Qu’est-ce que le grindhouse ?

Le terme grindhouse provient des cinémas de quartier américains des années 50 aux années 80, spécialisés dans la diffusion de films d’exploitation à bas budget. Ces salles enchaînaient les projections en continu, broyant (« grinding« ) les pellicules et proposant des programmes composés de films violents, sulfureux ou excessifs.

Le cinéma grindhouse

Leur public était souvent composé d’amateurs de sensations fortes, de jeunes rebelles en quête d’interdits et de cinéphiles avides de découvertes hors des circuits classiques.

Le grindhouse n’est pas un genre à proprement parler, mais plutôt une esthétique et une approche de la narration. On y retrouve des films de sexploitation1, de blaxploitation2, des films de motards, des films d’horreur gore, du kung-fu underground, du vigilante movie3 et du revenge flick4, entre autres. Ces productions, souvent mal vues par les critiques de l’époque, ont cependant inspiré de nombreux cinéastes modernes, à commencer par Quentin Tarantino et Robert Rodriguez, mais aussi John Carpenter, Rob Zombie et Eli Roth, qui en ont repris les codes en les adaptant à un public contemporain.

Les films grindhouse sont caractérisés par leur approche brute et sans filtre de la violence, de la sexualité et des thématiques taboues. Ces œuvres jouent avec les attentes du spectateur, les détournant pour proposer des récits à la fois transgressifs et cathartiques. Malgré leurs budgets souvent limités, ces films compensent par une énergie débordante, une mise en scène inventive et des personnages souvent caricaturaux mais mémorables.


Période et histoire

Le grindhouse connaît son apogée entre les années 60 et 80, avec une présence marquante dans des cinémas new-yorkais comme ceux de la 42e rue. Ces salles, souvent mal famées, projetaient en boucle des films exploitant les peurs, les fantasmes et les tabous de l’époque, jouant avec les limites de la censure. Parmi les thématiques récurrentes, on retrouvait la violence urbaine, la corruption, la vengeance, et bien sûr, une forme de provocation assumée envers les normes sociales.

L’essor du grindhouse coïncide avec la montée des mouvements contestataires aux États-Unis et ailleurs. Le rejet des valeurs traditionnelles, l’explosion du féminisme, les revendications des minorités et l’émergence de sous-cultures comme le punk et le heavy metal ont tous contribué à façonner cette mouvance cinématographique. Ces films, souvent réalisés en dehors du circuit hollywoodien, reflètent les angoisses et la rage d’une époque marquée par la guerre du Vietnam, la montée du crime urbain et la méfiance généralisée envers les institutions.

Avec l’apparition de la vidéo domestique et la disparition progressive des salles spécialisées, le phénomène commence à s’effacer dans les années 80. Toutefois, il ne disparaît pas totalement : il évolue. Le direct-to-video des années 90, les films à microbudget diffusés sur Internet et même certaines productions indépendantes actuelles perpétuent l’esprit grindhouse. Le cinéma moderne continue d’en reprendre les codes, que ce soit dans des films ultra-référentiels comme Death Proof ou Planet Terror (2007) ou dans des hommages détournés comme Hobo with a Shotgun (2011). Aujourd’hui, l’esthétique grindhouse inspire autant le cinéma que les jeux vidéo, les bandes dessinées et la musique underground.


Des films marquants

Quelques films emblématiques de l’esthétique grindhouse :

Le cinéma grindhouse

Trois femmes sauvages, dans trois somptueuses voitures, décident de former un gang et se livrent à des pillages meurtriers.

Elles kidnappent et droguent la petite amie d’une de leurs victimes et se cachent dans un ranch isolé appartenant à un vieil homme infirme qui vit avec ses deux fils. Cet homme détient et cache une grosse somme d’argent.

Les trois femmes tentent de séduire les deux fils afin de découvrir où est le butin.

Le cinéma grindhouse

Un groupe de cinq amis se rend dans la campagne texane pour se recueillir sur la tombe d’un grand-père et visiter une ancienne maison familiale.

Ils tombent dans les environs sur ce qui semble être une maison abandonnée, et deviennent la proie d’une famille cannibale meurtrière ensanglantée.

Le cinéma grindhouse

Durant la Seconde Guerre mondiale, l’officier SS Ilsa dirige un camp de concentration et pratique des expériences médicales sur les prisonniers et les prisonnières.

Le personnage d’Ilsa est inspiré par Ilse Koch, épouse du commandant du camp de concentration de Buchenwald où elle s’illustre par sa cruauté vis-à-vis des prisonniers. De plus, Ilse Koch a la réputation d’être nymphomane.

Le cinéma grindhouse

Jennifer, écrivaine new-yorkaise qui a loué un pavillon dans une forêt pour y chercher l’inspiration, est sauvagement battue et violée par quatre hommes, parmi lesquels un handicapé mental manipulé par les trois autres, qui la laissent pour morte.

Le temps de se reconstituer, elle les supprimera patiemment, un à un.

