Michael John Moorcock (né le 18 décembre 1939 à Londres) : romancier, nouvelliste, éditeur, musicien. Directeur de New Worlds dans les années 1960, moteur de la New Wave britannique, auteur d’Elric de Melniboné, Jerry Cornelius, Hawkmoon, Corum, Von Bek, Erekosë… et de romans « hors‑genre » comme Mother London.
Repères biographiques
Michael John Moorcock naît le 18 décembre 1939 à Mitcham, dans le sud de Londres. Admirateur de longue date d’Edgar Rice Burroughs, il devient en 1957, à l’âge de dix‑huit ans, rédacteur en chef de la revue Tarzan Adventures, qu’il dirige jusqu’en 1958. Cette première expérience professionnelle l’ancre dans le milieu des pulps et de l’édition populaire.



En mai 1964, il accède à la direction de la revue New Worlds, qu’il animera de 1964 à 1968, avec des retours en 1969 et une relance au milieu des années 1970. Sous son impulsion, le magazine devient le principal foyer de la New Wave britannique, accueillant des auteurs comme J.G. Ballard, Brian Aldiss, Norman Spinrad ou Thomas M. Disch, et encourageant une science‑fiction expérimentale et littéraire.


HawkwindEn parallèle de son activité d’écrivain et d’éditeur, Moorcock participe à la scène musicale. Il écrit pour et se produit avec Hawkwind, collabore avec Robert Calvert et le groupe Spirits Burning, et contribue à des morceaux de Blue Öyster Cult. Il enregistre également avec son propre groupe, The Deep Fix (The New World’s Fair, 1975).




À partir du début des années 1970, il met en place son concept du Multivers, où le Champion éternel apparaît sous différentes incarnations — Elric de Melniboné, Hawkmoon, Corum, Erekosë, Von Bek —, pris dans la lutte entre Loi, Chaos et Équilibre. Ce canevas devient le socle de la plupart de ses cycles majeurs.



Dans les annĂ©es 1980, Michael Moorcock Ă©largit son champ en littĂ©rature gĂ©nĂ©rale avec Mother London (1988), un roman polyphonique sur la mĂ©moire et l’histoire de Londres, finaliste du Booker Prize. Parallèlement, il compose la Quatrologie de Pyat (ou Pyat Quartet) — Byzantium Endures (1981), The Laughter of Carthage (1984), Jerusalem Commands (1992) et The Vengeance of Rome (2006). Ce cycle historique met en scène Maxim Arturovitch Pyatnitski, un narrateur antisĂ©mite et peu fiable, incarnant une vision critique, presque virulente, du siècle passĂ©.
Depuis les années 2010, Moorcock supervise des éditions révisées et définitives de ses œuvres chez Gollancz, regroupées dans The Michael Moorcock Collection. Il poursuit aussi de nouvelles explorations : The Whispering Swarm (2015) et The Woods of Arcady (2023) composent deux volets d’un triptyque métatextuel, tandis que The Citadel of Forgotten Myths (2022) prolonge les aventures d’Elric.
Thèmes & manières
Le cœur de l’univers de Michael Moorcock est le Multivers, une architecture fictionnelle où des incarnations du Champion éternel — Elric, Hawkmoon, Corum, Erekosë, Von Bek — se réincarnent pour affronter des forces supérieures. Ces récits reposent sur une opposition récurrente entre la Loi et le Chaos, avec l’idée d’un équilibre fragile que chaque aventure vient mettre à l’épreuve. Les cycles ne fonctionnent pas isolément : ils se répondent, se croisent parfois, et rejouent des thèmes communs selon des variations.

