Un roman d’horreur en pleine Occupation

  1. La France est occupĂ©e par l’armĂ©e allemande.
    C’est l’hiver, la Champagne grelotte sous la neige. Sauf Ă  Montalembert, une combe Ă©trange oĂč la blancheur a fondu autour d’un vieux chĂąteau. Depuis des siĂšcles, ces bois ont Ă©tĂ© des champs de bataille. Des centaines de cadavres y dorment, empilĂ©s couche aprĂšs couche, attendant peut-ĂȘtre qu’une main sacrilĂšge vienne les rĂ©veiller.
Les revenants de l'ombre

C’est exactement ce qui se passe. Car le comte de Montalembert, collaborateur notoire, a ouvert son domaine aux sombres expĂ©rimentations d’Otto Reissmann, savant nazi, et de l’officier S.S. von Ruhmkorff. Ensemble, nourris d’occultisme et de pseudo-sciences dĂ©lirantes, ils cherchent une armĂ©e inĂ©puisable : les morts eux-mĂȘmes.

TrĂšs vite, les villages alentour sont envahis par une rumeur atroce : des plaintes venues de sous terre, une chaleur suffocante qui fait fondre la neige, une odeur de pourriture qui imprĂšgne tout. L’horreur prend forme, et c’est celle d’une armĂ©e de revenants brandie au service du Reich.

Jean-Pierre Andrevon, écrivain engagé

PubliĂ© en 1979 Les Revenants de l’ombre s’inscrit dans l’Ɠuvre d’un des grands noms de la science-fiction française. NĂ© en 1937, Jean-Pierre Andrevon est connu autant pour ses rĂ©cits post-apocalyptiques (Le Monde enfin, Le Travail du furet Ă  l’intĂ©rieur du poulailler) que pour ses nouvelles critiques de la sociĂ©tĂ© contemporaine. EngagĂ© Ă  gauche, il dĂ©nonce dans ses fictions la guerre, le fascisme, la pollution ou l’aliĂ©nation moderne.

Ici, il mĂȘle l’Histoire (l’Occupation, la collaboration) Ă  l’horreur gothique et au pulp bis. C’est un roman hybride : politiquement sombre, mais aussi volontiers excessif, presque “zombisploitation” avant l’heure. Il prĂ©cĂšde de peu la vague cinĂ©matographique italienne et amĂ©ricaine des annĂ©es 80 (Zombie de Fulci, The Beyond, etc.), et dialogue avec le cinĂ©ma bis (Shock Waves de 1977, dĂ©jĂ  centrĂ© sur les zombies nazis).

Zombies, nazis et critique politique

Si le roman se lit comme un pur rĂ©cit d’horreur — chĂąteau maudit, armĂ©e des morts, savants fous — il fonctionne aussi comme une mĂ©taphore politique. Les nazis, prĂȘts Ă  tout pour prolonger la guerre, recyclent littĂ©ralement les corps des morts : machine infernale qui ne s’arrĂȘte jamais, mĂȘme au-delĂ  de la tombe. Andrevon rappelle ainsi le prix humain de la guerre totale et l’obsession du fascisme pour la mort, l’inhumain, le sacrifice forcĂ©.

Le texte joue sur deux registres :

  • l’épouvante viscĂ©rale (cris, odeurs, putrĂ©faction, neige qui fond),
  • la critique idĂ©ologique (collaboration, fanatisme, monstruositĂ© politique).

Une lecture pulp et bis

On peut aussi savourer le roman comme un vrai produit de la culture bis : chĂąteau isolĂ©, nazis occultistes, ambiance de bande dessinĂ©e noire. Ce n’est pas un hasard si Andrevon a souvent travaillĂ© pour la BD et les magazines populaires. Les Revenants de l’ombre aurait pu ĂȘtre filmĂ© par un Jess Franco ou un Jean Rollin, quelque part entre horreur gothique et sĂ©rie B d’exploitation.

Inspiration rĂŽliste

Pour les rîlistes, Les Revenants de l’ombre est une mine d’or :

  • Personnages : rĂ©sistants, miliciens, soldats allemands, collaborateurs, savants fous
 tout est prĂȘt pour une galerie de PNJ.
  • Structure de scĂ©nario :
    • Acte I : rumeurs Ă©tranges autour du chĂąteau.
    • Acte II : affrontements avec les forces allemandes et dĂ©couvertes occultes.
    • Acte III : rĂ©vĂ©lation de l’armĂ©e des morts, choix moral (dĂ©truire, fuir, contenir).
  • Jeux adaptĂ©s :
    • Achtung! Cthulhu (idĂ©al pour le mĂ©lange Seconde Guerre mondiale + occultisme),
    • L’Appel de Cthulhu Seconde Guerre mondiale (ou sa version 1890, en transposant),
    • Savage Worlds: Weird War II,
    • voire un Trauma ou un Simulacres pour une approche plus rĂ©aliste et sombre.

L’avantage du roman : il demande trĂšs peu de travail d’adaptation. C’est une campagne toute faite, dĂ©jĂ  chargĂ©e en tension, en personnages et en dĂ©cors.

Éditions et prolongements

  • 1979 – PremiĂšre Ă©dition chez Jean Goujon, couverture d’Helmut Wenske.
  • 1989 – Réédition aux Nouvelles Éditions Oswald (NĂ©O), collection NĂ©O Plus n°24.
  • 1997 – Réédition chez DenoĂ«l, collection PrĂ©sence du fantastique n°59.

Pour aller plus loin

  • Lire Le Travail du furet Ă  l’intĂ©rieur du poulailler (1974) pour son versant dystopique.
  • Explorer les films de “nazisploitation zombie” : Shock Waves (1977), Dead Snow (2009), Outpost (2008).
  • Penser Ă  transposer l’ambiance dans d’autres contextes : et si, au lieu de 1943, les revenants surgissaient dans une guerre plus contemporaine ?


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Commentaires

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