Interview de Claude Lecouteux à l’occasion de la parution de « Les monstres dans la littérature allemande du Moyen Age »

A l’occasion de la sortie de « Les Monstres dans la littérature allemande du Moyen Âge », son auteur Claude Lecouteux nous accorde une interview

La parution prochaine (le 5 juin 2016) de l’ouvrage « Les monstres dans la littérature allemande du Moyen-Âge : contribution à l’étude du merveilleux médiéval » aux Editions La Völva, nous donne l’occasion d’un échange avec son auteur, Claude Lecouteux.

(Les monstres dans la littérature allemande du Moyen-Âge : contribution à l'étude du merveilleux médiéval, 2016) de Claude LECOUTEUX
Les monstres dans la littérature allemande du Moyen-Âge : contribution à l’étude du merveilleux médiéval, 2016 (Editions la Völva) de Claude LECOUTEUX

Claude Lecouteux répond aux questions de Scriiipt

Scriiipt : Claude Lecouteux, vous êtes docteur en études germaniques, docteur en lettres, médiéviste reconnu, vous avez enseigné à la Sorbonne (Paris IV) la littérature et civilisation allemande du Moyen Âge. La liste de vos publications est impressionnante et ne laisse aucun doute sur vos axes de recherches : Les êtres de la mythologie populaire, Les croyances touchant aux morts et à la mort, Les mythes, contes et légendes, La magie. Quel a été l’élément déclencheur qui vous a poussé vers l’étude ces domaines ?

Claude Lecouteux : La curiosité suscitée par la lecture des contes, légendes et mythes ; j’ai voulu comprendre de qui se cachait derrière ce que l’on appelle l’irrationnel et, en fait, j’ai découvert un monde possédant sa propre logique. De ce monde ne restent que des fragments, l’usure du temps a fait son œuvre, mais en les recueillant on en découvre la cohérence et la profondeur.

S : Ce type de recherches universitaire est-il rare, voire exceptionnel ou finalement plutôt classique ? Et est-ce une voie dans laquelle vous conseilleriez à des étudiants de se lancer et avec quelles recommandations ?

C.L. : Disons que c’est une voie ténébreuse et déconsidérée : étudier les monstres, les êtres fantastiques peuplant les croyances, c’est indigne d’un universitaire, il existe des sujets bien plus académiques. De ce fait, on m’a surnommé « le folkloriste », le type un peu folklo quoi. Pourtant, tous les sujets dont j’ai traité dans mes séminaires de 3e cycle on attiré de nombreux étudiants, français et étrangers.

C’est un domaine passionnant, d’accès difficile, mais en prise avec la réalité des mentalités, des croyances, de l’imaginaire. Alors oui, je le recommanderai à tout étudiant voulant sortir des sentiers battus de l’analyse littéraire de textes mille fois étudiés, voulant découvrir les joies de la pluridisciplinarité et des extraordinaires avancées qu’elle permet.

S : De nos jours c’est essentiellement dans les œuvres de fiction fantastique que l’on retrouve les monstres, elfes, nains, et géants, mais qu’en était-il au Moyen-Age ?

C.L. : Au Moyen Âge, ce ne sont pas des fictions. On croit à l’existence des géants parce que la Bible en parle et parce que les découvertes de restes fossiles sont interprétées en ce sens : les restes d’éléphants nains mis au jour en Sicile furent interprétés comme ceux des Cyclopes, et les ossements d’ours des cavernes comme ceux de géants. Du reste, on peut voir ici et là un fémur de mammouth enchaîné dans une église et présenté comme celui d’un géant.

S : Pouvez-vous nous dire quelques mots sur les différences ou ressemblances entre les imaginaires monstrueux français et allemands du Moyen-Age ?

