Violence, vitesse et amazones motorisées
En 1965, alors que le cinéma d’exploitation bat son plein, un certain Russ Meyer, maître incontesté du « sexploitation », dégaine Faster, Pussycat! Kill! Kill!. Une œuvre qui tranche avec ses films précédents en délaissant la nudité au profit d’une explosion de violence, de fureur féminine et d’iconographie rebelle.
Entre nanar de génie et manifeste proto-féministe, ce road movie sous amphètes est une baffe cinématographique qui, aujourd’hui encore, continue d’inspirer des générations de cinéastes, de rockeurs… et de rôlistes. C’est un film qui incarne l’essence même du cinéma d’exploitation des années 60, à la croisée du western, du film noir et du revenge movie.
L’histoire : une virée sans retour
L’intrigue est aussi simple qu’efficace : trois femmes ultra-badass, Varla (Tura Satana), Rosie (Haji) et Billie (Lori Williams), écument les routes du désert californien au volant de bolides rugissants.

Lors d’une course sauvage, elles croisent un jeune couple de naïfs. Quelques secondes suffisent à Varla pour écraser l’homme à mains nues, kidnapper la femme, et prendre la fuite. Leur errance les mène à une ferme isolée où vit un vieil homme paralytique et ses deux fils, dont l’un est une armoire à glace mutique. Il n’en faut pas plus pour que débute une partie d’échecs mortelle, entre manipulation, séduction et castagne.

Mais ce qui fait la force du film, c’est sa manière de déconstruire les attentes du spectateur. Là où un film de l’époque aurait relégué ces femmes au rôle de victimes ou de simples faire-valoir, Meyer les place au centre de l’histoire, leur conférant un pouvoir narratif et physique rarement vu sur les écrans en 1965. Loin des héroïnes fragiles du cinéma classique, elles sont prédatrices, violentes et dominatrices.
Un style unique : noir, brutal et culte
Si Faster, Pussycat! Kill! Kill! a gagné son statut culte, c’est d’abord grâce à son esthétique ultra-stylisée. Tourné en noir et blanc alors que la couleur dominait déjà, le film accentue son aspect brutal et cru. Russ Meyer, habitué aux angles osés et aux montages frénétiques, magnifie ses actrices, leur donnant une aura quasi-mythologique. La composition des plans, le cadrage dynamique et les coupes rapides renforcent cette impression de tension permanente, comme si chaque scène était une explosion imminente.

Et quelles actrices ! Tura Satana incarne une Varla d’une intensité rare, charismatique et terrifiante, dominatrice et sadique. C’est une femme qui n’a pas besoin d’hommes, sauf pour les écraser. Ses répliques assassines sont devenues légendaires :
« I never try anything. I just do it. And I don’t beat clocks, just people! Wanna try me? »1
Le film jongle avec une narration aussi absurde qu’hypnotique, où chaque scène suinte l’adrénaline, la révolte et l’anarchie. Si le sous-texte féministe n’est jamais explicitement revendiqué, l’inversion des rôles traditionnels est flagrante : les femmes sont prédatrices, les hommes sont leurs proies. Meyer ne se contente pas d’exploiter l’image de femmes fortes : il leur donne une puissance narrative rarement accordée dans le cinéma d’exploitation de l’époque.
Impact et héritage

