Chapeau Melon et Bottes de Cuir : espionnage, absurdité et jeu de rôle potentiel

Quand on évoque les espions britanniques, on pense souvent à James Bond ou au n°6 Le Prisonnier (The Prisoner), ou à d’innombrables clones sérieux et froids des années 60. Mais il y a cette bizarrerie délicieuse, ce cocktail de flegme et de surréalisme : Chapeau Melon et Bottes de Cuir (The Avengers en VO). Une…

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Quand on évoque les espions britanniques, on pense souvent à James Bond ou au n°6 Le Prisonnier (The Prisoner), ou à d’innombrables clones sérieux et froids des années 60. Mais il y a cette bizarrerie délicieuse, ce cocktail de flegme et de surréalisme : Chapeau Melon et Bottes de Cuir (The Avengers en VO).

Une série qui a traversé les décennies avec une élégance désinvolte, jamais vraiment sérieuse, mais toujours stylée. Et si, sans qu’on s’en rende compte, elle avait déjà infiltré nos tables de jeu ?


Un espionnage pas comme les autres

Née en 1961, la série commence dans une ambiance sombre, héritée du polar d’après-guerre. John Steed est déjà là, mais n’est pas encore le dandy flegmatique qu’on associe au chapeau melon et au parapluie qui cache une lame. À ses débuts, The Avengers flirte plutôt avec le médical-police-procédural, grâce au duo formé avec le Dr David Keel.

John Steed et le Dr David Keel

Mais petit à petit, l’excentricité s’installe. Avec l’arrivée de Cathy Gale, puis Emma Peel, Tara King, (puis plus tard Purdey et Mike Gambit), la série adopte un ton résolument absurde, décalé, parfois surréaliste. Des robots tueurs en costume cravate, des clubs secrets de gentlemen psychopathes, des laboratoires secrets camouflés : l’espionnage devient prétexte à une exploration jubilatoire de l’Angleterre pop.

On est quelque part entre James Bond, Alice au pays des merveilles, et un épisode de Monty Python qui aurait viré steampunk.


Espionnes en bottes, mais pas toutes pareilles

Réduire la série à Emma Peel (1965–1968) serait une erreur — certes glamour et charismatique, mais pas seule. Chaque duo, chaque configuration, a offert sa propre variation du thème « agents secrets excentriques ».

  • Cathy Gale (1962–1964) – Femme forte, indépendante, anthropologue et adepte du judo. Une révolution à l’écran pour l’époque.
  • Emma Peel – La modernité pop : brillante scientifique, femme d’affaires et combattante, elle incarne l’équilibre entre charme, intelligence et action.
  • Tara King (1968–1969) – Plus jeune, attachante, mais moins formée, elle apporte un duo plus complice, moins compétitif.
  • Purdey (1976–1977) – Une héroïne des années 70 : sportive, agile, en pleine possession de ses moyens, souvent plus active que ses collègues masculins..

Chaque configuration a permis à la série d’explorer de nouveaux tons, et surtout de refléter l’évolution des rôles féminins à la télévision.

Pourquoi un trio dans la nouvelle série "Chapeau Melon et Bottes de Cuir" ?

Une galerie de personnages très « jouables »

Autour de Steed et ses partenaires gravitent des figures secondaires qui donnent à la série son parfum unique, et son potentiel de JdR :

NomRôle
Dr David KeelMédecin généraliste, associé à Steed dans la saison 1. Plus polar que SF.
Dr Martin KingRemplaçant ponctuel. Profil « civil » mêlé à l’espionnage.
Venus SmithChanteuse embarquée malgré elle dans 6 épisodes. Un PJ parfait !
Carol WilsonSecrétaire du Dr Keel. Accès à l’info, mais civil pur.
Mère-Grand (Mother)Supérieur loufoque, donne ses ordres depuis des lieux improbables.
RhondaGarde du corps silencieuse, redoutable.
Grand-Père (Father)Supérieure austère, mystérieuse.
One-TenPremier chef de Steed, plus classique, parfait pour un ton réaliste.

