Sur Scriiipt, on parle de jeu de rôle… et parfois de poésie. Oui, oui, tu as bien lu : de poésie. Parce que le jeu de rôle mène à tout, même aux vers libres et aux chants mystiques. Surtout quand une campagne d’Ars Magica ou de Mage: The Sorcerer Crusade laisse derrière elle un sillage de mots, d’images, d’amours impossibles et de croisades intimes. C’est le cas avec Eugénie Dopagne, autrice et poétesse, qui publie Sur les Chemins de la Fin’Amor, un recueil de poésie aussi inspiré qu’inspirant, directement né de ses personnages de campagne
Un recueil entre amour courtois, croisades intimes et flamboyances mystiques
On connaissait Eugénie Dopagne pour Une pie sur la branche, recueil délicat à la plume fine et affutée. Avec Sur les Chemins de la Fin’Amor, elle pousse plus loin l’expérience poétique, en convoquant une mémoire à la fois littéraire, historique, spirituelle et… rôliste. Oui, rôliste, car les figures d’Ambroise et Chahinaz, qui hantent ces pages, viennent d’univers de jeu : Ars Magica et Mage: The Sorcerer Crusade.


Mais qu’on ne s’y trompe pas : il ne s’agit pas d’un simple prolongement de personnage. Ce recueil est un acte d’écriture fort, enraciné dans les traditions de la Fin’Amor, de la poésie des troubadours, et des grands textes mystiques de l’Orient. C’est aussi une traversée du feu, de la foi, de la chair, où les croisades ne sont pas que des faits historiques, mais des blessures encore ouvertes.

Partie 1 – De la Terre Sainte aux terres de givre
Ambroise, l’épée et la plume
La première section du recueil nous plonge dans une évocation lyrique du monde médiéval à travers la voix d’Ambroise, mage gasconne, poétesse et combattante, prise dans la tourmente des croisades et des querelles d’Église. La poésie y est tour à tour exaltée et douloureuse, chantant l’amour courtois, la grandeur du peuple occitan, mais aussi la dissonance entre foi sincère et pouvoir spirituel corrompu.
C’est une section riche d’érudition, nourrie par les textes de Michel Zink, mais aussi habitée par une émotion brute. Ambroise n’est pas seulement un personnage, c’est une voix. Elle traverse les croisades, la prise de Constantinople, les universités de la Sorbonne, les terres baltes… et crie, pleure, aime, doute. Le tout dans une langue puissante, entre chanson de geste et journal intime.
Partie 2 – Les Bûchers
Colère sacrée et mémoire blessée
Vient ensuite Les Bûchers, deuxième partie du recueil, où la poésie devient cri. Ce sont des poèmes sombres, hantés par les flammes de l’inquisition, les violences faites aux hérétiques, et le silence imposé aux dissidentes. La figure du « Saint Père », le pape, y est convoquée comme une autorité ambiguë, incarnant un pouvoir spirituel devenu instrument d’oppression.
Dans ces pages, Eugénie Dopagne donne toute sa force à une parole de résistance. Chaque vers est un fragment de cendre ou un éclat de feu, un hommage aux voix réduites au silence. Le recueil prend ici une dimension plus tragique, presque politique, mais sans jamais renoncer à la beauté.
Partie 3 – Contes des roses de sable
Chahinaz, la voix soufie
Changement de ton et d’horizon : dans Contes des roses de sable, c’est Chahinaz, poétesse et mystique soufie, qui prend la parole. À travers des contes en prose poétique, Eugénie Dopagne tisse une tapisserie orientale nourrie de Rûmî, Rabia, Attar, de djinns, de roses, de sages errants et de martyres lumineux.
Ces textes se lisent comme des paraboles ou des prières. Ils évoquent l’amour divin, l’effacement du moi dans la contemplation, et la souffrance des guerres – notamment celles qui ont ravagé l’Orient aux XVIe et XVIIe siècles. Les figures féminines y sont puissantes, fines, stratèges ou mystiques, mais toujours lumineuses. On y retrouve l’héritage des Mille et Une Nuits, mais dans une langue contemporaine, subtilement ancrée dans l’Histoire et l’intime.
Partie 4 – Épilogue
Un chant d’adieu doux-amer
L’épilogue, court et méditatif, agit comme un souffle apaisé. Après les flammes, les larmes, les extases mystiques, il reste le verbe, la fidélité à la beauté, et une forme de sérénité. Ces derniers poèmes murmurent ce que le recueil entier proclamait haut : la poésie comme arme, comme refuge, comme talisman contre l’oubli.
Partie 5 – Pamphlets
Farces, détournements et satire poétique
La dernière section du recueil, Pamphlets, prend tout le monde à contre-pied. Elle n’est ni une postface, ni un cri militant, mais une pirouette — ou plutôt une grivoiserie érudite suivie d’un conte détourné. On y trouve une chanson paillarde de vassal gascon, hommage moqueur aux hiérarchies féodales et aux plaisirs bien terrestres, puis une réécriture mordante de Boucle d’or, où les ours ne sont pas ce qu’on croit.
Eugénie Dopagne y joue avec les codes, les mythes, et les clins d’œil modernes, sans rien perdre de sa verve. Une manière de désacraliser en beauté, de rappeler que la Fin’Amor, c’est aussi l’art de rire — même (et surtout) après les flammes.
Un recueil rôliste, incarné et brûlant
Ce qui rend ce recueil unique, c’est aussi sa genèse rôliste, assumée mais transfigurée. Ambroise et Chahinaz ne sont pas que des personnages de campagne. Elles deviennent des archétypes, des alter ego poétiques, des figures mythiques d’un féminin armé de sagesse et de poésie.
Eugénie Dopagne livre ici un texte inspiré, incarné, profondément habité, où l’écriture joue le rôle de miroir, de conjuration, d’offrande. Sur les Chemins de la Fin’Amor est un livre qu’on peut lire comme une chronique de campagne poétique, comme une anthologie médiévale rêvée, ou simplement comme ce qu’il est : un chant puissant et sensible, aux échos multiples.
À lire à voix haute. À glisser dans une main amie. Ou à garder près de soi, pour les jours de doute, quand les mots sont les seuls feux qu’il nous reste.
Où trouver l’ouvrage ?
- Sur Lulu.com : Sur les Chemins de la Fin’Amor
- Sur Amazon : Sur les Chemins de la Fin’Amor
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