Télé à la casse : pourquoi les adaptations ciné de séries TV échouent (presque) toujours

Voilà un article encore très très subjectif, parce qu’en l’écrivant je me rend bien compte à quel point je suis très partial, et que finalement ce n’est qu’une opinion tout à fait personnelle, mais vous me direz… Ça faisait un moment que ça me trottait d’écrire un truc sur les adaptations des séries TV au…

Jim Phelps

Voilà un article encore très très subjectif, parce qu’en l’écrivant je me rend bien compte à quel point je suis très partial, et que finalement ce n’est qu’une opinion tout à fait personnelle, mais vous me direz…

Ça faisait un moment que ça me trottait d’écrire un truc sur les adaptations des séries TV au cinéma, tout simplement parce que les adaptations de série TV, ça peut aussi fonctionner pour le Jeu de rôle. Ou plus précisément « ça peut fonctionner comme ça peut foirer lamentablement ».

Revenons à notre question de départ, série tv et adaptation ciné !

On pourrait croire que c’est une tradition sacrée à Hollywood : tous les 5 ans, on exhume une vieille série télé pour en faire un film. Et tous les 5 ans, on obtient un long-métrage bancal, rigolard, voire méprisant envers le matériau d’origine. Pourquoi tant de haine ? Et pourquoi tant d’insistance ?

Spoiler : ce n’est pas juste une question de mauvais goût. C’est une question de logique industrielle, de modèle narratif, et de nostalgie mal digérée.


Trois familles d’adaptations

Avant de distribuer les baffes (ou les lauriers), classons un peu ce grand foutoir. Toutes les adaptations de séries TV ne jouent pas dans la même cour. On peut les regrouper ainsi :

1. Les adaptations animées

Des séries d’animation transposées sur grand écran, parfois en gardant le format animé, parfois en version live action.

Quelques exemples (inutile d’être exhaustif) :

  • The Simpsons Movie (2007)
  • Bob l’Éponge – plusieurs films
  • South Park: Bigger, Longer & Uncut (1999)
  • Scooby-Doo (2002, 2004) – cas particulier : animation → live action
  • Dragon Ball Evolution (2009) – cas particulier : animation → live action + cas d’école du sabotage

Particularité : ces univers sont très codifiés, souvent farfelus. Les transposer implique un choix : garder l’absurde (et assumer), ou tenter un réalisme gênant (et échouer).

2. Les adaptations de séries “live” classiques

Des séries télé avec acteurs en chair et en os, souvent dramatiques ou policières, transformées en films. Souvent orientées action ou comédie.

Exemples :

  • Mission: Impossible
  • 21 Jump Street
  • The A-Team (L’Agence Tous Risques)
  • Starsky & Hutch
  • The Dukes of Hazzard (Shérif, fais-moi peur)
  • CHiPs
  • Bewitched (Ma sorcière Bien-aimée)

Particularité : on passe d’un format sériel souvent procedural (une enquête par épisode) à un film qui cherche l’événementiel. Et le glissement est souvent brutal.

3. Les films de clôture ou de prolongation

Des œuvres qui poursuivent ou concluent une série, parfois avec le même casting, parfois à travers un reboot narratif ou une suite légitime.

Exemples :

  • Serenity (2005)
  • El Camino (2019)
  • The X-Files: Fight the Future (1998)
  • Veronica Mars (2014)

Particularité : ici, le film n’est pas une relecture, mais une continuité, un respect du canon. Ce sont généralement les adaptations les plus sincères — et souvent les moins rentables.

Les méthodes (pas si) secrètes de l’adaptation à la Hollywood

Et c’est là que ça devient savoureux. Car quelle que soit la “famille” de départ, les studios dégainent toujours les mêmes stratégies pour adapter une série télé en film. En voici les plus fréquentes — et les plus fatales.

1. Réécriture totale : casser pour refaire

Changer les personnages clés, inverser les rôles, tordre la dynamique de groupe. Le risque ? Trahir l’esprit de la série, aliéner les fans.

Quelques exemples parmi d’autres :

  • Jim Phelps, héros droit de Mission: Impossible, devient le traître du premier film.
  • Get Smart (Max la Menace), CHiPs, Bewitched (Ma sorcière Bien-aimée)… tournent leur matériau au ridicule.

 2. Ironiser et parodier

Faire semblant d’aimer la série, mais la traiter comme un vestige kitsch. Quand ça marche : si le second degré est assumé et bien dosé (cf. Jump Street). Quand ça échoue : à peu près tout le reste.

Exemples :

  • Starsky & Hutch (2004) = sketch d’une heure trente.
  • 21 Jump Street = méta-parodie en bonne et due forme.
  • Baywatch = boobs et blagues lourdes.

3. Injecter du blockbuster : action, explosion, montage épileptique

On n’adapte pas, on « upgrade ». Même une série contemplative devient un film d’action. Résultat : on perd ce qui faisait le rythme et le charme de la série.

Exemples :

  • Wild Wild West (1999) : western steampunk avec robots géants.
  • The A-Team (2010) : surenchère de cascades.

4. L’adaptation creuse : juste un nom

Parfois, il ne reste rien de la série originale, à part le titre. Tout est neuf, l’univers est méconnaissable, les personnages inexistants ou dénaturés. Ce ne sont pas des adaptations : ce sont des produits dérivés sans mémoire.