Au‑delà de la mythologie personnelle, Moorcock revendique une écriture engagée et critique. Ses romans s’attaquent régulièrement aux nostalgies impériales et aux visions réactionnaires de l’histoire. Il a formulé ces positions dans son pamphlet Epic Pooh (1978), où il dénonçait la tendance d’une partie de la fantasy à reconduire des idéaux conservateurs. Dans ses cycles comme dans ses textes réalistes, on retrouve son attachement à Londres, ville qui devient le théâtre de mémoires brisées et de récits fragmentés (Mother London en est l’exemple le plus marquant).
Sur le plan stylistique, Moorcock alterne les formes. Il écrit des romans‑feuilletons, pratique le fix‑up (assemblage de nouvelles en cycles romanesques), reprend les codes des pulps qu’il admire (notamment Edgar Rice Burroughs), et n’hésite pas à recourir au pastiche. Certains de ses récits, comme la série de Jerry Cornelius, jouent sur le collage et l’expérimentation narrative, dans l’esprit de la New Wave qu’il a défendue comme directeur de New Worlds. D’autres cycles, comme ceux d’Elric ou de Corum, privilégient une narration plus classique mais nourrie de symboles et de résonances mythiques.
Pour les lectrices & lecteurs rĂ´listes
Plusieurs jeux de rôle officiels existent pour explorer l’œuvre de Moorcock. Stormbringer (Chaosium, à partir de 1981), révisé en Elric! (1993) puis en 5e édition (2001), adapte les Jeunes Royaumes au système Basic Role‑Playing. Hawkmoon (Chaosium, 1986) transpose l’Europe du Tragique Millénaire. Un supplément Corum a paru en 2001 chez Darcsyde Productions, sous licence Chaosium, pour jouer dans « le monde des cinq plans » avec Stormbringer 5e. En France, Mournblade (2012, Le Département des Sombres Projets) propose une autre adaptation officielle des Jeunes Royaumes.
Cela dit, rien n’oblige à utiliser ces lignes officielles : elles couvrent certaines facettes du Multivers mais laissent d’autres zones en friche. On peut donc privilégier des approches alternatives selon l’interprétation souhaitée. Le cycle d’Elric de Melniboné, traduit chez Pocket puis L’Atalante (par ex. Elric le Nécromancien, La Forteresse de la Perle), offre une sword & sorcery tragique — parfaite pour BRP ou Savage Worlds. L’Hawkmoon du Joyau dans le crâne (Presses Pocket puis L’Atalante) déploie une Europe techno‑baroque dominée par la Granbretanne, cadre idéal pour SWADE. Avec Corum (Le Chevalier des Épées, La Reine des Épées, Le Roi des Épées…), le parcours mythique et « à étages » se prête à des scénarios où chaque plan franchi marque une séquence.
Côté contre‑culture et expérimentation, la série Jerry Cornelius — traduite en France (Opta/J’ai Lu) puis en omnibus par L’Atalante (Le Programme final, À bas le cancer !, L’Assassin anglais, Vous aimez la muzak ?, 2000) — convie à un Londres psychédélique et entropique. On y puise sans peine la matière d’un Cthulhu Now seventies ou d’un OpenD6 orienté collage. Enfin, des romans plus réalistes comme Mother London (J’ai Lu) ou King of the City (L’Atalante, 2003) inspirent des enquêtes urbaines où mémoire, trauma et hallucinations se mêlent, pour un Londres contemporain poreux au fantastique.
Bibliographie (aussi complète que possible)
Attention à l’édition : Moorcock révise, retitre et réordonne fréquemment ses textes. Les dates ci‑dessous sont les éditions originales (ou fix‑ups) ; les principales intégrales/omnibus sont indiquées.
1) Le Champion éternel : cycles et romans liés
Elric de Melniboné
- The Stealer of Souls (1963) — recueil/fix‑up
- Stormbringer (1965; rév. 1977)
- Elric of Melniboné (1972)
- The Sleeping Sorceress (The Vanishing Tower) (1971/1977)
- Sailor on the Seas of Fate (1976)
- The Weird of the White Wolf (1977) — recueil
- The Bane of the Black Sword (1977) — recueil
- Elric at the End of Time (1984) — recueil
- The Fortress of the Pearl (1989)
- The Revenge of the Rose (1991)
- Trilogie « Daughter/Tree/Son » : The Dreamthief’s Daughter (2001) • The Skrayling Tree (2003) • The White Wolf’s Son (2005)
- Elric: The Making of a Sorcerer (BD, 2006, Walter Simonson)
- The Citadel of Forgotten Myths (2022)
- Principales intégrales : The Elric Saga Part I–II (1984, SFBC) ; Elric (Millennium, 1993) ; Del Rey “Chronicles of the Last Emperor of Melniboné” (2008‑2009) ; Gollancz – The Michael Moorcock Collection (2013‑2015, éd. John Davey).
Corum (le Prince pourfendu)
- Trilogie des Épées : The Knight of the Swords (1971) • The Queen of the Swords (1971) • The King of the Swords (1971)
- Trilogie de la Main d’Argent : The Bull and the Spear (1973) • The Oak and the Ram (1973) • The Sword and the Stallion (1974)
Hawkmoon (le Porte‑Rune)
- The History of the Runestaff : The Jewel in the Skull (1967) • The Mad God’s Amulet (1968) • The Sword of the Dawn (1968) • The Runestaff (1969)
- Trilogie du Comte Brass : Count Brass (1973) • The Champion of Garathorm (1973) • The Quest for Tanelorn (1975)
Erekosë (John Daker)
- The Eternal Champion (1970)
- Phoenix in Obsidian (The Silver Warriors) (1970)
