Les Cagots, mystérieux parias

C’est par hasard que je suis tombé sur ces histoires de Cagots.. Un peuple mystérieux vivant dans les Pyrénées Quelques lectures d’articles ont vite fait d’éloigner toute envie de mystère et de joli conte de fées. En effet, c’est plus l’horreur de l’existence d’une caste de paria qui se dévoila petit à petit. En effet,…

C’est par hasard que je suis tombé sur ces histoires de Cagots.. Un peuple mystérieux vivant dans les Pyrénées

Quelques lectures d’articles ont vite fait d’éloigner toute envie de mystère et de joli conte de fées. En effet, c’est plus l’horreur de l’existence d’une caste de paria qui se dévoila petit à petit.

En effet, oui, il a bien existé en France, jusqu’à il y a peu de temps, une caste de parias ou de descendants de parias. Et il subsiste encore des traces très nombreuses de leur existence aussi bien dans l’architecture, que dans le langage… Qui étaient ces gens ? les Cagots !

Cagot ?

Un cagot, au féminin cagote, dans le sud-ouest de la France, était aussi appelé agote, sur le versant sud des Pyrénées, en Espagne. Il s’agissait de termes dépréciatifs qui désignaient des groupes d’habitants, exerçant des métiers du bois, ou du fer, frappés d’exclusion et de répulsion dans leurs villages surtout au Pays basque de part et d’autre du Piémont pyrénéen et en Gascogne, entre le XIIIème siècle et les temps modernes. La réputation des cagots est associée à la peur de la lèpre. Des populations similaires existaient en Bretagne (les caqueux, caquins ou caquous).

Où trouvaient-on des Cagots ?

Cagot

Les cagots sont présents en France en Gascogne (des portes de Toulouse, jusqu’au Pays basque, en Armagnac, en Chalosse, dans le Béarn, en Bigorre et dans les vallées pyrénéennes), mais aussi dans le nord de l’Espagne (Aragon, Navarre sud et nord, Pays basque et Asturies) où ils sont désignés par le terme Agotes.

Quoique réduits depuis des siècles à n’avoir de relations normales qu’entre eux, ils ne constituaient cependant pas un groupe en tant que tel, ils étaient au contraire disséminés, vivant par petits groupes de deux ou trois familles aux abords de presque toutes les villes ou villages des régions mentionnées. Ces hameaux étaient appelés crestianies puis à partir du XVIème siècle cagoteries ou aux Capots. À l’échelle du Béarn par exemple, la répartition des cagots, souvent charpentiers, s’apparente à celle des autres artisans nombreux essentiellement dans le piémont. Loin de s’agglutiner en quelques lieux, les crestians s’éparpillent dans 137 villages et bourgs. En dehors des montagnes, 35 à 40 % des communautés connaissent des cagots, surtout les plus importantes, à l’exclusion des très petits villages.

La toponymie et la topographie indiquent que les endroits où se trouvaient les cagots présentent des caractéristiques constantes ; ce sont des écarts, en dehors des murs, nommés « crestian » (et dérivés) ou « place » (les noms Laplace sont fréquents) à côté de points d’eau, lieux attribués pour vivre et surtout pratiquer leurs métiers.

Selon les lieux et les époques, les façons de désigner les cagots ont évolué.

Une population réprouvée

Les cagots vivant comme des proscrits et frappés de tabou, un nombre considérable d’interdictions dictées par la superstition pesaient sur eux : certaines étaient orales, mais d’autres étaient transcrites dans les « fors » (lois) de Navarre et du Béarn des XIIIème et XIVème siècles.

Interdits et obligations


Les interdits pesant sur les cagots ne se cumulaient pas toujours. Il faut tenir compte des différences locales de part et d’autre des Pyrénées, et des évolutions dans le temps (sur une très longue période de 800 ans) de la réalité des cagots.

Discriminations de lieu d’habitation

Mis à l’écart, victimes d’une sorte de racisme populaire, fortement ancré localement, il leur était défendu, selon les lieux, sous les peines les plus sévères, d’habiter dans les villes et les villages. Ils vivaient dans des quartiers spéciaux, dans des hameaux ou villages isolés, souvent d’anciennes léproseries. Ces hameaux avaient leur fontaine, leur lavoir et souvent leur propre église et parfois un petit établissement hospitalier géré par un ordre religieux.

