Cher lecteur,
On nous demande parfois comment on cherche nos informations pour scriiipt.
La vérité, c’est qu’on n’a pas vraiment changé nos habitudes depuis… disons très longtemps. Avant le web, avant les moteurs de recherche, on faisait déjà ça : feuilleter des bouquins, consulter les bibliographies, remonter un nom d’auteur, dénicher un article dans une revue poussiéreuse. On appelait pas ça “faire de la recherche documentaire” — pour nous, c’était simplement tirer un fil. On part d’un détail, on le suit, et on voit où il mène.
Avec internet, on a gardé cette méthode. On a juste troqué la salle de lecture pour des onglets de navigateur. Une photo ? Recherche inversée. Un nom propre ? Vérification dans plusieurs langues. Une info ? Croisement entre Wikipédia, archives en ligne et vieux scans introuvables autrement. On suit les liens, on vérifie les notes, on compare les versions, et quand une porte se ferme, on en pousse une autre.

Deux enquêtes récentes résument bien cette façon de faire.
Camille Monfort, la “vampire de l’Amazonie”
Été 2023. On tombe sur une histoire qui circule de blog en blog :
Belém, 1896. Une chanteuse d’opéra française, Camille Monfort (1869-1896), beauté scandaleuse et mystérieuse, promenades nocturnes sous la pleine lune, rumeurs d’amours interdites avec un riche notable, soupçons de vampirisme, séances de spiritisme, mort officielle du choléra… et une tombe qui, dit-on, serait vide.
Le récit est complet, évocateur, presque prêt à servir de scénario de jeu de rôle. Mais aucun lien vers une source historique. On commence donc à tirer le fil : recherche inversée de l’image, vérification des noms cités, des lieux, des dates. Rien dans les archives locales de l’époque, rien dans les registres funéraires, aucune mention dans la presse. Tout est construit à partir d’éléments réels (la ville, le Theatro da Paz, certaines personnalités de l’époque) réassemblés pour fabriquer une légende.
À ce moment-là, on n’a pas encore vu l’article de Dossiers inexpliqués publié fin juillet 2023, qui démonte la fable point par point. Mais notre petite enquête nous mène à la même conclusion : Camille Monfort, telle qu’on la raconte, n’a jamais existé. Une invention récente, habillée d’images anciennes et de détails historiques.
Lucette Desmoulins, de portrait isolé à vedette retrouvée
Là, c’est un hasard qui lance la recherche. On se disait qu’il était temps de refaire le portrait d’une actrice du cinéma muet des années 1920. On tape quelques mots-clés, en français et en anglais : “french actress in the 1920s”. On tombe sur un nom : Lucette Desmoulins, et surtout sur une photo, la plus connue d’elle.
À partir de là, on mène l’enquête. Recherche du nom sur des sites français et anglais, puis tentative d’identification précise des clichés. Une page Facebook anglophone (Framewise Legacy Chronicles) nous apporte des infos supplémentaires. On découvre que plusieurs photos viennent des frères Biederer, photographes réputés de l’époque — et leur histoire à eux aussi mériterait un article.
Les trouvailles s’accumulent : d’autres images, parfois peu présentables pour tout public, des archives dans l’Encyclopédie Multimédia de la Comédie Musicale, et même des numéros de Paris Plaisirs, revue mensuelle des années folles. Au bout d’un moment, on tourne en rond : la biographie de Lucette reste mince, mais on a glané assez de matière pour écrire un article… et pour nourrir d’autres projets très “Années 20”.
Pourquoi on continue
Parfois, comme pour Camille Monfort, on détricote complètement une histoire pour découvrir qu’elle est née d’un collage de faits et d’inventions. Parfois, comme avec Lucette Desmoulins, on reconstitue un morceau de parcours à partir d’une simple image.
Ce qui compte, ce n’est pas seulement d’arriver au bout de l’enquête. C’est le chemin : les liens qui se tissent, les découvertes en marge, les noms qu’on garde pour plus tard. Même quand on “perd son temps”, on prépare déjà la prochaine histoire à raconter.
Et tant qu’il restera des fils à tirer, on ne s’arrêtera pas.
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