En voilĂ un hasard, un film de guerre programmĂ© sur Arte un dimanche soir, voilĂ qui ressemble Ă une soirĂ©e TV classique dâil y a 40 ans. Bref, je me souvenais vaguement de ce film vu Ă©tant gamin lors dâune aprĂšs midi pluvieuse⊠Câest donc avec curiositĂ© que jâai voulu revoir ce film. Et grand bien mâen a pris !
Sorti en 1957 et rĂ©alisĂ© par Dick Powell, Torpilles sous l’Atlantique (The Enemy Below) est un film de guerre qui se distingue par son approche nuancĂ©e du conflit naval pendant la Seconde Guerre mondiale. PlutĂŽt qu’un affrontement entre un « gentil » et un « mĂ©chant », il prĂ©sente une confrontation entre deux officiers de valeur, chacun combattant avec honneur pour son pays.

Un duel d’intelligence et de respect
L’histoire suit le capitaine Murrell (Robert Mitchum), commandant d’un destroyer dâescorte amĂ©ricain, le USS Haynes et dâun autre cotĂ© le capitaine von Stolberg (Curd JĂŒrgens), Ă la tĂȘte d’un sous-marin allemand de Type VII.

Contrairement Ă de nombreux films de l’Ă©poque, Torpilles sous l’Atlantique Ă©vite le manichĂ©isme et prĂ©sente un duel entre deux professionnels de la guerre. Murrell, un marin aguerri mais marquĂ© par la perte de sa femme Ă cause du conflit, affronte un Von Stolberg qui n’est pas un nazi fanatique, mais un soldat expĂ©rimentĂ©, respectueux de ses hommes et critique envers le rĂ©gime.

Le film repose sur un jeu du chat et de la souris en haute mer, chaque capitaine tentant d’anticiper les mouvements de l’autre. L’affrontement est autant psychologique que stratĂ©gique, renforçant la tension tout au long du film.
A partir dâici vous risquez un peu dâĂȘtre spoilĂ©s !
Un message pacifiste sous la tension
La grande force du film rĂ©side dans son message sous-jacent : la guerre est l’ennemi vĂ©ritable, et non les hommes qui la mĂšnent. Murrell et Von Stolberg sont des adversaires, mais pas des ennemis animĂ©s par la haine. Leur respect mutuel s’affirme progressivement, culminant dans la scĂšne finale oĂč Murrell sauve les survivants du sous-marin ennemi.

