Lucette Desmoulins, ou l’élégance disparue

Il est des noms qui disparaissent des mémoires comme s’ils n’avaient jamais vraiment existé. Lucette Desmoulins en fait partie. Et pourtant, dans les années 1920-1930, elle incarne un certain idéal : celui de l’actrice élégante, légère, toujours bien mise, éternelle figurante d’un monde en train de sombrer. Sauf que, comme souvent dans les histoires qui…

Lucette Desmoulins

Il est des noms qui disparaissent des mémoires comme s’ils n’avaient jamais vraiment existé. Lucette Desmoulins en fait partie. Et pourtant, dans les années 1920-1930, elle incarne un certain idéal : celui de l’actrice élégante, légère, toujours bien mise, éternelle figurante d’un monde en train de sombrer.

Sauf que, comme souvent dans les histoires qui sentent la naphtaline et le parfum fané, tout ne colle pas tout à fait.


Une carrière dans l’ombre des projecteurs

Lucette Desmoulins apparaît d’abord au théâtre dès 1927, avec un répertoire plutôt frivole, très en vogue à l’époque : Ma femme !, Flossie, Arsène Lupin banquier, Un soir de réveillon, Phi-Phi… On la retrouve dans les opérettes légères et les comédies musicales, souvent dans des rôles de jeune fille ou de petite main mondaine, jamais vraiment en tête d’affiche mais toujours présente dans les pages des journaux illustrés.

Elle passe au cinéma au début du parlant, en 1930, avec des films comme 77 rue Chalgrin, Un homme heureux, Le Bossu, ou encore L’Habit vert, sorti en 1937. Rien de révolutionnaire, mais un solide portfolio de seconds rôles dans des films commerciaux, souvent drôles, parfois un peu osés.

Elle apparaît aussi dans plusieurs courts-métrages, notamment réalisés par André Hugon, ce qui laisse penser qu’elle faisait partie de ces actrices « utilisées », pratiques, discrètes, qui assurent les transitions mais qu’on ne crédite jamais vraiment comme il faut.


Icône de mode… ou produit publicitaire ?

Lucette Desmoulins, c’est aussi une silhouette. Et c’est sans doute par là qu’elle a marqué son époque. Elle fréquente les concours d’élégance – une institution de la mondanité parisienne d’alors – et pose pour les frères Biederer, photographes célèbres pour leurs clichés érotiques raffinés sous le nom de Studio Ostra. Elle est même, semble-t-il, la seule modèle identifiée avec certitude parmi leurs nombreuses photos.

Bas, jarretelles, lingeries fines, poses étudiées… Lucette devient une icône d’un certain érotisme bourgeois, où le corps féminin est à la fois sublimé et contrôlé par les codes sociaux de la séduction chic. On y lit une liberté nouvelle, bien sûr – celle d’afficher jambes et sourires en public – mais aussi peut-être l’enfermement dans une esthétique figée, au service du regard masculin.


Un nom, plusieurs vies ?

C’est là que ça devient étrange.

On ne sait pas grand-chose de Lucette Desmoulins. Pas même si ce nom est le sien. Pas de date de naissance officielle, pas de trace claire après 1939 (ni avant 1926). Elle aurait vécu un temps sous le nom de Mme Pol Rab, au 46 avenue Niel, puis à Megève. Elle aurait eu une fille, Odette, avec le dessinateur Pol Rab (mort en 1933), et aurait été ensuite la maîtresse de l’avocat Paul Annet Badel.

Puis, plus rien. La guerre arrive, les archives s’effacent, la comédienne disparaît des écrans comme des annuaires. Dernière adresse connue : 29 rue de Chazelles, 17e arrondissement de Paris. Année estimée de naissance : vers 1900. Âge présumé lors de sa disparition : une quarantaine d’années.

Un rideau tombe. Définitivement ? Pas sûr.