Obligation de porter un insigne et obligations vestimentaires

Les cagots étaient tenus de porter un signe distinctif, généralement en forme de patte d’oie (pédauque) ou de canard, coupé dans du drap rouge et cousu sur leurs vêtements. Francisque Michel a fait apparaître que dans une des chansons anciennes (contre la cagoterie) qu’il compila et publia (Noces de Marguerite de Gourrigues, du XVIIème siècle), il semblait résulter que, outre la patte de canard qu’ils portaient sur la poitrine, les cagots avaient encore la cocarde rouge au chapeau. À Marmande, en 1396, le règlement de la ville précise que les gahets devront porter, cousu sur leur vêtement de dessus, du côté gauche, un signe de tissu rouge, long d’une main et large de trois doigts.

Un arrêt du parlement de Bordeaux défendit aux cagots, sous peine du fouet, de paraître en public autrement que chaussés et habillés de rouge (comme les Cacous en Bretagne).

En 1460, les États du Béarn demandèrent à Gaston IV de Foix de Béarn qu’il leur fût défendu de marcher pieds nus dans les rues sous peine d’avoir les pieds percés d’un fer, et qu’ils portassent sur leurs habits leur ancienne marque d’un pied d’oie ou de canard. Le prince ne répondit pas à cette demande.

Mais à la différence des lépreux, dont le grand signe a été la cliquette ou les cliquets ou crécelle ou tartavelle, le chercheur Yves Guy écrit que l’on peut facilement défier qui que ce soit de trouver une seule allusion à un cagot s’annonçant par un instrument bruyant de ce type.

À Jurançon, devant la principale porte de leurs maisons, les cagots étaient forcés d’avoir une figure d’homme sculptée en pierre. Toutes ces sculptures ont été détruites par la suite avec le plus grand soin. On peut vraisemblablement penser qu’elles permettaient de signifier la présence de cagots.

Discriminations à l’église

Les cagots ne se rendaient au village que pour leurs besoins les plus pressants, et pour aller à l’église. Dans de nombreux cas, ils n’entraient que par une porte latérale, souvent plus petite, comme celle de l’église d’Arras-en-Lavedan ou de l’Abbaye de Saint-Savin-en-Lavedan (petite ouverture au ras du sol appelée « fenêtre des cagots ») et ne prenaient l’eau bénite qu’au bout d’un bâton. C’est aussi au bout d’une planchette que le curé leur tendait l’hostie lors de la messe. Parfois, ils avaient leur propre bénitier, simple pierre creusée incrustée dans un mur de l’église et sans grandes sculptures. Un certain nombre de bénitiers sur pied représentant des Atlantes ou des Maures sont faussement attribués au cagots, comme à Pierrefitte-Nestalas et à l’Abbaye de Saint-Savin-en-Lavedan.

Les sacrements même leur étaient interdits en certains endroits, pour la même raison qu’aux animaux. Ils ne pouvaient recevoir le sacrement de l’Ordre, et ne pouvaient entrer dans la cité de Lourdes que dans la journée, par une porte qui leur était réservée : la Capdet pourtet.

Discriminations liées à l’état civil

La naissance dans une famille de cagots suffisait à établir pour le reste de la vie la condition de cagot. La marginalisation des cagots débutait au baptême célébré sans carillon et à la nuit tombée (la mention « cagot », ou son synonyme érudit « gézitain », était porté sur le registre paroissial) et se terminait après leur mort, puisqu’ils avaient un cimetière à part. Ils n’avaient pas de nom de famille : seul un prénom, suivi de la mention « crestians » ou « cagot », figurait sur leur acte de baptême. Sur les registres des paroisses, comme sur les actes civils, leur nom était toujours accompagné de l’épithète flétrissante de cagot. Ils n’étaient admis nulle part aux honneurs ou aux fonctions publiques. On ne leur permettait pas de faire à la guerre office de combattants, mais leurs services comme charpentiers étaient utilisés pendant les sièges. Il leur était interdit de porter aucune arme ni aucun outil de fer autre que ceux dont ils avaient besoin pour leurs métiers.