Le cinéma grindhouse

San Antonio, Texas. Charles Rane est un vétéran de l’armée. Considéré comme un héros de guerre par sa ville, il se voit offrir de nombreux cadeaux par la communauté.

Une bande de voleurs y voit l’occasion de s’enrichir et prend d’assaut la maison du commandant. Sa femme et son fils y perdent la vie…

Le cinéma grindhouse

En 1927 dans l’hôtel des Sept Portes en Louisiane, le peintre Zweick séjourne dans la chambre 36 lorsqu’un groupe d’hommes de la région fait irruption. Le soupçonnant de sorcellerie, ils le battent à coups de chaînes, puis l’emmènent à la cave où ils le crucifient à un mur gravé d’un étrange symbole, et enfin le recouvrent de chaux vive.

Au même moment, Emily, une jeune fille du quartier, entre en possession du mystérieux Livre d’Eibon, et découvre que l’hôtel des Sept Portes a été construit sur l’une des sept portes de l’enfer. Le livre prend feu dans ses mains.

Le cinéma grindhouse

En l’an 2000, le chef du Parti Unique Bipartisan, règne en maitre sur l’ensemble des Provinces Unies d’Amérique, après le krach mondial de 1979. Depuis 20 ans, l’événement sportif majeur est la course automobile transcontinentale. Chaque participant marque un maximum de points en écrasant des piétons. Les concurrents les plus sérieux sont « Mitraillette » Joe Vitarbo et surtout Frankenstein, rescapé multi-greffé des courses précédentes. Celui-ci a une nouvelle navigatrice, toutes les autres étant mortes. Des opposants, l’Armée de la Résistance menés par Thomasina Paine se préparent à saboter la course.

Le cinéma grindhouse

Dans les tréfonds de sa réserve, le propriétaire d’une petite boutique de spiritueux découvre une caisse d’un alcool frelaté de marque Viper. Les bouteilles trouvent très vite preneurs, achetés par les marginaux et clochards qui peuplent une casse automobile du quartier et l’un d’eux est Bronson un sans abri malade mental qui est anciennement un soldat contre les vietcongs.

Ses effets sont dévastateurs, le breuvage d’origine inconnue détruisant de l’intérieur ceux qui l’ingurgitent.

Le cinéma grindhouse

Le psychopathe Frank Zito sème la mort à New York en scalpant ses victimes pour recréer sa mère abusive, Carmen, décédée plusieurs années auparavant.

Son périple commence sur une plage où il assassine un jeune couple, puis scalpe la jeune femme. Il en orne ensuite la tête d’un mannequin disposé dans sa chambre, pièce encombrée d’un fatras de jouets et d’œuvres d’art morbides. Il renouvelle ce cérémonial en s’en prenant à un couple sortant d’une boîte de nuit, puis à une infirmière. Pourtant, un jour, Frank rencontre Anna, une jeune et belle photographe avec laquelle il s’entend bien…


Le grindhouse en jeu de rôle

Le style grindhouse s’adapte particulièrement bien aux jeux de rôle qui préfèrent une approche excessive, nerveuse et stylisée. Ces jeux couvrent une large palette du grindhouse : du revenge movie aux courses-poursuites en passant par l’horreur crade et l’action urbaine. Que ce soit pour un one-shot violent ou une campagne hommage aux films d’exploitation, voici quelques jeux qui permettent d’explorer cette esthétique :

Horreur et exploitation

  • All Flesh Must Be Eaten – Un jeu de zombies où les personnages luttent pour survivre dans des mondes post-apocalyptiques variés, avec des règles flexibles qui permettent de créer n’importe quel type de film de morts-vivants, du survival brutal au gorefest décomplexé.
  • Z-Corps – Un JdR de zombies où les personnages jouent soit des survivants, soit des membres des Z-Corps, une organisation paramilitaire qui tente de contrôler l’épidémie… tout en cachant des vérités sombres. Parfait pour un thriller horrifique façon 28 jours plus tard croisé avec Resident Evil.
  • Chill – Un jeu d’horreur classique où les joueurs incarnent des enquêteurs du surnaturel, confrontés à des monstres et phénomènes paranormaux. Moins grindhouse, mais adaptable pour des parties à la X-Files avec une touche de film d’exploitation.
  • Dés de Sang – Un jeu de rôles minimaliste et ultra-violent conçu pour émuler les films d’horreur les plus gore et désespérés. Idéal pour des sessions one-shot où personne ne ressort indemne.

Action décomplexée et pulp crasseux

  • Dirty System – Un système de jeu générique conçu pour des univers sombres et réalistes, parfait pour du polar, du western crépusculaire ou du cinéma grindhouse. Il permet de créer des scénarios violents et stylisés avec un bon équilibre entre narration et simulation.
  • Don’t Rest Your Head – Un jeu narratif où les personnages, insomniaques au bord de la folie, découvrent une réalité cauchemardesque cachée derrière la nôtre. Son ambiance oppressante en fait un bon candidat pour un grindhouse psychédélique et hallucinatoire.
  • Friday Night’s Zombi – Un jeu où l’on incarne des lycéens pris dans une invasion zombie, à mi-chemin entre The Faculty et Evil Dead 2. Un pur hommage aux slashers et aux films d’horreur teenagers.

