Ayé ! On a bien entamé la lecture du Livre Témoin, on va donc pouvoir vous faire la chronique. Mais il ne s’agit que de la lecture, et pas de parties jouées, par ailleurs, volontairement on ne chronique ici que le Livre du Témoin de Cthulhu Origines, il restera à voir Le Livre de L’Archiviste (pour le MJ).
Dans le grand bazar des jeux de rôle lovecraftiens, il y a ceux qui jouent la carte du survival horror pur et dur, ceux qui assument leur côté pulp en distribuant les mitraillettes et les uppercuts, et puis il y a Cthulhu Origines. Avec Le Livre du Témoin, Black Book Éditions nous propose une plongée dans l’horreur cosmique qui essaye de se démarquer, sans tout envoyer valser.

Alors, est-ce que ça fonctionne ? Est-ce qu’on est vraiment face à une nouvelle façon d’aborder Lovecraft en jeu de rôle, ou juste une autre variation sur un thème déjà bien exploité ?


Un système entre tradition et modernité
Cthulhu Origines tourne avec une version modifiée de Chroniques Oubliées Contemporain. Autant dire qu’on est sur du classique et accessible, avec des jets de d20 et des voies de progression bien rangées dans des cases. Jusque-là, rien de bouleversant.
Là où le jeu tente quelque chose d’un peu plus original, c’est avec sa double échelle de santé :

- Une pour les dégâts physiques, qui permet d’encaisser plus que dans L’Appel de Cthulhu (20 points, ça change la vie).
- Une pour la “conscience”, qui remplace la traditionnelle santé mentale et marque la progression vers la révélation du Mythe.

Ce système évite que les personnages meurent trop vite, tout en laissant planer la menace d’une descente progressive vers la folie ou l’impuissance. Ça change du bon vieux test de SAN qui te fait partir en courant à poil dans la nuit après une mauvaise rencontre avec un profond.
Par contre, ça reste un jeu qui se veut “non-pulp” avec des personnages fragiles… alors qu’ils encaissent quand même pas mal les balles et les chocs psychiques. Un choix un peu étrange qui donne une impression hybride, entre volonté de se rapprocher des récits lovecraftiens et nécessité de ne pas frustrer les joueurs avec une trop grande fragilité.
Un jeu d’enquête avant tout

L’autre gros morceau du système, c’est l’importance des interactions sociales et de l’investigation. Pas question ici de chasser du shoggoth à la dynamite, l’essentiel du jeu repose sur :
- L’exploration de lieux étranges et inquiétants.
- La découverte progressive d’indices, qui mène petit à petit vers des révélations cauchemardesques.
- Les relations avec des organisations secrètes ou des cercles ésotériques, qui peuvent être des alliés… ou des ennemis bien planqués.
En clair, on est sur une approche où les personnages vont lentement lever le voile sur une réalité qui les dépasse, plutôt que d’être immédiatement confrontés à des monstres tentaculaires. Le jeu encourage à se méfier de tout, à creuser les apparences et à se laisser piéger par la paranoïa.

C’est une bonne idée, qui colle bien à l’ambiance psychologique et oppressante des nouvelles de Lovecraft. Par contre, ça demande un meneur un chouia à l’aise et des joueurs qui aiment les enquêtes. Si tu cherches un jeu où l’action est omniprésente, ce n’est peut-être pas le meilleur choix.
Un univers qui reste sage
Le cadre de base est la Nouvelle-Angleterre des années 1920, avec tout ce qu’il faut de villes brumeuses, de bourgades rurales inquiétantes et de cultes qui se transmettent de génération en génération. C’est bien fait, mais sans grande surprise si tu as déjà joué à un jeu lovecraftien.

On sent que Cthulhu Origines veut éviter le catalogue de monstres et le côté “chasse aux Grands Anciens”, ce qui est plutôt une bonne chose. L’horreur ici est moins tangible, plus insidieuse. On n’est pas censé voir Cthulhu débarquer en pleine rue d’Arkham, et les créatures du Mythe sont plus suggérées qu’affrontées directement.

Par contre, on reste quand même très ancré dans les années 20, et le jeu ne propose pas d’options évidentes pour explorer d’autres époques ou d’autres régions du monde. C’est un choix assumé, mais qui peut limiter l’intérêt pour ceux qui veulent voir autre chose que l’Amérique rurale en décomposition.

Un mode solo bien pensé
Petit plus intéressant : le livre commence avec un scénario solo jouable sans MJ. Une bonne façon de se mettre dans l’ambiance et d’apprendre les bases avant de se lancer en groupe.

Ce genre de tutoriel narratif manque souvent dans les JdR, et ici, c’est plutôt bien fichu. Ça peut être un bon moyen d’attirer des joueurs qui découvrent l’univers ou qui veulent tester le jeu avant de se lancer dans une vraie campagne.
Verdict : une alternative intéressante, mais pas révolutionnaire
Les bons points :
✅ Un système accessible basé sur Chroniques Oubliées, sans prise de tête.
✅ Une gestion originale des séquelles physiques et mentales, qui favorise la descente progressive dans l’horreur.
✅ Un vrai effort pour éviter le côté “Bestiaire du Mythe”, en misant sur la découverte et le doute.
✅ Un scenar solo qui permet de s’immerger dans l’ambiance sans forcément passer par un groupe.
Les points qui coincent un peu :
❌ Une résistance des personnages un peu étrange : trop solides pour un jeu qui veut éviter le pulp, mais pas assez pour en faire des héros d’action.
❌ Un cadre très classique et limité aux années 20, qui manque d’options pour jouer ailleurs ou à d’autres époques.
❌ Une identité qui ne se démarque pas totalement de L’Appel de Cthulhu, malgré quelques bonnes idées.
Et une remarque un peu entre les deux : A l’instar de Cthulhu Hack ou de bien entendu Chroniques Oubliés Cthulhu, ici si on veut bâtir un scénario en partant de zéro, créer des personnages, etc, c’est très facile, mais il vaut mieux avoir pensé tout ça en prenant en compte les règles spécifiques de Cthulhu Origines. Adapter des scénars existant venant d’autres systèmes demandera une adaptation réfléchie.
En résumé, Cthulhu Origines – Le Livre du Témoin est un jeu qui apporte des touches intéressantes, mais qui reste assez sage dans sa manière d’aborder l’univers de Lovecraft. Si tu cherches une alternative plus accessible à L’Appel de Cthulhu, avec un focus sur l’investigation et l’horreur psychologique, ça peut être un bon choix.
Mais si tu veux quelque chose de totalement novateur, ou qui casse vraiment les codes du JdR lovecraftien, il faudra peut-être chercher ailleurs…
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