L’homéopathie : de la poudre aux yeux… et des idées pour le jeu de rôle

L’homéopathie, ce n’est ni une science, ni une médecine fondée sur des preuves. C’est une pratique née à la toute fin du XVIIIe siècle, formulée par Samuel Hahnemann, et popularisée au XIXe

homeopathie

Si tu cherches une bonne source d’inspiration pour un scénario de jeu de rôle, prends une poignée de sucre, enlève toute substance active, secoue bien fort, et tu obtiens… un monde fascinant : celui de l’homéopathie.

Et si tu as l’esprit (légitimement) mal tourné, c’est encore mieux. L’homéopathie n’est pas seulement une pratique discutable, c’est aussi une fabrique à illusions, à croyances confortables, et parfois à dépendances. Autant de ficelles narratives à exploiter. C’est une thématique qui, sous ses airs inoffensifs, regorge de pistes d’intrigues mêlant arnaque douce, influence politique, pseudo-sciences, et endoctrinement à grande échelle.


Qu’est-ce que l’homéopathie ?

L’homéopathie, ce n’est ni une science, ni une médecine fondée sur des preuves. C’est une pratique née à la toute fin du XVIIIe siècle, formulée par Samuel Hahnemann, et popularisée au XIXe, reposant sur deux principes fondamentaux :

  • soigner le mal par le mal (la loi des semblables),
  • et diluer une substance jusqu’à ce qu’il n’en reste plus rien, en prétendant que l’eau (ou l’alcool, ou le sucre) garde une « mémoire » du principe actif.
L’homéopathie : de la poudre aux yeux… et des idées pour le jeu de rôle

En clair : plus c’est dilué, plus c’est censé être efficace. Un principe qui défie la logique, la chimie, la biologie… et la gravité intellectuelle. Une logique inversée, qui transforme l’absence de substance en preuve de puissance. Pour Hahnemann, ce qui compte, c’est la vibration de l’intention, pas la molécule. Résultat : on se retrouve avec des traitements à 30 CH (dilution centésimale), où il faudrait boire l’équivalent d’un océan pour espérer absorber une seule molécule active.

Et pourtant, c’est légal, labellisé, vendu en pharmacie, et même remboursé jusqu’en 2021 en France. L’un des plus beaux paradoxes réglementaires de la médecine moderne. L’Agence du médicament reconnaît son existence, tant qu’on ne prétend pas à son efficacité. Légalement, un « médicament homéopathique » n’a pas besoin de faire la preuve d’un quelconque effet pour être commercialisé.

On appelle ça une escroquerie douce, voire une fraude parfaitement encadrée par l’État. Le jackpot du mensonge organisé. Pas de substance, pas d’effet, mais une immense efficacité commerciale. Derrière le sucre, une industrie. Derrière l’illusion, un business.


Scénarios de manipulation douce : l’homéopathie comme décor rôliste

L’univers de l’homéopathie moderne est un terrain de jeu parfait pour les intrigues de jeu de rôle, à condition d’assumer pleinement le côté critique et malaisant. Ce n’est pas une pratique anodine : c’est un système construit, avec ses codes, ses figures médiatiques, ses réseaux d’influence. Un monde où la manipulation se fait en douceur, dans un emballage bienveillant, mais avec des conséquences réelles.

Ce décor peut accueillir des scénarios contemporains, des thrillers psychologiques, des complots politiques, ou même des univers de science-fiction douce. On y explore les effets sociaux de la croyance, les limites de la médecine, la dérive des politiques de santé, et l’avidité masquée sous un discours de bien-être.

Leurre thérapeutique – Thriller contemporain

Des patients convaincus sont ciblés par des arnaques de plus en plus poussées : soins vibratoires, cures de lumière, crypto-santé, et autres dérives pseudo-spirituelles. On commence par des granules, on finit avec des dispositifs énergétiques vendus à prix d’or. La santé devient un produit de luxe, inopérant mais rassurant.

  • Les PJ enquêtent sur une mort suspecte, un hôpital infiltré, ou une clinique privée qui vend du rêve (et de la dette). Peut-être que certains membres de leur entourage sont déjà sous emprise. L’intrigue peut glisser du drame humain à la critique sociale.