- The Dragon in the Sword (1986)
- (Connexes / BD) The Swords of Heaven, the Flowers of Hell (avec Howard Chaykin, 1979)
Von Bek
- The War Hound and the World’s Pain (1981)
- The City in the Autumn Stars (1986)
- (Connexions multiples avec Elric dans la trilogie 2001‑2005)
Dancers at the End of Time
- An Alien Heat (1972) • The Hollow Lands (1974) • The End of All Songs (1976)
- Textes associés : Legends from the End of Time (1976, coll.) ; The Transformation of Miss Mavis Ming (A Messiah at the End of Time) (1977) ; Tales from the End of Time (1989, coll.)
A Nomad of the Time Streams (Oswald Bastable)
- The Warlord of the Air (1971) • The Land Leviathan (1974) • The Steel Tsar (1981; version révisée ultérieure)
Jerry Cornelius & entropie pop
- The Final Programme (1968)
- A Cure for Cancer (1971)
- The English Assassin (1972)
- The Condition of Muzak (1977)
- Autour du Quartet : The Lives and Times of Jerry Cornelius (1976; nouv. rév. 1987) ; The Adventures of Una Persson and Catherine Cornelius in the Twentieth Century (1976) ; The Entropy Tango (1981) ; Firing the Cathedral (2002) ; Modem Times 2.0 (2011) ; Pegging the President (2018).
The Second Ether
- Blood: A Southern Fantasy (1994/1995)
- Fabulous Harbours (1995, récits liés ; incl. The Birds of the Moon)
- The War Amongst the Angels (1996)
2) Romans & fictions hors cycles majeurs
- The Golden Barge (écrit 1958, publ. 1979)
- Multivers SF (années 1960) : The Sundered Worlds / The Blood Red Game (1965) ; The Fireclown / The Winds of Limbo (1965) ; The Shores of Death / The Twilight Man (1966) ; The Wrecks of Time / The Rituals of Infinity (1967) ; The Ice Schooner (1969) ; The Black Corridor (1969) ; The Distant Suns (1975)
- Glogauer : Behold the Man (1969, roman à partir de la novella 1966) ; Breakfast in the Ruins (1972)
- Londres & réalités : The Brothel in Rosenstrasse (1982) ; Mother London (1988) ; King of the City (2000)
- Sanctuary of the White Friars : The Whispering Swarm (2015) ; The Woods of Arcady (2023)
- Divers : The Chinese Agent (1970) ; The Russian Intelligence (1980) ; Silverheart (avec Storm Constantine, 2000) ; Doctor Who: The Coming of the Terraphiles (2010)
3) Recueils & intégrales (sélection utile)
- The Deep Fix (1966) ; The Time Dweller (1969)
- Moorcock’s Book of Martyrs / Dying for Tomorrow (1976/1978)
- London Bone (2001)
- Jerry Cornelius : The Cornelius Quartet (omnibus, diff. versions) ; The New Nature of the Catastrophe (omnibus nouvelles, 1993)
- Elric : cycles et intégrales Del Rey (2008‑2009) ; Gollancz – The Michael Moorcock Collection (2013‑2015) — voir aussi Elric: The Moonbeam Roads (2014).
4) Essais & non‑fiction
- The Retreat from Liberty (1983)
- Wizardry and Wild Romance: A Study of Epic Fantasy (1987 ; rév. 2004) — inclut le pamphlet Epic Pooh (1978)
- Letters from Hollywood (1986)
- Into the Media Web: Selected Non‑Fiction 1956‑2006 (2010)
- London Peculiar and Other Nonfiction (2012)
5) Bandes dessinées et romans graphiques (sélection)
- Elric: The Return to Melniboné (1973, avec Philippe Druillet)
- Elric: The Jade Man’s Eyes (1973, avec James Cawthorn)
- Elric: The Making of a Sorcerer (2006/2007, Walter Simonson)
- Michael Moorcock’s Multiverse (séries 1996‑1998 ; GN 1999)
6) Musique (aperçu)
- Paroles/participations : Hawkwind, Blue Öyster Cult, Robert Calvert, Spirits Burning ; projet Michael Moorcock & The Deep Fix (The New World’s Fair, etc.).
Ă€ lire en premier ? (pistes rapides)
Pour qui souhaite aborder Moorcock sans se perdre dans l’ampleur de son œuvre, quelques portes d’entrée se détachent. Du côté de la fantasy, le cycle d’Elric reste le passage obligé : commencer par Elric de Melniboné (L’Atalante) permet de rencontrer le sorcier albinos dans toute sa complexité, avant de plonger dans la conclusion tragique de Stormbringer. Pour une ambiance différente, Le Joyau dans le crâne ouvre le cycle de Hawkmoon et déploie un imaginaire baroque et post‑apocalyptique qui a séduit de nombreux lecteurs francophones.
Celles et ceux qui préfèrent une tonalité plus mythologique peuvent se tourner vers Le Chevalier des Épées, premier volume de Corum, où la quête héroïque prend une dimension métaphysique singulière. Si l’on veut saisir l’esprit de la contre‑culture londonienne, Le Programme final — premier roman de Jerry Cornelius, traduit chez Opta puis J’ai Lu — propose une plongée dans un Londres psychédélique, chaotique et ironique. Enfin, pour découvrir la face la plus réaliste et ambitieuse de Moorcock, Mother London (J’ai Lu) demeure un roman essentiel, dense et polyphonique, qui témoigne de son art au‑delà des codes de la fantasy.
Ressources / Éditions utiles
- Gollancz : The Michael Moorcock Collection (révisions et textes établis par John Davey).
- Intégrales Del Rey (2008‑2009) pour un Elric en « ordre de lecture ».
- Omnibus Corum / Hawkmoon / Bastable régulièrement disponibles en poche UK.
N’hésitez pas à proposer des ajouts ou corrections pour la bibliographie (les éditions et retitres sont fourbes).