Les cagots ne pouvaient se marier qu’entre eux, car la famille qui les eût accueillis se fût déshonorée ; pas de dérogation à cette règle. Aussi, pour éviter la consanguinité, les cagots allaient chercher femme dans d’autres communautés de cagots plus ou moins proches, ou ils s’expatriaient à peu de distance, introduisant dans la communauté d’accueil leur nom patronymique, emprunté à leur communauté d’origine. D’autre part, les villageois ne perdaient pas une occasion d’attaquer les cagots quand un mariage entre cagots avait lieu. Des cris, des chants injurieux les accueillaient au passage ; bien vite les beaux esprits du village composaient une chanson grossière, en forme de litanie, où tous les gens de la noce étaient compris, et dont on accompagnait le cortège. Souvent des rixes éclataient, le sang coulait — mais les parias, moins nombreux, avaient presque toujours le dessous.

Discriminations juridiques

On ne les entendait en justice qu’à défaut d’autre témoignage, et il ne fallait pas moins de quatre ou même de sept cagots pour valoir un témoin ordinaire. D’après l’ancien for de Béarn, il fallait la déposition de sept cagots pour valoir un témoignage. Toutefois, le pouvoir juridique des cagots n’était pas nul : ils n’étaient point serfs. Ils passèrent par exemple un contrat de gré à gré avec Gaston Fébus, dans l’église de Pau, en présence de témoins, et par-devant notaire, où les cagots s’engageaient à la construction du château de Montaner, contre une exonération de la taille.

Interdictions concernant les activités liés à la nourriture et à l’eau

Les interdits liés aux croyances qu’ils pouvaient contaminer l’eau étaient nombreux : interdiction de venir boire aux fontaines, ils devaient prendre celle-ci à des fontaines qui leur étaient réservées. Interdiction de laver aux lavoirs communs (par exemple à Cauterets, ils ne pouvaient se baigner qu’après les autres habitants, et ne pénétrer que par une entrée dérobée donnant accès à des bains réservés aux seuls cagots).

fontaine cagot

Interdiction d’entretenir aucun bétail, si ce n’est un cochon pour leur provision et une bête de somme — encore n’avaient-ils pas pour ces animaux la jouissance des biens communaux. Ils ne pouvaient vendre le produit de leur exploitation aux gens du village (interdiction de faire du commerce).

Il était interdit aux cagots de labourer, de danser et de jouer avec leurs voisins. Certains métiers leur étaient interdits, généralement ceux considérés comme susceptibles de transmettre la lèpre, comme ceux liés à la terre, au feu et à l’eau : ils n’étaient donc jamais cultivateurs. Ils ne devaient porter aucun objet tranchant, donc ni arme ni couteau.

En 1606, les États de Soule leur interdisent l’état de meunier. Les règlements les plus anciens ne spécifient pas toujours que les cagots ne peuvent être que charpentiers ; en revanche, ils leur interdisent plusieurs autres professions, en particulier celles qui ont trait à l’alimentation. C’est ainsi que la coutume de Marmande (1396) défend aux gaffets de vendre du vin ou de faire du commerce dans les tavernes ; ils ne pouvaient pas non plus vendre du porc, du mouton, ou autres animaux comestibles ; il leur était interdit en outre d’extraire l’huile de noix. La coutume du Mas d’Agenais (1388) défendait de louer les gaffets pour les vendanges.

Le clergé comme l’aristocratie justifient ces discriminations, parfois jusqu’en plein XVIIIème siècle, en dépit du fait que les cagots étaient catholiques. Ils condamnent cependant les excès commis sur ces populations par les manants, sur lesquels pesaient les corvées et la taille, dont étaient exempts les cagots, à certaines époques et dans certaines régions.

On ne connait pas d’étude ou de recensement sur les cagots protestants, quoiqu’il dût y en avoir dans les régions majoritairement réformées du sud-ouest.

Sources

Inspiration

Bon… on est sur un site qui cause de jeu de rôle, donc, cet article est là surtout pour donner une base d’inspiration.

Beaucoup de choses ont déjà été écrites sur les cagots, une simple recherche sur un moteur de recherche vous donnera quantité d’infos.

Pour un jeu de rôle, tout dépend de ce que vous voulez en faire, avec ou sans fantastique.

