Dead Can Dance

Dead Can Dance, duo culte formĂ© par Lisa Gerrard et Brendan Perry, traverse les dĂ©cennies avec une musique intemporelle mĂȘlant rituels, traditions et voix hors du temps. Incontournable pour nourrir l’imaginaire rĂŽliste, leurs morceaux, connus ou plus secrets, ouvrent des mondes entiers Ă  explorer, loin du simple fond sonore.

Dead Can Dance, c’est l’archĂ©ologie de l’émotion mise en musique. Une voix qui parle une langue inconnue mais familiĂšre, des percussions qui sentent la poussiĂšre du monde, des cordes et des vents qui rĂ©sonnent comme dans une nef.


Le groupe est né à Melbourne en 1981, avant de partir trÚs vite pour Londres et de signer chez 4AD.

Leur discographie court des annĂ©es 1980 Ă  aujourd’hui, avec une pause Ă  la fin des annĂ©es 1990 et des retours marquants en 2012 (Anastasis) et 2018 (Dionysus).

Sur scriiipt, nous les avions parfois citĂ©s en passant, dans des articles anciens. Mais jamais nous n’avions pris le temps de revenir en profondeur sur ce duo. Pourtant, Dead Can Dance est incontournable. MĂȘme si certains morceaux — The Host of Seraphim en tĂȘte — sont presque devenus trop connus, trop utilisĂ©s, ce n’est pas une raison pour les laisser de cĂŽtĂ©.

Il suffit de les Ă©couter autrement, de les utiliser comme source d’inspiration au moment de crĂ©er plutĂŽt qu’en simple fond sonore de partie. Et puis il reste tant de titres moins cĂ©lĂšbres, capables de surprendre et de marquer tout autant.


DerriĂšre Dead Can Dance, il y a Lisa Gerrard et Brendan Perry. AprĂšs leurs dĂ©buts en Australie, ils s’installent Ă  Londres en 1982, oĂč ils rejoignent le label 4AD.

Leur premier album sort en 1984, suivi de Spleen and Ideal (1985), Within the Realm of a Dying Sun (1987), The Serpent’s Egg (1988), Aion (1990), Into the Labyrinth (1993) et Spiritchaser (1996). Aprùs une longue pause, ils reviennent avec Anastasis en 2012 et Dionysus en 2018.

Chaque disque est une Ă©tape, une transformation, mais toujours avec cette mĂȘme empreinte : une musique intemporelle, difficile Ă  classer, qui brouille les frontiĂšres entre Orient et Occident, ancien et moderne, sacrĂ© et profane.


L’historien Ian McFarlane rĂ©sume cette alchimie en parlant de « paysages sonores de grandeur fascinante et de beautĂ© solennelle ; polyrythmies africaines, folk gaĂ©lique, chant grĂ©gorien, musiques du Moyen-Orient, mantras, et art rock ».

Au dĂ©part rattachĂ©s Ă  la scĂšne “ethereal/dark wave”, Gerrard et Perry n’ont cessĂ© d’élargir leur spectre. Lisa Gerrard, de son cĂŽtĂ©, chante dans une langue inventĂ©e qu’elle appelle “la langue du cƓur”. Une idioglossie1 qui fait de sa voix un instrument Ă  part entiĂšre, au-delĂ  des mots. Perry, lui, a toujours dĂ©fendu une approche artisanale : longtemps installĂ© dans son propre studio en Irlande puis en France, il expliquait avoir demandĂ© Ă  4AD de leur donner directement le budget du studio afin de construire leur propre espace de crĂ©ation. Un choix dĂ©cisif pour dĂ©velopper leur esthĂ©tique personnelle.


Ce qui frappe dans Dead Can Dance, c’est que leur musique n’est pas une collection de sonoritĂ©s “exotiques” juxtaposĂ©es. Elle fonctionne comme un rituel. Les lignes de basse et les drones — Perry Ă©voque souvent le contrepoint baroque et l’obsession des pĂ©dales2 — forment la structure, tandis que des timbres anciens ou lointains s’élĂšvent au-dessus, comme des voix du passĂ©. En concert, Perry joue volontiers du bouzouki, et Gerrard du yangqin, un dulcimer Ă  cordes frappĂ©es, deux instruments qui incarnent bien leur esthĂ©tique pan-eurasienne.


Avec Dionysus, ils vont plus loin encore. Perry y agence des enregistrements de terrain — chants d’oiseaux, bruissement des ruches, ruissellements d’eau, appels de bergers — pour crĂ©er une fresque sonore qui cĂ©lĂšbre la nature habitĂ©e. L’intention est claire : plonger l’auditeur dans un espace qui dĂ©passe l’humain et rĂ©veille une mĂ©moire rituelle enfouie.

Le cinĂ©ma ne s’y est pas trompĂ©. The Host of Seraphim est devenu un morceau culte, utilisĂ© dans Baraka (1992) ou la fin de The Mist (2007), oĂč Frank Darabont s’en sert comme d’un requiem pour l’humanitĂ©. Preuve que cette musique raconte des histoires mĂȘme sans paroles.