Le culte de la dilution – Manipulation de masse

Une organisation sectaire utilise la croyance en l’homéopathie pour tester la docilité des foules. Petit à petit, des enseignements alternatifs se diffusent dans l’éducation, les médias, les services sociaux, les entreprises. Le bien-être devient un dogme.

  • Conférences, formations, retraites bien-être… et endoctrinement. À terme, les croyants deviennent des vecteurs de propagande politique ou économique, voire des agents dormants sans le savoir. Des programmes de détection des sceptiques sont mis en place. Le sucre devient un outil de contrôle social.

Big Pharma Alternative – Conspiration blanche

Une société vendant des « médicaments sans principe actif » développe un réseau d’influence dans les ministères. Lobbyisme, fondations bienveillantes, mécénats culturels, chaires universitaires, tout y passe. On parle ici d’un empire économique qui repose sur l’adhésion volontaire.

  • Les PJ doivent infiltrer cette nébuleuse, comprendre son pouvoir, et peut-être s’y brûler les ailes. Ou les neurones. En creusant, ils découvrent un empire bâti sur le néant, mais terriblement solide politiquement. À quel moment l’arnaque devient-elle une idéologie d’État ?

Programme placebo – Ingérence sociale douce

Des granules personnalisées sont distribuées à une population test pour manipuler comportements, décisions et humeurs. Une expérience secrète pilotée par une start-up bioéthique, ou un programme d’ingénierie sociale post-pandémie ?

  • Les PJ découvrent une expérimentation d’ingénierie sociale, où le vrai poison, c’est l’illusion de contrôle. Ceux qui refusent d’y croire deviennent suspects. Ceux qui y croient trop deviennent dangereux. Et si l’objectif n’était pas de soigner, mais de soumettre ?

Retour au XIXe siècle : homéopathie et jeu historique

À l’époque d’Hahnemann, la médecine classique était violente : saignées, purgatifs, mercure, amputations sans anesthésie… L’homéopathie avait l’avantage de ne rien faire, ce qui, en soi, causait souvent moins de dégâts. Elle séduisait les patients épuisés par les traitements agressifs. On y trouvait une forme d’apaisement, de mise en scène du soin.

C’est une période parfaite pour jouer dans un univers où les « médecins homéopathes » sont vus comme :

  • des guérisseurs éclairés aux discours ésotériques,
  • de doux rêveurs illuminés cherchant à révolutionner la médecine,
  • ou des escrocs de haut vol, profitant de l’ignorance médicale ambiante.

Quelques pistes :

  • Jouer un médecin charlatan dans une société bourgeoise, aux côtés de magnétiseurs, spirites et autres mesmeristes, dans une ambiance de salons privés et d’expériences cachées,
  • Enquêter sur des décès en série dans une station thermale, où les granules sont peut-être moins inoffensives qu’elles n’y paraissent,
  • Se frotter à une loge « philosophique » cachée derrière un dispensaire, qui dissimule des expériences sociales, des manipulations politiques, voire des rites occultes inspirés d’un « principe vital universel ».

Compatible avec Château Falkenstein, Maléfices, Verne & Associés, ou un JdR historique réaliste. Bonus si on mêle médecine alternative, société secrète, et vie mondaine du Second Empire.


Conclusion : l’homéopathie comme moteur narratif

Soyons clairs : il n’y a rien de magique dans l’homéopathie. Juste un marché lucratif, des croyances tenaces, et des millions de personnes sincèrement abusées, souvent avec leur consentement. Le pouvoir de l’illusion, institutionnalisé. Une escroquerie d’autant plus efficace qu’elle est douce, indolore, séduisante.

Mais dans un jeu de rôle ? C’est un terreau parfait pour :

  • illustrer la crédulité humaine et la vulnérabilité face aux promesses faciles,
  • manipuler la frontière entre soin, croyance et pouvoir,
  • construire des intrigues riches en tensions morales, en faux-semblants, et en douceurs sucrées.

Avec ou sans principe actif, l’inspiration rôliste, elle, est bien réelle. Et contrairement aux granules homéopathiques, elle ne se dilue pas avec le temps.

Vous voulez plus de scriiipt ?

Inscrivez-vous pour recevoir notre Correspondance Secrète !

Nous ne spammons pas ! Consultez notre politique de confidentialité pour plus d’informations.



