Quand on parle de jeu de rôle, on pense à des systèmes de règles, des univers foisonnants, des intrigues bien ficelées. Mais il y a un ingrédient souvent sous-estimé : la poésie.
Pas juste pour faire joli, mais pour enrichir la narration, nourrir l’ambiance et créer un vrai moment d’immersion.

La poésie est d’ailleurs présente dans bien des jeux de rôle, parfois sans qu’on y fasse attention. Nephilim en fait un outil de mystère, avec des vers cryptiques qui dissimulent des vérités occultes. L’Appel de Cthulhu joue sur les poèmes de Lovecraft, pleins d’images cauchemardesques et de savoirs interdits.
Chez Tolkien, les chants des Elfes et les récits en vers des peuples de la Terre du Milieu ne sont pas juste là pour embellir le texte : ils racontent, transmettent une mémoire, une culture, un passé.
Prenons un exemple. Imaginez qu’un voyageur elfe, en s’arrêtant dans une auberge, récite ces vers :
Sous la lune d’argent s’endort la mer immense, Là où les voiles s’effacent dans le vent du matin. Que reste-t-il des rois, des citadelles immenses ? Un chant, une brise, un soupir incertain…
Quelques lignes suffisent à créer une atmosphère. Ce n’est pas juste un passage lyrique, c’est un fragment d’histoire, une trace de nostalgie laissée par un peuple en déclin. Peut-être même qu’il s’agit d’un indice pour une quête plus grande. Peut-être qu’un mage déchu en connaît la suite, et que ces quelques vers, répétés à la bonne oreille, ouvriront une porte ou dévoileront un secret oublié.

Dans un jeu comme Rêve de Dragon, la narration a déjà cette musicalité. Les rêves et les récits s’entrelacent, et la poésie devient un élément naturel du jeu. Un joueur peut improviser un quatrain pour ouvrir une porte magique ou prononcer une malédiction en alexandrins. D’ailleurs, si l’on parle de formes, faut-il absolument respecter des règles ? Pas forcément. Les règles de la poésie sont là pour structurer, mais elles peuvent être détournées. Un haïku de trois vers peut suffire à prédire l’avenir. Une balade répétée par des paysans peut annoncer une apocalypse oubliée. L’important, c’est la sonorité, l’image, la rythmique.
D’autres œuvres littéraires ont utilisé la poésie comme un vecteur d’immersion. Dans Le Dit de la Terre plate de Tanith Lee, des vers anciens jalonnent l’histoire, comme des clés symboliques menant à la compréhension d’un mythe oublié. Même chose dans Les chroniques de Thomas l’incrédule de Stephen R. Donaldson, où des incantations poétiques permettent d’accéder à des pouvoirs mystérieux. Dans un jeu de rôle, ces procédés fonctionnent à merveille : le MJ peut donner aux joueurs un vieux grimoire dont les pages sont couvertes de vers hermétiques, et les amener à les interpréter, les compléter ou les déclamer pour en révéler le pouvoir.
En tant que MJ ou joueur, glisser de la poésie dans une partie peut être une expérience fascinante. Un PNJ qui parle uniquement en vers, un parchemin couvert de strophes à décrypter, un barde qui improvise une chanson sur les exploits des personnages… Autant d’idées qui donnent de la couleur à l’aventure. Et pourquoi pas pousser le jeu plus loin ? Accorder un bonus à un joueur qui compose vraiment un poème pour sa scène, décider que certaines répliques magiques ne fonctionnent que si elles sont prononcées avec le bon métrique… La poésie a sa place en JdR, elle est une porte vers d’autres manières de jouer. Il suffit juste d’oser les ouvrir.
Et si, lors de votre prochaine partie, au lieu d’un simple jet de dés, votre personnage devait scander un vers pour convaincre un esprit ancien de lui révéler un passage secret ?
Et tout ça pour dire que l’on devrait retrouver sur scriiipt plus souvent des chroniques de recueil de poésies.
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