Indus abrasif et désillusions programmées
1996. En plein Ăąge dâor de la scĂšne metal-indus europĂ©enne, Misery Loves Co. sort un EP Ă lâapparence trompeuse : « Happy? ».
Point dâallĂ©gresse ici â le titre est une claque ironique, presque sarcastique, qui plante le dĂ©cor dĂšs la pochette : regard vide, esthĂ©tique clinique, froideur dĂ©sincarnĂ©e. Ce disque ne cherche pas Ă rĂ©conforter. Il triture, cogne, vrille.
LâEP en question

Sorti entre le premier album éponyme (Misery Loves Co., 1995) et Not Like Them (1997), cet EP de sept titres est une charniÚre. Il offre à la fois un aperçu brut de ce que le groupe sait faire, et quelques expérimentations plus sinueuses. On y retrouve notamment :
« Happy? » (version longue) â morne et hargneux, ce morceau-titre est un hymne Ă lâaliĂ©nation moderne, Ă lâhypocrisie du bonheur forcĂ©. La boucle rythmique martĂšle comme une machine dâusine.
« My Mind Still Speaks » (remix) â plus Ă©lectronique, avec des distorsions vocales quasi dĂ©sincarnĂ©es, comme un cri Ă©touffĂ© sous la surface.
« Need Another One » â mĂ©canique, saturĂ©, rĂ©pĂ©titif Ă dessein : une plongĂ©e dans la routine nihiliste.
Le son est dense, rugueux. Les guitares sont Ă©paisses comme du bĂ©ton armĂ©, les samples grincent et rĂ©sonnent dans des couloirs dĂ©shumanisĂ©s. Ce nâest pas du metal pour lever le poing : câest pour plonger dans un coin sombre et se demander si on y est vraiment seul.
Misery Loves Co., architectes de la douleur mécanique
FormĂ© en SuĂšde en 1993, le duo Patrik WirĂ©n (chant) et Ărjan Ărnkloo (guitare, machines) nâa jamais cherchĂ© Ă jouer la carte de la sĂ©duction. Leur musique, câest une confrontation. Ă lâimage dâun Fear Factory ou dâun Godflesh, mais avec une coloration plus glaciale, plus intĂ©rieure. Moins cyber, plus mentale.
Le nom mĂȘme du groupe, Misery Loves Co., est un programme : une communautĂ© dâĂąmes en ruine, rĂ©unies non pour guĂ©rir, mais pour se regarder en face.
Et en JdR, on en fait quoi ?
LâEP Happy? nâest pas quâun objet musical : câest une ambiance prĂȘte Ă ĂȘtre transposĂ©e. Voici quelques usages rĂŽlistes :
Ambiance de jeu
- Univers cyberpunk, post-apo ou dystopique : chaque piste peut servir dâaccompagnement Ă une exploration de zone industrielle, dâinterrogatoire psychologique, ou de dĂ©rive mentale.
- ScĂšnes de solitude ou dâeffondrement : idĂ©al pour accentuer lâimpression que le monde nâa plus dâissue.
Inspiration pour un PNJ ou un scénario
- Un personnage rongĂ© par un passĂ© quâil nâarrive pas Ă formuler : ses pensĂ©es sont une boucle sonore, une distorsion mentale.
- Un complexe industriel abandonnĂ© oĂč les haut-parleurs diffusent en boucle un morceau de lâEP, fragmentĂ©, hantĂ©.
- Une intelligence artificielle dépressive, persuadée que le bonheur humain est une erreur de calcul.
SystĂšmes compatibles
- Cyberpunk RED ou Shadowrun pour le cÎté techno-déglingue.
- Mothership : pour les moments de claustrophobie pure.
- Alien RPG : dans un vaisseau dĂ©sertĂ©, les Ă©chos de âMy Mind Still Speaksâ pourraient devenir un signal fantĂŽme.
- LâAppel de Cthulhu (contemporain ou 90s) : ambiance urbaine poisseuse, enquĂȘte sur des suicides Ă©tranges, toujours avec cette bande-son en arriĂšre-fond.
Bonus : une expérience multimédia
Ă lâĂ©poque de sa sortie, lâEP « Happy? » comportait une partie CD-ROM (pour Windows 95 !), avec des vidĂ©os et infos sur le groupe. Un vestige technologique, mais qui ajoute Ă cette impression dâĂȘtre piĂ©gĂ© dans un systĂšme, Ă moitiĂ© numĂ©rique, Ă moitiĂ© psychotique.