Cette vision humaniste rappelle que, dans bien des cas, les conflits sont le rĂ©sultat de circonstances historiques et politiques plutĂŽt que d’une opposition intrinsĂšque entre le bien et le mal. Torpilles sous l’Atlantique est donc un film qui s’inscrit dans une volontĂ© de rĂ©flexion sur l’absurditĂ© de la guerre, sans jamais tomber dans un excĂšs de bons sentiments.
Inspirations rĂŽlistiques
Transposer cette approche en jeu de rĂŽle peut ĂȘtre un dĂ©fi intĂ©ressant. L’idĂ©e d’un conflit oĂč les adversaires ne sont pas de simples « ennemis Ă Ă©liminer », mais des personnages ayant des motivations complexes, peut enrichir une campagne. Voici quelques pistes d’inspiration selon diffĂ©rents systĂšmes de jeu :
RuneQuest: Aventures dans Glorantha : Dans l’univers de Glorantha, les conflits ne sont pas manichĂ©ens. Une campagne pourrait mettre en scĂšne des PJ impliquĂ©s dans la guerre entre Sartar et l’Empire Lunar, oĂč ils se rendent compte que leurs adversaires sont tout aussi honorables et humains qu’eux. Un scĂ©nario pourrait amener les PJ Ă respecter un ennemi, voire Ă devoir collaborer temporairement avec lui contre une menace plus grande.
Achtung!Cthulhu : Si le jeu est basĂ© sur un affrontement clair contre les nazis et les horreurs du Mythe, il serait intĂ©ressant d’explorer une perspective alternative. On pourrait imaginer un scĂ©nario oĂč des soldats allemands non fanatiques se retrouvent face Ă des SS utilisant des forces occultes qu’ils ne comprennent pas. InspirĂ© des romans de Sven Hassel, un groupe de soldats de la Wehrmacht pourrait chercher Ă Ă©chapper Ă l’influence du Mythe tout en Ă©tant poursuivi par leur propre camp.
Delta Green ou un jeu d’espionnage : Dans un cadre plus contemporain, un scĂ©nario pourrait mettre en scĂšne des agents de factions opposĂ©es contraints de collaborer contre une menace commune. Par exemple, une cellule de la DGSE et du FSB (services secrets français et russes) travaillant ensemble pour contenir une brĂšche occulte.
Duel dans l’espace ou sous la mer : Un scĂ©nario inspirĂ© de Torpilles sous l’Atlantique pourrait ĂȘtre adaptĂ© Ă un cadre de science-fiction ou de steampunk. Un capitaine de vaisseau spatial ou d’un sous-marin steampunk affronte un adversaire honorable dans un duel oĂč l’enjeu n’est pas seulement la victoire, mais aussi la comprĂ©hension et le respect mutuel.
Réflexions de fin
Torpilles sous l’Atlantique est un excellent exemple de film de guerre qui Ă©vite la simplification manichĂ©enne et met en valeur l’humanitĂ© des adversaires. En jeu de rĂŽle, cette idĂ©e peut inspirer des scĂ©narios plus subtils, oĂč les conflits ne se rĂ©solvent pas uniquement par la force, mais aussi par la rĂ©flexion et le respect des adversaires.
Un dĂ©fi stimulant pour un MJ et des joueurs prĂȘts Ă explorer des dilemmes plus complexes que le simple bien contre le mal.
Commentaires
8 rĂ©ponses Ă “Torpilles sous l’Atlantique (The Enemy Below) – Une guerre sans haine”
Ce film m’a marquĂ© Ă jamais, l’ayant vu enfant avec mon pĂšre, je devais avoir 9 ans.
Les propositions sont trĂšs intĂ©ressantes mais jây vois une limite.
Lâennui, câest que lâon ne peut pas forcer les joueurs Ă voir leurs ennemis comme respectable : sâils se mettent Ă les haĂŻr, le MJ nây peut hĂ©las rien. Accumuler des Ă©lĂ©ments « positifs » peut mĂȘme leur donner Ă penser que ces ennemis font semblant, jouent la comĂ©die etc, autant de motifs de les dĂ©tester plus encore.
Il faudrait clairement le dire au début, avant de commencer
Je crois qu’on a causĂ© de dilemme ici dans cet autre article : https://scriiipt.com/2025/02/dilemmes-moraux-jeu-de-role-pourquoi-comment-utiliser/
En fait, faut pas forcer. Faut juste prĂ©senter les choses  »objectivement » si c’est possible. Et parfois les prĂ©senter en fonction des visions des PJs, qui ne sont peut ĂȘtre pas les mĂȘmes que celles du joueur.
Tout ça est trĂšs loin d’ĂȘtre Ă©vident. Mais c’est aussi une question de libre choix. Dans Runequest est ce que forcement parce qu’on joue un sartarite on va attaquer et tuer tous les lunars Ă vue ? Si oui, forcĂ©ment il faudra en affronter les consĂ©quences. Pareil dans les autres jeux.
L’idĂ©e c’est pas d’accumuler des Ă©lĂ©ments  »positifs » exprĂšs, mais juste de laisser les choses comme elle pourraient ĂȘtre dans la vie. Une sentinelle peut Ă la fois ĂȘtre un soldat fanatique et cruel et aussi un pĂšre aimant pour ses enfants. S’il faut, les PJ ne seront tĂ©moins que d’une seule facette et ils agiront en fonction de ce qu’ils savent (ou croient savoir).
Il ne s’agit surtout pas de rendre  »gentil » tous les adversaires potentiels des PJ, mais simplement (quand on peut) de les rendre un peu plus vivants et differenciĂ©s. Ăa peut ajouter un peu plus d’opportunitĂ©s d’intrigues dans le scĂ©nar Ă©ventuellement.
Sur du JdR contemporain, cela peut revenir Ă dĂ©crire au PJ qui ajuste dans sa lunette une sentinelle et la voir tenir dans sa main une photo de famille. Le PJ descendra la sentinelle de toute façon car le groupe de contact approche. Mais la photo rappelle que mĂȘme si câest un ennemi, il a une famille et quâil fait son job par choix ou par obligation. De petit dĂ©tails qui abordent les absurditĂ© de la guerre.
Possible, suivant le jeu et la thĂ©matique abordĂ©e de faire comprendre aux PJ Ă travers ce dĂ©tails, que le vrai ennemi dĂ©criĂ© par la propagande nâest pas forcĂ©ment celui que lâon croit. La finalitĂ© est dâarriver Ă subtilement leur faire comprendre quâils ne servent pas dans le camp du bien. Une fois cela acquis, dans quelle voie les PJ orienteront la campagne ? FidĂ©litĂ© ou trahison.