[ Sources ? https://fr.wikipedia.org/wiki/Lucette_Desmoulins ]

L’histoire et le mystère étaient tellement intéressants, que l’on n’a pas pu résister… On a fait quelques fiches pour l’Appel de Cthulhu…

lucette desmoulins PJ v5
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Commentaires

8 réponses à “Lucette Desmoulins, ou l’élégance disparue”

  1. Avatar de Justin Busch

    Cette histoire HURLE « L’Appel de Cthulhu » !

    1. Avatar de scriiiptor

      On est bien d’accord 🙂

  2. Avatar de princecranoir

    Un formidable personnage de fiction qui donne envie de creuser… jusque dans la tombe !

    1. Avatar de scriiiptor

      Fiction… Fiction.
      Lucette Desmoulins a bel et bien existé. Mais il y a tellement de vides dans sa biographie que cela en fait un personnage de fiction tout à fait idéal.

  3. Avatar de Stephen Sevenair

    Excellent comme à chaque fois !
    J’aime beaucoup cette rubrique.

  4. Avatar de Anagrys
    Anagrys

    J’avais utilisé une de ces photos pour illustrer un article NylonPur racontant l’Histoire du porte-jarretelles (« les hauts et les bas du porte-jarretelles », que j’ai illustré autant que possible avec des photos d’époque). À cette époque j’étais allé voir sa page Wikipédia, il est vrai que son histoire est troublante. Il m’a semblé à la lecture de l’article qu’il est un peu plus riche que cette page wikipédia, avez-vous trouvé une autre source d’informations ?
    (pour la petite histoire, j’ai consulté mon « Aventure du XXe siècle », elle n’apparaît pas dans l’index… je ne pense pas utile de chercher dans mon Dictionnaire d’Histoire de France, pourtant, ça pourrait être intéressant d’y mettre des artistes plutôt que d’obscurs rois qui n’ont rien fait de leur carrière !)

    1. Avatar de Le collectif scriiipt

      Salut,

      c’est cool, on va avoir l’occasion d’expliquer un peu comment on s’y prend…

      Ici, voilà comment tout a commencé : on se disait que cela faisait trop longtemps qu’on n’avait pas fait le portrait et la bio d’une actrice du cinéma muet des années 20. Et comme souvent, on va commencer notre recherche un peu au hasard, par des mots clés en anglais, du style « french actress in the 1920s » et aussi en français pour faire bonne mesure. On tombe dans les premiers résultats sur un nom : Lucette Desmoulins et une photo, la plus connue :

      A partir de là, on va mener l’enquête, sur les sites français et anglais en cherchant son nom, mais aussi en essayant d’identifier les images. Une page facebook en anglais nous donne des infos supplémentaires (https://www.facebook.com/FramewiseLegacyChronicles).

      Et puis on fini par identifier via des archives photos que ce sont des photographies des frères Biederer (on en causera plus tard, parce que c’est aussi une histoire intéressante).

      On a trouvé donc surtout pas mal de photos, mais toutes ne sont pas SFW pour afficher ici, hélas (mais on trouvera un moyen d’en faire quelque chose). De fil en aiguille, de lien en lien, on trouve quelques infos aussi sur l’Encyclopédie Multimédia de la Comédie Musicale. Et on poursuit notre petite investigation, on retrouve aussi des exemplaires des Paris Plaisirs, une revue mensuelle esthétique et humoristique des années 20 et 30.
      Paris Plaisir n58

      Bref, on a creusé partout où le web a pu garder une trace. Au bout d’un moment quand même on tourne un peu en rond, et il faut bien s’atteler à l’écriture de l’article. Surtout que si on avait pas grand chose à dire sur Lucette Desmoulins, on a quand même glané pas mal de matériau pour d’autres articles très « Années Folles ».

      1. Avatar de Anagrys
        Anagrys

        Je crois que j’essaierai de me souvenir de cette réponse quand je me mettrai (si je me mets…) à écrire sur d’autres personnes que mes « suspects habituels »
        Merci !

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