Film de série B devenu légendaire, Faster, Pussycat! Kill! Kill! a influencé toute une contre-culture. De Kill Bill de Tarantino à Death Proof, en passant par Mad Max: Fury Road, on retrouve des échos de Varla et sa bande dans chaque héroïne rebelle du cinéma moderne. Le punk, le gothabilly et le rock garage se sont également réappropriés l’esthétique et l’attitude du film.
En termes d’héritage visuel et narratif, ce film est un précurseur des univers où les femmes ne sont plus reléguées aux rôles de victimes, mais deviennent elles-mêmes des forces de destruction. L’esthétique du film a aussi nourri l’imaginaire des amateurs de cinéma grindhouse et d’univers motorisés anarchiques.
Mais qu’en est-il du jeu de rôle ? C’est là que ça devient intéressant…
Inspirations rôlistiques : mettre le turbo dans vos parties
L’univers de Faster, Pussycat! Kill! Kill! regorge d’éléments transposables en JdR, que ce soit pour du one-shot nerveux ou une campagne déjantée.
Un setting « Grindhouse » et outrancier
Un setting grindhouse repose sur une esthétique et une narration typiques du cinéma d’exploitation des années 60-70. Il met en avant une violence exagérée, des personnages plus grands que nature et un côté volontairement excessif, parfois borderline. Ce type d’univers se nourrit d’exagérations visuelles et narratives, où les stéréotypes sont détournés à l’extrême et où la frontière entre le grotesque et le fascinant est mince. On y retrouve souvent :
- Une absence de tabous : corruption, vengeance, manipulations et affrontements physiques marquent les récits.
- Des antihéros et héroïnes survoltés : gangsters, motards, justiciers déviants ou femmes fatales impitoyables.
- Une esthétique crasseuse et stylisée : villes délabrées, motels miteux, déserts brûlants, néons clignotants et voitures rutilantes.
- Une violence brutale et outrancière : combats exagérés, courses-poursuites surréalistes, répliques cinglantes.
Un setting grindhouse en JdR permet donc de plonger dans des histoires nerveuses, où l’action prime sur la cohérence réaliste, et où l’on peut pousser les codes du pulp à l’extrême.
Des personnages flamboyants et excessifs
- Les PJ peuvent incarner des criminelles en cavale, des justiciers motorisés, ou des forces corrompues dans un monde sans loi.
- Varla pourrait être un archétype de meneuse impitoyable, manipulatrice et sans pitié.
- Des antagonistes grotesques : patriarches décadents, bouseux inquiétants, caïds jaloux.
Des jeux à adapter (plus ou moins)
En jeu de rôle, on peut s’atteler à adapter plus ou moins des jdr « classiques », et d’autres ne demandes aucune ou peu d’adaptation, c’est vraiment au choix :
- C’est parfait pour Monster of the Week, Fiasco ou Dogs in the Vineyard : du western moderne teinté de violence pulp.
- Une approche Mad Max-lite : des gangs de femmes dominantes errant dans une Amérique décadente.
- Plus classique, Bitume retranscrit bien ce monde de gangs motorisés et d’extravagances post-apocalyptiques.
- Pour un ton plus absurde et caricatural, BIMBO de Grégory Privat ou Macho Women With Guns de Greg Porter sont des références incontournables.
- Simulacres et Savage Worlds permettent de créer facilement un cadre pulp et grindhouse sans nécessiter d’adaptation majeure.
- L’Appel de Cthulhu – Années 60 ou 70 pour une approche plus horrifique et paranoïaque, façon thriller sombre inspiré du cinéma d’exploitation.


Une ambiance rétro et stylisée
- Une bande-son rockabilly, surf rock et garage punk pour dynamiser l’ambiance. Quelques groupes et albums parfaits pour accompagner une session :
- The Cramps – Songs the Lord Taught Us : pour une vibe purement rockabilly macabre.
- Dick Dale – Misirlou : des guitares surf ultra-nerveuses.
- Reverend Horton Heat – Liquor in the Front : du psychobilly énergique et enragé.
- The Sonics – Here Are The Sonics : du garage rock sale et agressif, parfait pour accompagner une course-poursuite.
- Los Straitjackets – The Utterly Fantastic and Totally Unbelievable Sound of… : surf rock instrumental puissant.
Le pied au plancher ! Accélérez !
Avec Faster, Pussycat! Kill! Kill!, Russ Meyer a livré un film culte, une ode à la vitesse, à la violence et aux femmes puissantes. En jeu de rôle, il est une source d’inspiration inépuisable pour des parties explosives où les femmes prennent le volant et les hommes encaissent les coups.
Que ce soit pour une session hommage ou juste pour injecter un peu de son ADN dans vos scénarios, ce film est une mine d’or pour qui aime les univers bruts, stylés et férocement décalés.
Alors, attachez vos ceintures et foncez !
- « Je n’essaie jamais rien. Je le fais, c’est tout. Et je ne frappe pas les horloges, juste les gens ! Tu veux tenter ta chance ? » ↩︎
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