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Russ Meyer : du sein opulent au jeu de rôle ?

Russ Meyer, c’est un peu l’Oncle Grivois du cinéma américain. Celui qu’on cache dans le placard quand la famille débarque, mais dont tout le monde connaît le nom. Ex-photographe de guerre devenu cinéaste. Le style Meyer ? Un montage nerveux, une image ultra-composée, des dialogues volontairement outrés et des héroïnes à la personnalité hors norme.

Russ Meyer

Le roi du buste, l’obsédé de la pellicule

Russ Meyer, c’est un peu l’Oncle Grivois du cinéma américain. Celui qu’on cache dans le placard quand la famille débarque, mais dont tout le monde connaît le nom. Ex-photographe de guerre devenu cinéaste, Meyer a construit une filmographie unique, aussi excessive qu’hyper maîtrisée, où des amazones aux soutiens-gorge défiant la gravité règlent leurs comptes à coups de punchlines et de castagne. Une sorte de féminisme par le muscle et la surcharge mammaire, comme si la libération sexuelle passait par des uppercuts en soutien-gorge léopard.

Russ Meyer : du sein opulent au jeu de rôle ?
Russ Meyer et sa femme Eve, qui sera aussi une collaboratrice de chaque instant.

Films marquants, fantasmes récurrents

Si Faster, Pussycat! Kill! Kill! reste son œuvre la plus culte (et déjà traitée ici), Meyer a aligné une série de films tous plus déjantés les uns que les autres :

  • « Vixen! » (1968) : une satire sexuelle d’une Amérique hypocrite, avec en prime un flirt avec les tensions raciales.
  • « Beyond the Valley of the Dolls » (1970) : co-écrit avec Roger Ebert, un OVNI baroque où les clichés explosent dans un délire pop psychédélique.
  • « Supervixens » (1975) : western sexuel délirant, aussi absurde que bourré de plans iconiques.
  • « Mudhoney », « Motorpsycho », « Cherry, Harry & Raquel! »… Chacun vaut le détour pour sa galerie de freaks et d’obsessions visuelles.
Russ Meyer : du sein opulent au jeu de rôle ?

Le style Meyer ? Un montage nerveux, une image ultra-composée, des dialogues volontairement outrés et des héroïnes à la personnalité hors norme. Le cul est omniprésent, mais toujours cadré dans une esthétique millimétrée. On est loin du porno, plus proche d’un opéra burlesque en Technicolor.

Russ Meyer : du sein opulent au jeu de rôle ?
Russ Meyer avec Roger Ebert (Scénariste, écrivain, animateur, reporter, critique de cinéma, journaliste, animateur de télévision)

Un auteur dans l’excès

Meyer n’est pas juste un obsédé génial. C’est un réalisateur indépendant, farouchement anticonformiste, qui a autoproduit la plupart de ses films. Il a tenu tête aux majors, revendiqué ses choix, contrôlé son image. Il a aussi multiplié les lubies : fixation sur les poitrines proéminentes, paranoïa sur ses droits d’auteur, obsession du montage. Il montait lui-même ses films, au rasoir, avec une précision chirurgicale… pour coller au tempo de son obsession visuelle.

Il a aussi très tôt joué sur les codes : subversion des genres (du film de guerre au drame érotique), détournement des stéréotypes de genre, et même parfois un humour noir glaçant (Good Morning… and Goodbye!).

Russ Meyer : du sein opulent au jeu de rôle ?

Good Morning… and goobbye! (1967)

Dans une petite ville paumée et moite, un triangle amoureux (ou plutôt sexuel) déraille peu à peu. Burt, un homme d’âge mûr, est impuissant, frustré, et tyrannique avec sa femme, Angel. Celle-ci, fatiguée de l’abstinence et du mépris, cherche du réconfort dans les bras d’un mystérieux vagabond barbu qui hante les bois et parle par énigmes, comme un ersatz de gourou ou de dieu païen oublié.

