avec conviction. « Un monde où l’influence de l’invisible, de l’inconnu et de l’indicible rôde, et où les participants façonnent leurs destins, luttant contre leurs propres peurs. »
Wells acquiesce lentement.
« Cela pourrait être une simulation de vie, un monde où l’on donnerait à chaque protagoniste des attributs, des compétences, des faiblesses… Un système où les choix qu’ils feraient entraîneraient des conséquences variées… »
Dalí les observe tous avec une flamme d’extravagance dans les yeux.
« Alors, créons ce jeu avec des règles, des dés, et des rêves éveillés. Mais ajoutons… » il fait un geste théâtral de la main, « … des métamorphoses, des hallucinations, et pourquoi pas, un minotaure qui interroge les étoiles ! »
Lovecraft : « Imaginons une créature qui défie toute logique, un être à la fois invincible et vulnérable à la moindre pensée humaine. Ce sera… l’antagoniste. »
Conan Doyle : « Un monstre qui fuit la raison ? Voilà qui comblerait les esprits faibles, mais un vrai joueur saura toujours démasquer la farce. »
Dalí : « Ou bien… ce monstre serait la folie elle-même ! Pourquoi restreindre notre univers au réel, mes amis ? Que chaque joueur choisisse s’il croit au monstre ou s’il le crée lui-même, voilà qui rendra le jeu fascinant. »
Ils décident de se répartir les rôles pour cette étrange création :
- Lovecraft serait l’architecte des créatures monstrueuses et des environnements cauchemardesques.
- Conan Doyle donnerait des règles aux enquêtes, la logique au service de l’inexplicable.
- Wells veillerait à la structure du jeu, imaginant des systèmes de déplacement et d’action dans cet univers.
- Et Dalí… eh bien, il assurerait que rien ne soit tout à fait conforme à la raison.
À cette heure tardive, ils esquissèrent ainsi, sans le savoir, les bases de ce qui serait l’ancêtre du jeu de rôle. Lovecraft parla de lancer des dés pour décider de la survie des personnages ; Conan Doyle insista sur l’importance des indices ; Wells créa un système de progression ; et Dalí… Dalí rêva qu’il était devenu maître du jeu, déformant à sa guise la réalité des joueurs.
Les écrivains repartirent cette nuit-là, conscients d’avoir créé quelque chose de particulier. De cette soirée naquit un jeu, ou plutôt un monde, que chacun continuerait d’enrichir à sa manière dans ses œuvres respectives.
Et si vous aussi, vous plongiez dans cet étrange univers ? Il vous suffirait de quelques dés, d’un manuel improvisé, et d’un bon verre d’absinthe, à consommer… avec modération.
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