La guerre froide, mais en tweed

Pas besoin de dire « URSS » pour comprendre que la série baigne dans les tensions de la guerre froide. Agents doubles, laboratoires suspects, savants nazis recyclés… mais toujours avec un twist absurde. Chapeau Melon évite le réalisme pesant à la John le Carré, pour mieux proposer une critique sociale stylisée. Sous l’humour se cachent des thématiques sérieuses :

  • Surveillance et contrôle social.
  • Militarisme et bureaucratie.
  • Féminisme et égalité professionnelle.
  • Satire des classes dominantes et des institutions figées.

Pourquoi on ne l’a jamais adaptée en JdR ?

Peut-être parce que la série est difficile à classer : trop stylisée pour du « real espionnage« , trop sérieuse pour du « full comédie« , trop britannique pour un public global ? Et pourtant…

Il y a là un terrain de jeu fabuleux, si on accepte d’en faire un jeu pop, vintage et absurde, avec un fond politique bien caché sous le tweed.

Le système James Bond 007 (Victory Games, 1983) est une excellente base. Il offre :

  • Un système fluide, axé sur les compétences et l’action.
  • Une gestion élégante des gadgets et de la tension dramatique.
  • Des éléments de style (points de célébrité, notoriété, couverture) parfaits pour l’ambiance.
Télécharger “Arsenal discret pour agents stylés” Armes-de-poing-The-Avengers-1961-1969.pdf – Téléchargé 526 fois – 982,50 Ko

Il suffira de l’adapter pour :

  • Réduire les scènes d’action (peu de fusillades, peu de poursuites).
  • Inclure les rangs des agents amateurs (comme Cathy Gale ou Venus Smith).
  • A la place des points d’Héroïsme introduire (éventuellement) un score de « Style » pour réussir des actions… en étant stylé.

Idées de gameplay et d’adaptations rôlistes

  • Gadgets maison absurdes : parapluies à ressort, micros dissimulés dans des tasses à thé, lunettes à rayon X mais incapables de lire les chiffres.
  • Jeu asymétrique : binôme PJ – PNJ, ou équipe infiltrée dans les sphères bourgeoises.
  • Scénarios typiques :
    • Enquête dans un centre de retraite pour anciens espions reconvertis en comédiens.
    • Une série de meurtres dans un concours de boules britannique.
    • Une secte de scientifiques persuadée que les Beatles envoient des messages codés.

Thèmes et valeurs à explorer en jeu

  • Féminisme & diversité : tous les rôles sont ouverts, les héroïnes brillent autant que les héros.
  • Critique des élites & satire sociale : derrière le thé, les classes dominantes tremblent.
  • Esthétique vintage : un choix narratif à part entière.
  • L’absurde comme arme : l’ennemi est souvent ridicule… mais dangereux.

En résumé : le kitsch est politique

Ce qui fait la force de Chapeau Melon et Bottes de Cuir, ce n’est pas juste les coups de karaté qui assomment ou le parapluie gadget. C’est ce mélange rare d’humour, de critique sociale, et de pure stylisation, qu’on retrouve peu ailleurs.

C’est un univers parfait pour jouer avec les codes : de l’espionnage sans fusillade, des missions sans guerre, du féminisme dans des décors en carton, du politique dans l’absurde. Bref : une perle rétro à transformer enfin en terrain de jeu.



Commentaires

46 réponses à “Chapeau Melon et Bottes de Cuir : espionnage, absurdité et jeu de rôle potentiel”

  1. Avatar de Stephen Sevenair

    J’ai toujours trouvé difficile de maintenir une tonalité absurde sur le long terme en jeu de rôle. Pour une soirée détendue, sans grands enjeux et avec beaucoup d’improvisation, ça fonctionne très bien. Mais pour une campagne entière teintée d’absurde, je n’ai jamais réussi à y trouver un véritable équilibre.

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