Comme vous le lirez la raison pour laquelle les Cagots furent discriminés se perd dans l’histoire. On les disait porteur de « lèpre blanche » ou « lèpre héréditaire », mais sans aucune réalité scientifique. On a voulu voir en eux des descendants d’un peuple maudit, mais lequel ? Et pourquoi ? Quoi qu’il en soit, ils étaient maudits aux yeux de leurs voisins et sans aucune possibilité de rédemption ou de rachat d’une faute… D’ailleurs personne ne sait qu’elle faute. Il est également possible qu’au fil des siècles ils aient eux-mêmes intériorisé cette malédiction, en étant encore plus pieux, et plus humbles.

Bref, tout cela est triste.


Un article de :

Commentaires

7 réponses à “Les Cagots, mystérieux parias”

  1. Avatar de Gwen Persephone

    Un très bon article absolument déprimant… la cruauté est encore plus infecte quand elle est institutionnalisée.

    Merci pour ce partage..

  2. Avatar de anubis
    anubis

    terrible comment on a pu concevoir cela

  3. Avatar de Iso

    C’est absolument terrible, et les articles que j’ai lu ne laissait pas entrevoir un quelconque moment heureux dans toutes cette histoire.
    J’ai préféré ne pas en rajouter dans mon article sur le côté  »ils sont mystérieux, ils viennent peut être d’ailleurs » comme j’ai pu voir ça et là.
    J’ai l’impression que ce sont juste de pauvres gens qui ont servi de bouc émissaire sans aucune raison, que la peur… Ça ne laisse hélas pas beaucoup d’espoir.

  4. Avatar de jf applewood

    Je trouve cet article très intéressant et étonnant. A sa lecture, j’ai été partagé entre horreur et curiosité. Il y a aussi un coté énigmatique si on se décentre pour envisager les parias dans les univers de JDR, d’autant qu’on finit par réaliser que cette exclusion trouve ses réponses dans l’ignorance et l’histoire plutôt que dans de véritables mystères…

  5. Avatar de Iso

    En faisant cet article je le faisais aussi pour me souvenir que cela a existé, et pas uniquement pour de l’inspiration de jeu de rôle.
    Pour autant, je me rend compte que dans les univers de jeu de rôle ont continu à propager en partie pas mal de principes de cette exclusion des autres. Orcs, Gobelins et autres « monstres » par exemple. Bon c’est bien pratique pour jouer l’aventure, car il faut bien des adversaires. Mais, quand même, des fois, on ne peut que constater que les méchants ne sont pas ceux que l’on croit. Ces Cagots ont pu donner lieu à pas mal de « mystères » sur leurs origines : extra-terrestres venus sur Terre pour on ne sait quelle raison par exemple. Ils ont également pu donner lieu à d’autres légendes, sur les Nains dans les montagnes aussi… Bref, les Cagots on forcément influencé l’imaginaire collectif… Des contes et légendes où ils étaient des créatures mystérieuses et malfaisantes… Sauf, qu’en réalité ce n’étaient que des pauvres gens exclus et traités comme des parias…
    Derrière les orcs, les gobelins, les monstres de nos univers de fantasy, se cachent peut-être les peurs et les fantasmes de nos prédécesseurs… Et franchement, je suis pas certain que ce soit si fun que ça de continuer à les propager… Les monstres ne sont pas ceux que l’on croit.
    Bref… je m’égare… Avec les Cagots, en tout cas, on se rend bien compte de la richesse de l’Histoire humaine, et qu’on a encore beaucoup de choses à apprendre.

  6. Avatar de jf applewood

    Non tu n’égares pas du tout, il me semble que c’est le cœur du sujet si on le place sous le spectre du JDR et je pense qu’il faut justement amener cette subtilité dans nos jeux, les monstres dans nos jeux ne sont-ils pas les monstres que nous en avons fait ? Amener de l’ambivalence et de la réflexion autour de la table est une question à creuser. L’histoire nous permet d’apprendre beaucoup sur l’humanité et doit pouvoir nous permettre d’en tirer quelques leçons.

  7. Avatar de Iso

    Absolument d’accord ! Derrière chaque monstre de la littérature se cache une réalité sociale, médicale ou historique… Idem pour les héros mythologiques. Après une guerre remportée, les vainqueurs écrivent l’histoire selon leur point de vue, celui du vaincu fini par disparaitre (parfois pour le bien de tous, mais pas toujours)… Notre histoire, notre culture est faite de cela. A chacun d’entre nous de creuser un peu…