Pendant ce temps, la belle-fille de Burt, Capri, ultra-sexualisée, allume tout ce qui bouge, y compris le shérif local, créant un climat électrique de désir, de jalousie et de frustration.

Tout s’emmêle : tensions conjugales, rivalités masculines, pulsions refoulées, et… quelque chose de plus primal qui rôde dans cette nature apparemment banale.


Et le jeu de rôle dans tout ça ?

La question est provocatrice, et elle mérite de l’être. Peut-on puiser dans l’œuvre (ou la vie) de Russ Meyer pour nourrir une table de jeu de rôle ? Et si oui, sans sombrer dans le mauvais goût ou l’irrévérence mal placée ?

Russ Meyer en tant que personnage de JdR

Imaginez un PNJ excentrique dans un monde pulp ou post-apo : un ancien soldat devenu réalisateur de propagande baroque, entouré de gardes du corps hyper sexualisées et d’idées mégalomanes. Un savant fou de la caméra, obsédé par « la beauté pure », version grotesque et géniale d’un Orson Welles version grindhouse.

Il incarne aussi ce type de figure ambiguë, libertaire sur certains points (le contrôle de sa production, le rejet des normes), mais problématique sur d’autres (la représentation très fétichisée des femmes). Bref, un personnage complexe et clivant, parfait pour incarner des tensions narratives.

L’esthétique Meyer dans les univers de jeu

Ses films sont une mine pour des univers de JdR aux tonalités :

Les héroïnes façon Tura Satana, les décors ultra-kitsch, les antagonistes grotesques… Tout cela donne des archétypes puissants, presque mythologiques, à incarner ou à affronter.

Et les risques ?

Oui, il y en a. Russ Meyer, c’est du cinéma pour adultes. C’est trash, sexué, parfois misogyne dans le fond même s’il habille ça d’empowerment musclé. Amener ça en JdR demande un gros travail de transposition critique :

  • Désexualiser certaines esthétiques ou les détourner pour en faire des critiques de genre.
  • Ne pas reproduire les schémas de domination.
  • Prévenir les joueuses/joueurs : ce type d’ambiance suppose un cadre clair, une session zéro, des outils de sécurité émotionnelle.

En gros, ne pas confondre hommage et fétichisme. Russ Meyer en JdR, c’est possible, mais avec des pincettes et un bon vieux filtre ironique.


Inspirations rôlistes concrètes

  • Système : Troika!, Mothership, Tricube Tales… Des systèmes courts, modulables, visuels.
  • Scénarios :
    • « Beyond the Valley of the Flesh Gods » : les PJ sont les membres d’un groupe de rock projeté dans une dimension kitsch où des déesses surpuissantes règnent par le glam et le sang.
    • « Motorpsychos » : road trip dément sur des motos volantes, gang de furies en quête de vengeance.
    • « Vixens of the Void » : Space opera sensuel et burlesque où chaque planète est une caricature pop.

Et puis, dans un moment d’égarement créatif (ou de génie, qui sait), on a tenté le mélange improbable : Russ Meyer vs Cthulhu. Un choc des titans entre chairs triomphantes et horreurs indicibles, où les pellicules hurlent plus fort que les cultistes. Un réalisateur mégalo qui capte l’indicible entre deux plans nichons ? Oui, c’est absurde. Et pourtant, ça fonctionne étrangement bien. Le Mythe version exploitation, les starlettes transformées en hérauts de l’apocalypse, les tournages devenus rituels d’invocation cosmique… Bref, de quoi donner des idées de scénarios pour MJ pervers (mais lucides).


Alors, Meyer et le JdR : une bonne idée ?

Oui, mais pas pour tout le monde. Et pas n’importe comment.

Russ Meyer, c’est de l’or pour qui veut creuser les ambiguïtés de la représentation, la liberté artistique jusqu’à l’absurde, et le pouvoir du style sur le fond. Ce n’est pas un exemple moral, mais un cas d’école. Une inspiration pour des jeux qui aiment la sueur, la fureur, le glam, la parodie, et surtout… le recul critique.


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