Discographie

On pourrait conseiller cinq portes d’entrĂ©e pour se plonger dans Dead Can Dance : Spleen and Ideal (1985), oĂč le groupe quitte ses racines post-punk pour un son nĂ©o-mĂ©diĂ©val ample ; Within the Realm of a Dying Sun (1987), construit comme deux processions parallĂšles, l’une portĂ©e par Perry, l’autre par Gerrard ; The Serpent’s Egg (1988), qui contient The Host of Seraphim ; Into the Labyrinth (1993), affirmation de leur indĂ©pendance sonore et ouverture assumĂ©e Ă  l’internationalisme musical ; et enfin Dionysus (2018), album-concept en deux actes entiĂšrement pensĂ© comme un rituel.

Et au-delà des classiques, il y a ces morceaux moins souvent cités mais tout aussi puissants : Cantara, Rakim, The Carnival Is Over, ou certains passages de Spiritchaser. Autant de piÚces capables de créer une atmosphÚre singuliÚre, loin des clichés sonores que certains titres ont pu devenir.


Dead Can Dance parle encore au prĂ©sent parce que leur musique refuse la chronologie facile. Elle convoque des formes rituelles, des processions, des litanies, et les rĂ©active sans folklore. On peut discuter de l’appropriation culturelle, mais le duo joue plutĂŽt l’anachronisme conscient : juxtaposer des traditions, des instruments, des rythmes pour construire un espace d’écoute qui n’appartient Ă  personne — ou Ă  tout le monde. Et c’est prĂ©cisĂ©ment ce qui en fait une ressource prĂ©cieuse pour l’imaginaire.


utiliser Dead Can Dance Ă  la table de jdr

  • L’Appel de Cthulhu 1890 / 1920 : une congrĂ©gation chante dans une langue “intraduisible”. Les PJ dĂ©couvrent des partitions sans paroles, une iconographie liturgique dĂ©tournĂ©e, une acoustique improbable qui fait rĂ©sonner les voix au-delĂ  de leur nombre. Ce n’est pas un sortilĂšge : c’est un rituel d’empathie, trop puissant pour des humains ordinaires.
  • MalĂ©fices (Belle Époque) : une cantatrice rĂ©putĂ©e improvise une “langue du cƓur” sur des textes anonymes du XVIIe siĂšcle. Est-ce du pastiche, de la glossolalie, ou la trace d’une mĂ©moire enfouie ?
  • ChĂąteau Falkenstein : dans un bal fĂ©erique, les valses viennoises laissent place Ă  des processions chorales. Chaque danse devient une Ă©nigme. RĂ©soudre la figure ouvre un passage — un salon, un souvenir, une faveur.
  • Verne & AssociĂ©s 1913 : un commanditaire mystĂ©rieux veut un enregistrement de terrain. Mais derriĂšre les chants de bergers et les bruits de nature, quelqu’un compose une propagande invisible.
  • MEGA (5e Paradigme) : sur une Terre parallĂšle, les civilisations ont conservĂ© leurs cultes saisonniers. La mission : empĂȘcher la rĂ©cupĂ©ration politique d’un rituel dionysiaque.
  • Warpland : une communautĂ© a recréé un calendrier sonore Ă  base de percussions, d’eau et de vent. Si le rythme se brise, tout s’écroule. S’il s’enrichit, tout s’ouvre.

Astuces de mise en scĂšne

  • DĂ©crire la musique comme un lieu : rĂ©verbĂ©ration, tempĂ©rature, distance.
  • Utiliser les rythmes comme un compte-Ă -rebours.
  • Transformer les instruments (bouzouki, dulcimer, cloches, peaux
) en indices et en objets narratifs.

En fin de compte, Dead Can Dance reste un fil rouge idĂ©al pour l’imaginaire rĂŽliste. Le groupe ne se contente pas de “poser une ambiance” : il crĂ©e des mondes. Et c’est peut-ĂȘtre ça, la meilleure raison d’y revenir encore et encore.


  1. Glossolalie ou idioglossie ? On confond souvent les deux termes :
    Glossolalie : langage spontanĂ©, sans structure fixe, souvent liĂ© Ă  des pratiques religieuses ou mystiques. On « parle en langues » dans un Ă©tat d’extase, sans chercher Ă  construire un sens stable.
    Idioglossie : langue inventĂ©e par une ou deux personnes, avec une cohĂ©rence propre. Elle peut servir de mode d’expression intime ou artistique.
    Dans le cas de Lisa Gerrard (Dead Can Dance), il s’agit bien d’une idioglossie : une langue personnelle qu’elle a créée et qu’elle utilise pour chanter, afin de transmettre une Ă©motion brute au-delĂ  des mots. ↩
  2. « PĂ©dale » au sens baroque : c’est une note tenue, souvent dans la basse, qui sert de fondement harmonique (comme dans le basso continuo). Elle est parfois tenue via le pĂ©dalier de l’orgue, d’oĂč le terme.
    La « pĂ©dale » agit comme un sol immobile sous la musique. Tout bouge au-dessus, mais la basse reste, tĂȘtue. RĂ©sultat : une tension hypnotique, entre gravitĂ© et extase — qu’on ressent pleinement dans un morceau comme “The Host of Seraphim” ↩

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