Lady Frankenstein, ou comment rater son titre français mais réussir son ambiance

Film gothique italien de 1971, Lady Frankenstein met en scène une scientifique ambitieuse, bien loin du cliché racoleur de son titre français. Atmosphère brumeuse, créature maladroite et savante déterminée : une curiosité bis à redécouvrir, et une formidable inspiration pour vos scénarios horrifiques victoriens.

Il y a des films qu’on regarde par hasard, en pensant qu’ils sont tombés dans l’oubli, et qu’on découvre en réalité bien vivants dans la mémoire de quelques cinéphiles. Lady Frankenstein en fait partie. Ce film italien de 1971, réalisé par Mel Welles (officiellement), avec une participation notable d’Aureliano Luppi, joue dans la cour du gothique européen fauché mais inspiré. Et il mérite qu’on s’y attarde.


Une affaire de famille (et de réanimation)

Dans ce récit aux airs de suite apocryphe des classiques de Mary Shelley, on suit Tania Frankenstein, fille du célèbre baron. Elle revient au château familial pour poursuivre, ou plutôt dépasser, les travaux de son père. Et elle ne tarde pas à mettre les mains dans les viscères, au sens propre : quand le monstre paternel s’échappe et fait des dégâts, elle décide de créer sa propre créature. Mais cette fois, en choisissant elle-même le corps… et le cerveau. Car Tania n’est pas seulement une savante, elle est aussi une femme qui sait ce (et qui) elle veut.


Une Lady, pas une « obsédée »

En France, le film est sorti sous le titre Lady Frankenstein, cette obsédée sexuelle. Un choix de traduction assez grotesque, typique de cette époque où l’on collait des titres racoleurs à tout ce qui sortait de la norme. Le film, pourtant, ne mérite ni cet excès, ni cette réduction. Oui, il y a de la sensualité, quelques plans de nu, une tension érotique dans certaines scènes. Mais ce n’est ni un film érotique, ni un film d’exploitation au sens fort. C’est avant tout une variation sur le mythe de la création artificielle, avec une touche d’ambition féminine peu commune pour l’époque.


Rosalba Neri, au cœur du projet

C’est surtout grâce à Rosalba Neri (créditée ici sous le nom de Sara Bay) que le film tient la route. Présente dans de nombreux films bis italiens, elle apporte ici un mélange de présence froide et d’énergie intense. Tania Frankenstein est à la fois glaçante et passionnée, méthodique et instinctive. Elle reprend le rôle du savant fou, mais avec une motivation nouvelle : créer l’homme idéal, selon ses propres critères. Pas pour le progrès. Pas pour la science. Mais parce qu’elle en a envie.


L’ambiance avant les effets

Tourné avec peu de moyens, le film mise beaucoup sur l’atmosphère : intérieurs sombres, orages de studio, cryptes brumeuses, labos à arcs électriques. On est en territoire connu, mais le charme opère. La créature est grotesque, presque risible parfois, mais ce n’est pas ce qu’on retient. Ce qu’on garde, c’est cette impression de roman gothique filmé à la va-vite mais avec sincérité.


Une redécouverte critique

Longtemps ignoré, Lady Frankenstein bénéficie aujourd’hui d’une sorte de seconde vie. Il est régulièrement cité dans les articles sur le cinéma bis, analysé pour ce qu’il dit (ou tente de dire) sur la place des femmes dans l’imaginaire horrifique. La critique d’Obsession B, celle de la Revue Versus ou encore le test du Blu-ray chez Homepopcorn montrent bien que ce n’est pas qu’une curiosité pour amateurs de raretés. C’est un film qui mérite une vision attentive, sans snobisme, sans moquerie facile.


Et en jeu de rôle ?

Évidemment, un tel film donne envie de l’adapter ou de s’en inspirer. Une Lady Frankenstein pourrait être un PNJ parfait pour un scénario gothique horrifique se déroulant dans la deuxième moitié du XIXe siècle. Que ce soit dans Château Falkenstein, L’Appel de Cthulhu Gaslight, Maléfices (en transposant légèrement), ou même un Simulacres à ambiance Victorienne, elle incarne une figure ambigüe : scientifique visionnaire ou manipulatrice sans scrupule ? Héroïne tragique ou némésis élégante ?

Son laboratoire pourrait devenir un lieu d’enquête, son projet de créature un secret à dévoiler, et ses intentions une source d’alliance instable ou de confrontation directe. On peut aussi imaginer que sa créature est déjà en liberté, semant la panique dans les campagnes, pendant que Lady Frankenstein continue ses expériences dans l’ombre.


En résumé

Non, ce n’est pas un chef-d’œuvre. Mais c’est un film qui a une âme. Et c’est déjà beaucoup. Son existence un peu bancale, son actrice principale magnétique, son ambiance délicieusement gothique et ses maladresses charmantes en font un parfait exemple de ce que le cinéma bis peut offrir de plus honnête : une envie de raconter une histoire, même avec trois bouts de ficelle.

Et franchement, si vos PJ tombent un jour sur une Lady Frankenstein dans une vieille abbaye transformée en laboratoire… ce ne sera pas la rencontre la moins marquante de leur carrière.




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