C.L. : Il n’existe pas vraiment de différences car le Moyen Âge forme une unité culturelle remarquable, portée par le latin. Tous les catalogues de monstres sont d’abord écrit dans cette langue après l’avoir été en grec ; ils ont été étudiés dans les écoles, traduits dans la plupart des langues européennes. Si, pour répondre aux desiderata de la thèse, j’ai dû me tourner vers les traditions allemandes, elles ne représentent qu’une partie de mon corpus, la plus importante étant d’expression latine.

S : Les pratiquants de jeux de rôle sont particulièrement friands de bestiaires monstrueux, où ils y trouvent une quantité souvent impressionnante de prédateurs tous plus dangereux les uns que les autres. Toutes les créatures de votre ouvrage « Les monstres dans la littérature allemande du Moyen Age » sont-elles à classer dans la catégorie « danger mortel » ?

C.L. : Il faut distinguer ici entre les hommes et les animaux monstrueux. Les premiers sont surtout dangereux quand ils sont bestialisés : voyez les Cynocéphales et autres hybrides. Parmi les animaux, les plus dangereux sont les reptiles (dragon, basilic, etc.) qui possèdent chacun une façon particulière de vous tuer, puis les « bêtes brutes » qui attaquent sans motif particulier.

S : Dans ce bestiaire merveilleux l’on trouve des « fourmis géantes chercheuses d’or » ou le « poisson-scie », tous les monstres n’ont pas connu la même postérité dans l’imaginaire collectif ; comment se fait-il que telle ou telle créature ait eu plus de chance de survivre jusqu’à nous ? Les auteurs de littérature fantastique contemporains y-sont-ils pour quelque chose ?

C.L. : En fait, les auteurs contemporains ne connaissent pas les textes dont je tire tous ces monstres, ils ne connaissent que le bestiaire fantastique de l’Antiquité classique. Chaque monstre possède un impact plus ou moins grand selon le contexte historique. A l’époque des premières découvertes, les marins ont peuplé la mer de créatures insolites et les ont interprétées en fonction de leur morphologie : le rostre du poisson-scie a donné naissance à la légende voulant qu’il scie les navires. Pour qu’un monstre passe à la postérité, il faut qu’il corresponde à un besoin, celui de rêver par exemple, ou de frissonner tout en étant en sécurité…

S : En 1982 « Les monstres dans la littérature allemande du Moyen-Âge : contribution à l’étude du merveilleux médiéval » avait connu une première édition ; en 2016 que pouvez-vous nous dire à propos de la seconde parution aux Éditions La Völva ?

C.L. : J’ai pu mettre à jour les références, en ajouter de nombreuses autres ainsi que des textes et des illustrations, et j’ai traduit une bonne partie des citations en langues étrangères. C’est donc un ouvrage largement remanié et actualisé.

S : Quels sont les projets sur lesquels vous travaillez actuellement ? Et quels sont vos prochains ouvrages ?

C.L. : Je viens d’achever un dictionnaire de mythologie tzigane qui paraîtra en septembre chez Imago et, avec ma femme, nous avons traduit des contes tziganes qui sortiront chez J. Corti, également à la rentrée. Dernier projet en cours, l’étude de la légende de la fille de Siegfried.

Pour conclure

Merci à Monsieur Lecouteux pour le temps qu’il nous a accordé en toute sympathie et simplicité. Un mot de plus pour vous signaler que « Les Monstres dans la Littérature Allemande du Moyen-Âge » sort le 5 juin 2016, vous pouvez le trouver directement sur le site de l’editeur : http://editions-lavolva.com (ou sur Amazon), et également auprès de vos libraires habituels.

Pour en savoir plus sur Claude Lecouteux :

Ce n’est là qu’une infime partie de ce qu’il y a savoir, vous trouverez ici la page officielle de Claude Lecouteux sur le site de la Sorbonne : http://www.paris-sorbonne.fr/l-universite/nos-enseignants-chercheurs/article/lecouteux-claude et ici ses publications universitaires : https://paris-sorbonne.academia.edu/claudelecouteux/Papers



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