Commentaires

36 réponses à “L’homéopathie : de la poudre aux yeux… et des idées pour le jeu de rôle”

  1. Avatar de Justin Busch

    Il y a des années, un docteur d’oto-rhino-laryngologie a ordonné quelque chose de homéopathique pour ma mère. Je serai le premier à dire que ses plaintes étaient difficiles de prendre au sérieux, et je comprenais qu’il a fait ça parce qu’elle refusait de croire qu’elle n’avait pas besoin d’un médicament pour une maladie qu’elle n’avait pas atteint. MAIS, j’étais absolument dégouté par ce comportement car je suis sûr que le docteur savait mieux que ça. C’est une façon de « faire quelque chose » sans rien faire.

    1. Avatar de Gossevitch
      Gossevitch

      C’est exactement le genre de situation qui montre à quel point l’homéopathie peut devenir une mécanique sociale, plus qu’un traitement. Ici, on est face à un usage clairement symbolique : le médecin prescrit « quelque chose » parce qu’il sait qu’un non-traitement explicite serait mal reçu. Ce n’est ni pour soigner, ni pour convaincre médicalement, mais pour apaiser la demande de soin, en donnant l’illusion d’une réponse.

      Et c’est bien ce que tu soulignes : le médecin savait, mais a choisi de composer avec la situation plutôt que de risquer un conflit ou une incompréhension.

      Ce type de comportement – souvent appelé « prescription placebo » ou « compassionnelle » – soulève des questions éthiques costaudes :
      – Est-ce qu’on trahit la confiance du patient en lui donnant un produit inutile ?
      – Ou est-ce qu’on respecte son besoin d’être entendu, quitte à contourner la vérité scientifique ?
      – À quel moment « faire semblant de faire » devient une manière de ne pas affronter un vrai problème de communication ?

      Ton dégoût est légitime. Car en effet, même dans un cadre « bienveillant », ce genre de stratégie peut infantiliser le patient, et ouvrir la porte à toutes les dérives.
      Et c’est là qu’en jeu de rôle (puisque c’est aussi le sujet de l’article), justement, on peut mettre ces tensions au cœur d’une intrigue. Qui décide de ce qui est vrai ? Est-ce qu’un mensonge bien intentionné peut mener à un culte ? Une molécule fictive peut-elle devenir une religion ?…

      Encore merci d’avoir partagé cette expérience très concrète. Ça donne encore plus de relief au sujet !

  2. Avatar de Anagrys
    Anagrys

    J’ai quelques doutes sur l’analogie entre l’océan et les 30CH, mais j’avoue un petit problème de limites concernant mon imagination à ce niveau. Concrètement, 1CH, c’est 1l de principe actif dans 1000l d’eau (1/1000)
    2CH, c’est 1l de solution à 1CH dans 1000l d’eau (on est donc à 1/1 000 000).
    3CH, on continue (1/1 000 000 000).
    À 30CH, on serait à 1/10^90 de dilution, rien que ça. Sachant qu’on estime (à la louche géante) le nombre d’atomes dans l’univers visible à… 10^82. À un ou deux 0 près, à ce niveau, ça n’a pas une grande importance.

    1. Avatar de Gossevitch
      Gossevitch

      Merci pour ce commentaire très pertinent, Anagrys.
      Tu as tout à fait raison de remettre les choses en perspective avec les ordres de grandeur. Effectivement, à 30CH (dilution centésimale hahnemannienne), on atteint un facteur de dilution de l’ordre de 10^60 à 10^90, selon la précision du calcul et le volume initial de substance.
      Ce qui est sûr, c’est que l’on dépasse très largement le nombre d’Avogadro (environ 6,022 × 10²³), c’est-à-dire le seuil au-delà duquel on ne peut plus espérer la présence d’une seule molécule active dans la solution.
      Et tu as raison aussi de souligner que cette comparaison avec le nombre d’atomes dans l’univers observable (estimé à environ 10^82) n’est pas strictement rigoureuse d’un point de vue scientifique, mais elle sert parfois à matérialiser l’ampleur du vide dans ces dilutions extrêmes.
      Ce qui est fascinant, c’est que malgré cette absurdité mathématique manifeste, la pratique continue à séduire, précisément parce qu’elle repose moins sur des données mesurables que sur une logique symbolique et une promesse rassurante.
      Encore merci pour cette mise au point chiffrée : elle complète très bien l’approche critique de l’article.

Laisser un commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur la façon dont les données de vos commentaires sont traitées.