On croit connaĂźtre Red Sonja Ă  travers son bikini de mailles et ses couvertures pulp. Pourtant, derriĂšre cette image se cache une gĂ©nĂ©alogie plus complexe, qui commence bien loin de l’univers de Conan.

Sonya la Rousse, héroïne howardienne

En 1934, Robert E. Howard, le pĂšre de Conan, imagine une aventuriĂšre rousse dans la nouvelle The Shadow of the Vulture (L’Ombre du Vautour). PubliĂ©e dans The Magic Carpet Magazine, l’histoire ne se dĂ©roule pas en terre d’Hyborie mais Ă  Vienne, lors du siĂšge de 1529 par les armĂ©es de Soliman le Magnifique.

Sonya la Rousse y apparaĂźt une seule fois, mais quelle apparition ! GuerriĂšre en acier, canonniĂšre exaltĂ©e, elle incarne l’énergie brute des hĂ©roĂŻnes howardiennes : pas une pin-up, mais une combattante. On la voit sur les remparts, tirant au canon sur les janissaires, l’épĂ©e au poing, le rire au bord des lĂšvres.

Howard ne la fera plus revenir. Pourtant, cette silhouette flamboyante allait ressurgir ailleurs.

La réinvention Marvel : Red Sonja

En 1973, chez Marvel, Roy Thomas et Barry Windsor-Smith reprennent l’idĂ©e de Sonya. Mais ils l’arrachent Ă  l’Histoire pour la jeter dans l’Âge hyborien de Conan.

Mais qui est Red Sonja ?
Créée par le scénariste Roy Thomas et le dessinateur Barry Windsor-Smith, elle apparaßt pour la premiÚre fois dans le comic book Conan the Barbarian (vol. 1) no 23 en février 1973.

Sous le crayon de Frank Thorne, la guerriÚre prend sa forme la plus célÚbre : bikini de mailles, cheveux de feu, et des aventures dans la pure tradition sword & sorcery.

Mais qui est Red Sonja ?

Devenue « She-Devil with a Sword » (La diablesse Ă  l’épĂ©e), Red Sonja se taille une place dans les comics Marvel des annĂ©es 1970, avant de poursuivre sa route chez Dynamite Entertainment Ă  partir de 2005.

Des scĂ©naristes comme Gail Simone ou Amy Chu ont revisitĂ© son caractĂšre, cherchant parfois Ă  dĂ©passer l’icĂŽne pulp pour lui rendre une voix plus crĂ©dible.

Les cosplays de Red Sonja : quand la diablesse prend vie

Red Sonja est un personnage qui appelle Ă  l’incarnation. Avec sa chevelure flamboyante, son aura guerriĂšre et cette armure qui oscille entre protection symbolique et pure fantaisie, elle a tout pour fasciner les cosplayers. Pas Ă©tonnant qu’on la retrouve si souvent sur les conventions ou dans les galeries photo : Sonja, c’est un dĂ©fi, mais aussi une promesse — celle de jouer avec la force brute et l’icĂŽne sensuelle.

Certaines cosplayeuses parviennent particuliÚrement bien à restituer cette tension. On pense par exemple à @myriadcosplay, qui la campe avec férocité : armure cabossée, cape en fourrure, hache à la main, elle incarne une Sonja qui sort tout juste du champ de bataille.

Du cĂŽtĂ© plus fidĂšle aux comics, Evejo s’approprie l’imaginaire classique du bikini de mailles et des cuirs, en rappelant les couvertures pulp des annĂ©es 70.

Enfin, Gracie the Cosplay Lass est rĂ©guliĂšrement saluĂ©e pour son interprĂ©tation : posture assurĂ©e, maquillage soignĂ©, regard dur — elle rĂ©ussit Ă  donner corps Ă  la guerriĂšre sans tomber dans la caricature.

Ce qui distingue un bon cosplay de Red Sonja, c’est moins la quantitĂ© de mĂ©tal ou de cuir que l’énergie qu’on y met. La posture de combattante compte autant que le costume, et la cohĂ©rence visuelle fait la diffĂ©rence : une armure qui semble avoir vĂ©cu, un cuir patinĂ©, des cheveux roux qui Ă©clatent dans la lumiĂšre, un maquillage qui ne gomme pas les cicatrices fictives. Certaines choisissent de coller Ă  la version canonique des comics, d’autres la revisitent avec des touches plus rĂ©alistes ou historiques, mais toujours en gardant cette idĂ©e centrale : Red Sonja n’est pas une pin-up, c’est une guerriĂšre.