Cinéma d’exploitation & urban mayhem

  • High School of the Damned – Un jeu mélangeant horreur et teen-movie avec un ton volontairement exagéré, parfait pour recréer un grindhouse façon Battle Royale ou Class of 1984.
  • Horror – Un jeu de rôle basé sur les films d’horreur et les classiques du cinéma d’exploitation. Très modulable pour faire du giallo, du slasher, ou du revenge movie à la Ms. 45.
  • In Nomine Satanis / Magna Veritas – Un jeu mythique où anges et démons se livrent une guerre secrète sur Terre, avec une bonne dose de cynisme et de trash. Idéal pour des campagnes grindhouse satiriques et blasphématoires.
  • Luchadores – Un jeu où des catcheurs masqués mexicains affrontent des créatures surnaturelles et des vilains dignes des films grindhouse mexicains des années 60-70. Un pur concentré de fun pulp et de combats spectaculaires.
  • Notre Tombeau – Un JdR d’horreur psychologique où les personnages sont enfermés dans un cauchemar urbain digne d’un film de torture à la Saw ou Hostel.
  • Sombre – Un jeu conçu pour des expériences d’horreur brutales et sans pitié, où les personnages sont voués à mourir de façon cinématographique. Parfait pour des one-shots slasher ou gore.

Grindhouse & road movie

  • Spirit of 77 – Un jeu qui encapsule toute l’énergie du cinéma exploitation des années 70, où l’on joue des héros caricaturaux dans un monde de courses-poursuites, de flics corrompus et de rock psychédélique.
  • Cartel – Un jeu narratif intense sur le monde des cartels de la drogue mexicains, avec une ambiance sale et désespérée. Parfait pour du grindhouse à la El Mariachi ou Sicario.
  • Hot War – Un jeu de conspirations et d’horreur dystopique situé dans un Londres post-apocalyptique, parfait pour des scénarios paranoïaques façon New York 1997 ou Scanners.
  • Unknown Armies – Un jeu occulte et moderne qui peut très bien s’adapter à des récits grindhouse tordus, pleins de violence absurde et de mysticisme malsain.

Le grindhouse en JdR permet d’explorer un univers où le style prime sur la cohérence, où les personnages sont plus grands que nature et où la violence, l’absurde et l’excès sont rois. C’est un terrain parfait pour des histoires à la croisée du film de vengeance, du road movie et du vigilante movie.


  1. Le terme sexploitation ou sex-exploitation décrit un genre de films à petit budget de production indépendante, associé aux années 1960 et servant largement à véhiculer l’exhibition de situations sexuelles non explicites et/ou de nudité gratuite. Il est souvent admis que ce terme désigne un sous-genre du film d’exploitation. Les films de sexploitation étaient généralement projetés dans des cinémas de films d’exploitation, les précurseurs des cinémas des années 1970 et 1980 qui proposèrent un contenu pornographique. Les nudies (films mettant en scène des corps nus dans le but d’exciter le voyeurisme du spectateur) sont associés à la catégorie sexploitation. ↩︎
  2. La blaxploitation — ou blacksploitation — est un courant culturel et social propre au cinéma américain des années 1970 qui a revalorisé l’image des Afro-Américains en les présentant dans des rôles dignes et de premier plan et non plus seulement dans des rôles secondaires et de faire-valoir. Le mot est la contraction, sous forme de mot-valise, des mots « black » (noir) et « exploitation ». On parle parfois de blaxplotation, autre contraction issue de « black » et de « plot » (le sujet d’un film). ↩︎
  3. Le film d’auto-défense ou vigilante movie est un genre de film dans lequel le protagoniste pratique l’auto-justice. Les films d’autodéfense sont généralement des films de vengeance dans lesquels le système judiciaire fait défaut aux protagonistes, ce qui les amène à devenir des justiciers. ↩︎
  4. Le revenge flick (ou film de vengeance) est un sous-genre cinématographique dans lequel l’intrigue tourne autour d’un personnage cherchant à se venger d’une injustice subie, souvent avec une escalade de violence. Ces films mettent en scène un protagoniste qui, après avoir été victime d’une trahison, d’un crime ou d’une agression, décide de rendre justice lui-même, en dehors des institutions officielles. ↩︎
  5. Le rape and revenge (« viol et vengeance » en français) est un sous-genre cinématographique, qui peut être affilié au cinéma d’exploitation, au cinéma d’horreur, au thriller ou au cinéma pornographique. Le scénario repose sur un ou plusieurs viols, suivis de la vengeance de la victime ou de ses proches. Il s’inscrit donc dans le genre du film d’auto-défense (ou vigilante movie). Le rape and revenge – surtout quand il s’apparente au cinéma d’horreur – est probablement l’un des genres les plus controversés, accusé de voyeurisme et de complaisance par ses détracteurs. ↩︎

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