Exemples :

  • Dragon Ball Evolution
  • Dark Shadows
  • The Lone Ranger (2013)

Alors, c’est quoi une vraie adaptation réussie ?

Une adaptation, ce n’est pas un recyclage. C’est un dialogue avec l’original. Une forme de fidélité dynamique, où le film :

  • Respecte l’univers de la série.
  • Enrichit ce qui existe déjà, sans redite.
  • Ne méprise pas le public historique.
  • Et, idéalement… fonctionne aussi pour les non-initié·es.

Ce que font Serenity, The Simpsons Movie, les vieux Star Trek, voire El Camino.

Lien avec le jeu de rôle : adapter avec fidélité

Adapter une série télé en campagne de jeu de rôle, ce n’est pas juste « jouer dans le même univers ». C’est habiter pleinement les codes, les enjeux, les silences aussi. Une bonne adaptation rôliste repose sur un principe simple :

Ce qui fait une adaptation fidèle en JdR :

  • Respect de la tonalité (humour, gravité, absurdité, etc.)
  • Cohérence avec les personnages établis (éviter de réécrire leurs traits fondamentaux)
  • Respect du rythme narratif d’origine (épisodes, arcs, climax)
  • Exploration des zones d’ombre (les « hors-champ » de la série)

Quelques formats de campagne respectueuse

1. Campagne interstitielle

Entre deux épisodes. On joue ce qui se passe entre deux saisons, entre deux missions, dans un pan non montré de l’univers.
Exemple : une équipe secondaire dans Firefly, un autre vaisseau Starfleet dans Star Trek, un autre groupe de survivants dans The Walking Dead.

2. Campagne des marges

Ce que la série n’a pas le temps de traiter. On explore les personnages secondaires, les lieux brièvement mentionnés, les conséquences d’événements majeurs sur d’autres lieux ou groupes.
Exemple : jouer des agents du FBI ordinaires pendant les événements de The X-Files, ou les civils pendant une invasion alien.

3. Campagne de post-clôture

Et après ? On imagine la suite directe d’une série arrêtée. Avec la même logique, la même esthétique.
Exemple : la vie de Jesse après Breaking Bad, mais en groupe, ou une saison 2 « jouée » de Watchmen (HBO).

4. Campagne reboot assumé (mais loyal)

Redémarrer une série avec de nouveaux personnages, dans le même univers, et à la même époque. Pas pour tout changer, mais pour raconter une autre facette du monde.
Exemple : jouer d’autres adolescents pendant les événements de Buffy, dans une autre ville hantée. Ou une autre escouade de rebelles dans Battlestar Galactica.

Et si les joueurs connaissent mieux la série que le MJ ?

Tant mieux. Ça devient un garde-fou narratif : ils signaleront naturellement ce qui ne colle pas. On peut aussi leur donner une part de responsabilité narrative, par exemple en leur confiant un PNJ clé chacun, ou en les laissant décrire certains éléments d’univers.

Ce n’est pas du jeu méta : c’est de la co-écriture respectueuse.

Adapter une série télé en jeu de rôle, ce n’est
pas juste poser un décor. C’est faire un choix
fondamental

JDR et adaptation :

jouer dans l’univers… ou avec ?



Commentaires

3 réponses à “Télé à la casse : pourquoi les adaptations ciné de séries TV échouent (presque) toujours”

  1. Avatar de patate des Ténèbres

    Alors déjà, les bides sont très rares pour ce format d’adaptation de séries en films, et là je ne parle pas du côté créatif et respectueux de l’œuvre, mais purement de gros sous, car oui, les producteurs hollywoodiens ne visent que cela, et connaissent leur métier de requin dépourvu d’âme. De fait, la simple curiosité et la nostalgie, appuyés par un gros budget com, font que le genre est rentable avec un « minimum » d’investissement, et tant pis pour les sériphiles.
    En ce qui concerne l’adaptation en jeu de rôle, ma foi, il y a une large proposition déjà existante, la plupart se focalisant sur un genre particulier, et de mon côté, j’ai développé Comme à la Télé pour mon activité de MJ pro, pour découvrir qu’en fait, c’était le truc le fainéant le plus efficace, les clients passant commande d’une série qu’ils aiment et connaissent, se mettant eux-mêmes dans l’ambiance, avec toutes les références, me laissant le soins de les faire rebondir à des éléments-clés du show. Je dirai que c’est la configuration idéale du jeu de rôle, lorsque tout le monde maîtrise l’univers et cherche à s’impliquer pour créer des aventures en commun, collant au plus près de l’ambiance.

  2. Avatar de Justin Busch

    Dragon Ball Evolution mérite vraiment sa propre catégorie. Ce genre de nullité dépasse la simple incompétence.

  3. Avatar de Stephen Sevenair

    Tout cela me semble très juste — en particulier les conseils pour l’adaptation en jeu de rôle.
    Nous avons tous des opinions, bien sûr. Mais ces opinions ne deviennent de véritables pensées qu’après avoir été confrontées à une assemblée délibérative.
    Lorsqu’on joue avec des personnes qui connaissent bien la série, il est d’autant plus pertinent de délibérer en amont. Cela permet d’enrichir l’univers partagé, d’éviter les malentendus, et de construire ensemble une expérience plus cohérente et plus vivante.

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