Le passage Ă  l’écran

En 1985, Richard Fleischer signe Red Sonja, avec Brigitte Nielsen dans le rĂŽle-titre et Arnold Schwarzenegger en faire-valoir musculeux.

Le film reste un plaisir coupable, mais n’a pas suffi Ă  imposer Sonja au cinĂ©ma. Hollywood annonce rĂ©guliĂšrement un reboot — preuve que la fascination demeure.

Des représentations plus ou moins approchantes

L’artiste Michael C. Hayes la reprĂ©sente ici telle qu’elle pourrait apparaitre dans les nouvelles de Howard.

Red Sonja
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Red Sonja
Red Sonya oil on panel 20″ x 29″ par Donato Giancola

L’Ombre du Vautour et Le Seigneur de Samarcande

La nouvelle L’Ombre du Vautour est aujourd’hui disponible en français dans Le Seigneur de Samarcande (Bragelonne, 2009, trad. Patrice Louinet). Ce recueil rassemble les rĂ©cits historiques de Howard, du siĂšge de Vienne aux croisades. On y retrouve Sonya la Rousse dans son unique incarnation originale, aux cĂŽtĂ©s d’autres figures comme Gottfried von Kalmbach.

C’est lĂ , dans la boue, la poudre et le sang de 1529, que naĂźt Red Sonja. Tout le reste — comics, cinĂ©ma, pin-up de fantasy — n’est qu’une rĂ©invention.

retour aux origines

Elle Ă©tait grande et superbement bĂątie, avec une silhouette pourtant Ă©lancĂ©e. De sous son casque d’acier s’échappaient de longs cheveux rebelles qui tombaient sur ses Ă©paules robustes en une cascade d’or roux Ă©tincelant au soleil.

— HĂ©, Sonya la Rousse ! s’écria un homme d’armes. Fais-leur en baver, ma fille !

— Fais-moi confiance, compagnon, dit-elle tout en approchant la mĂšche enflammĂ©e du canon.

Une formidable dĂ©tonation noya le reste de ses propos et un nuage de fumĂ©e aveugla ceux qui se trouvaient sur la tourelle. Sonya la Rousse poussa un hurlement de joie sincĂšre. Les Turcs gisaient Ă  terre, le crĂąne fracassĂ© et le corps dĂ©chiquetĂ©. À cet instant, une puissante clameur retentit de l’autre cĂŽtĂ© des murailles.

Gottfried von Kalmbach s’approcha des crĂ©neaux. Il avait dĂ©jĂ  entendu ce cri Ă  glacer le sang : les Janissaires se lançaient Ă  la charge. Soliman le Magnifique n’avait pas l’intention de perdre de temps avec cette ville qui lui barrait la route vers une Europe impuissante. Il comptait bien abattre ces murailles dĂšs le premier assaut


Red Sonja
Retrouvez Red Sonja (L’ombre du Vautour) dans Le Seigneur de Samarcande

de Robert E. HOWARD

Traduction de Patrice LOUINET
Illustration de Stéphane COLLIGNON
BRAGELONNE, coll. Les IntĂ©grales n° (18), dĂ©pĂŽt lĂ©gal : juillet 2009
576 pages, catĂ©gorie / prix : 22 €, ISBN : 978-2-35294-301-3

Red Sonja et le jeu de rĂŽle

CSi l’on prend Sonya la Rousse au sĂ©rieux, il faut la replacer dans son cadre d’origine : l’Europe du XVIe siĂšcle. Elle n’est pas une crĂ©ature d’Hyborie, mais une combattante du siĂšge de Vienne. C’est lĂ  qu’elle devient intĂ©ressante pour les tables de jeu.

Dans un cadre historique, Sonya peut incarner :

  • Une PJ modĂšle : une femme de guerre, indĂ©pendante, qui bouscule les codes sociaux et militaires de son Ă©poque.
  • Un PNJ rĂ©current : alliĂ©e flamboyante sur les remparts de Vienne, camarade d’armes des PJ dans une guerre oĂč tout semble perdu.
  • Une source d’inspiration : ses Ă©clats de rire, ses coups de canon et son Ă©nergie farouche donnent le ton d’une campagne marquĂ©e par la brutalitĂ© des siĂšges et la rĂ©sistance dĂ©sespĂ©rĂ©e.

Et si l’on bascule vers l’occulte ou le fantastique (sans forcer), Sonya peut devenir le pivot d’une lĂ©gende : celle d’une combattante dont la rage guerriĂšre dĂ©fie le temps, et qui revient hanter les rĂ©cits des gĂ©nĂ©rations suivantes.

En gros, elle aurait plus de chance de croiser Solomon Kane que Conan.



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