Ah, le Cycle de Lyonesse ! Un grand classique de la fantasy que beaucoup connaissent de nom, dont d’autres (moi le premier) repoussent la lecture pendant des années. Mais finalement, quand on saute le pas, difficile de lâcher l’affaire. Après tout, qui peut résister à un monde aussi rempli de magie subtile, de royaumes se chipotant le pouvoir, et de personnages que Jack Vance se délecte à malmener ?
Commençons par le commencement : un premier tome en apparence difficile
Alors voilà, Lyonesse : Le Jardin de Suldrun. Il m’a fallu un certain courage pour m’y plonger. La réputation du cycle avait toujours flotté quelque part dans mon esprit, mais les premières pages, soyons honnêtes, ne sont pas exactement celles qui vous collent au bouquin dès les premiers paragraphes. C’est un peu comme une entrée en matière toute en retenue, où l’on sent bien que Vance veut nous dire : « Prends ton temps, laisse-moi t’amener là où je veux, et surtout, patience, jeune lecteur. » Et il a raison ! Parce que la suite vaut largement le coup de cette patience.
La magie des Isles Anciennes
Passées les premières réticences, Vance ouvre la porte à un univers d’une richesse inégalée : les Isles Anciennes, archipel fictif où la magie, les complots politiques, et les tragédies se mêlent pour créer une ambiance unique. Il est évident que Vance possède une connaissance quasi-encyclopédique des Isles Anciennes et de cette période mythique pré-Arthurienne. On découvre alors Suldrun, une princesse dont l’histoire navigue entre le conte de fée et la tragédie, et on plonge dans une forêt d’intrigues avec des enchanteurs, des rois, des royaumes entiers qui se tiennent au bord du chaos.
En plus, ce qui est merveilleux avec Vance, c’est sa façon d’écrire. Son style est à la fois élégant, drôle et percutant, un peu comme si un conteur médiéval avait décidé de s’essayer à l’ironie. Il adore ses personnages, mais il ne leur passe rien. Ce n’est pas rare de passer d’une description poétique à une situation d’une cruauté… comique ?! Oui, comique. Car sous des airs très sérieux, l’humour et le sarcasme sont bien présents.
Politique et magie : un cocktail explosif
Le deuxième tome, La Perle Verte, est là pour confirmer qu’on ne lit pas n’importe quel récit fantasy. Ici, les royaumes prennent de l’épaisseur, la magie se fait plus pressante, et des personnages comme Dhrun commencent à vraiment se révéler. Le suspense monte, les complots s’intensifient, et les enchantements sont de plus en plus énigmatiques.
Jack Vance semble s’amuser follement en jonglant avec les genres : à un moment, on se croirait dans un roman de chevalerie, et la page suivante, on est en plein récit féérique, avec des créatures étranges et des sorts aussi imprévisibles que les protagonistes eux-mêmes. Ce qui est magique dans Lyonesse, c’est que tout y est subtil, pas de grande bataille épique en mode « boum-boum ! » mais des manigances où la moindre parole, la plus petite intrigue a son poids. Un vrai bonheur pour ceux qui aiment les petites nuances, le tout servi avec un ton savoureux.
Enfin, le grand final – Madouc
Enfin, il y a Madouc, le troisième tome, qui est aussi un brin plus léger. C’est un final où tout s’éclaire et se conclut dans une apothéose un peu décalée. L’histoire s’attarde sur Madouc, une princesse pas comme les autres qui ne fait rien comme on attend d’elle. Vance, en grand maître, en profite pour boucler ses arcs narratifs avec brio, révélant la profondeur de ses personnages et les multiples facettes de son monde magique.
Madouc est aussi l’occasion pour l’auteur de glisser encore un peu plus d’humour et d’espièglerie, et ça se sent : Vance prend un plaisir presque sadique à tordre les attentes de son lecteur. Après avoir traversé tant de péripéties, les personnages semblent enfin trouver un semblant de paix, même si – Vance oblige – cela n’arrive jamais sans une dernière petite pique.
À table ! Cuisine, costumes et mots d’époque
Au détour de chaque page, ce qui frappe chez Vance, c’est ce goût presque exagéré pour les détails culinaires et vestimentaires. Les personnages sont rarement à jeun et toujours bien habillés : les descriptions de leurs plats sont si précises qu’un ouvrage Cuisine Vancienne aurait tout son sens ! Vêtements, mets, textures… les Isles Anciennes, on les goûte, on les observe avec précision et on se perd volontiers dans les usages et codes de cet univers si détaillé. Vance recrée un monde aussi riche que palpable, entre plaisirs de la table et art du costume.
Un mot pour les lecteurs francophones : la traduction est un bijou à elle seule ! Elle rend hommage à l’auteur avec un langage d’époque qui coule naturellement. Des mots rares, anciens, choisis avec soin : le traducteur a bien saisi l’essence des Isles Anciennes et c’est un régal pour l’imagination.
Lyonesse, un monde inspirant pour le jeu de rôle
Pour les rôlistes, le Cycle de Lyonesse est un véritable coffre aux trésors. Il a même eu son propre jeu de rôle, Lyonesse, Aventures dans les Isles Anciennes, sorti en 1999 par Men In Cheese, une société suisse aujourd’hui disparue. Ce jeu invite à explorer cet univers en privilégiant l’aspect féerique et la malice plutôt que les drames de guerre. Chaque session promet des intrigues raffinées, de la magie et du merveilleux.
Mais même sans ce jeu, le monde de Lyonesse continue d’inspirer le genre fantasy, qu’on le veuille ou non ! Pas mal de films – Cœur de Dragon, Le Dragon du Lac de Feu, Maléfique, Labyrinthe, Ladyhawke – semblent s’être abreuvés à cette ambiance : ce monde mystérieux, empli de magie et de royaumes oubliés, ne quitte jamais totalement la fantasy moderne. Ces îles anciennes s’y nichent, quelque part, avec des enchantements subtils et des créatures au bord du rêve.
Pour vous faire une idée du jdr
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En conclusion : une trilogie exigeante, mais inoubliable
Pour finir, si je devais résumer, le Cycle de Lyonesse c’est un peu comme un très bon vin : il faut savoir patienter, savourer chaque gorgée, parfois se demander ce que l’on goûte, mais en ressortir avec une expérience inoubliable et une pointe d’ivresse.
Ces trois romans sont bien plus que des aventures : ce sont des histoires qui explorent des thèmes comme le destin, la liberté, et la futilité des ambitions humaines, mais le tout enveloppé dans une ambiance mystérieuse, raffinée, avec un humour qui rappelle que même le plus cruel des personnages a un peu de ridicule à offrir. Si vous n’avez pas encore lu Lyonesse, prenez un instant pour souffler, puis plongez-y. Le voyage en vaut chaque page.
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