Le film Josey Wales hors-la-loi (The Outlaw Josey Wales, 1976) de Clint Eastwood est un western marquant, ancrĂ© dans une mythologie amĂ©ricaine souvent fantasmĂ©e. PlutĂŽt que de rĂ©pĂ©ter ce qui a dĂ©jĂ Ă©tĂ© analysĂ©, explorons d’autres aspects : la rĂ©alitĂ© historique de l’Ă©poque, les thĂ©matiques du film et son potentiel pour le jeu de rĂŽle.
Il est intĂ©ressant de noter que le film est tirĂ© du roman The Rebel Outlaw: Josey Wales d’Asa Earl Carter, un auteur dont le parcours est loin dâĂȘtre irrĂ©prochable. Ancien partisan de la suprĂ©matie blanche et proche du Ku Klux Klan, Carter a ensuite tentĂ© de se rĂ©inventer en Ă©crivain de westerns. Ce contexte mĂ©rite dâĂȘtre gardĂ© Ă lâesprit lorsquâon aborde lâĆuvre.
Cela nâempĂȘche pas le film dâEastwood de sâĂ©loigner de lâidĂ©ologie de son auteur pour proposer un rĂ©cit plus universel, centrĂ© sur la survie, la vengeance et la rĂ©demption.

Josey Wales et son contexte historique
La Guerre de SĂ©cession (1861-1865) a laissĂ© les Ătats-Unis exsangues, et le Missouri, oĂč dĂ©bute lâhistoire de Josey Wales, est un des nombreux territoires ravagĂ©s par les violences entre factions opposĂ©es. Contrairement aux reprĂ©sentations idĂ©alisĂ©es du western, cette pĂ©riode est marquĂ©e par une guĂ©rilla sauvage oĂč la distinction entre combattants et criminels devient floue. Le Missouri Ă©tait une terre de tensions oĂč sâaffrontaient bushwhackers (guĂ©rilleros sudistes) et jayhawkers (milices pro-Union), multipliant les attaques, pillages et exĂ©cutions sommaires.
Le personnage de Josey Wales s’inspire de figures comme « Bloody Bill » Anderson et William Quantrill, chefs de guerre sudistes qui ont menĂ© des raids dâune brutalitĂ© extrĂȘme. PrĂ©sentĂ©s tantĂŽt comme des rĂ©sistants, tantĂŽt comme des terroristes, ils incarnent lâambivalence de cette pĂ©riode troublĂ©e. AprĂšs la guerre, la Reconstruction entraĂźne des tensions persistantes, et de nombreux anciens soldats sudistes refusent la soumission, devenant des hors-la-loi errants. Ce rejet du nouvel ordre imposĂ© par lâUnion se traduit par une mĂ©fiance envers toute autoritĂ© et par la volontĂ© de survivre par ses propres moyens.


Le conflit entre bushwhackers sudistes et jayhawkers nordistes dĂ©passe souvent les considĂ©rations idĂ©ologiques et devient une guerre de reprĂ©sailles sans fin. Parmi les actions les plus marquantes, on trouve, le 23 septembre 1861, lâexpĂ©dition contre la ville dâOsceola (Missouri), brĂ»lĂ©e, pillĂ©e, avec le meurtre dâau moins neuf habitants. Ce sont ici des milices anti-esclavagistes qui opĂšrent, et cet Ă©vĂ©nement a lui-mĂȘme inspirĂ© un roman qui influencera le scĂ©nario de Josey Wales hors-la-loi. Deux ans plus tard, le 21 aoĂ»t 1863, la ville pro-Union de Lawrence (Kansas) est attaquĂ©e par les bushwhackers de Quantrill. Le quart de la ville est incendiĂ©, les magasins pillĂ©s et plus de 180 habitants assassinĂ©s.
La cible principale du raid, James H. Lane, sĂ©nateur et ancien chef des jayhawkers responsables du sac dâOsceola, Ă©chappa Ă lâattaque. Cet Ă©vĂ©nement est reprĂ©sentĂ© dans ChevauchĂ©e avec le diable dâAng Lee.

Pendant la guerre de SĂ©cession, des combattants pro-sudistes opĂ©rant en commandos isolĂ©s, les Bushwhackers, s’engagent dans une guĂ©rilla sur les chemins de traverse. Le long de la frontiĂšre entre le Kansas et le Missouri, Jake Roedel, fils d’un pauvre immigrant germanique, et son ami d’enfance Jack Bull Chiles, fils d’un planteur, rejoignent les rangs de cette bande de hors-la-loi qui Ă©cument la rĂ©gion. Ensemble, ils apprennent trĂšs vite Ă devenir des hommes d’armes chevronnĂ©s et des cavaliers Ă©mĂ©rites. Ils attaquent en raids les soldats de l’Union nordiste et leurs sympathisants. Pour affronter le rude hiver qui s’annonce, les Bushwhackers doivent se disperser et trouver un abri. Plusieurs membres trouvent refuge dans une tranchĂ©e Ă flanc de colline. Mais la rĂ©alitĂ© de la guerre les rattrape et fait voler en Ă©clats le petit groupe.
Un certain nombre de jayhawkers furent ensuite intĂ©grĂ©s dans lâarmĂ©e rĂ©guliĂšre de lâUnion, notamment dans les 3e, 4e, 5e et 7e rĂ©giments de cavalerie du Kansas. Ce passage sous uniforme ne changea cependant rien Ă leurs mĂ©thodes, souvent assimilĂ©es Ă du brigandage. Ce contexte historique complexe permet de mieux comprendre pourquoi Josey Wales, un survivant de cette guerre brutale, refuse toute forme dâautoritĂ© et cherche Ă tracer sa propre voie.
Le film sâinscrit donc dans une tradition du western oĂč lâindividu est confrontĂ© Ă un monde en mutation, mais il prend soin dâĂ©viter un manichĂ©isme trop prononcĂ©. Il ne glorifie ni les confĂ©dĂ©rĂ©s ni lâUnion, mais montre un pays oĂč chacun lutte pour sa survie dans un contexte instable.
Un western de vengeance ou un récit humaniste ?
Ă premiĂšre vue, Josey Wales semble ĂȘtre une classique histoire de vengeance : un homme perd sa famille, rejoint les confĂ©dĂ©rĂ©s, puis devient un hors-la-loi traquĂ©. Pourtant, le film prend un tournant inattendu. PlutĂŽt que de rester enfermĂ© dans la haine, Josey Wales se reconstruit en s’entourant de marginaux : un chef comanche vieillissant, une femme en fuite, un enfant perdu… Ce nâest pas tant un hommage aux confĂ©dĂ©rĂ©s quâune quĂȘte de survie et de reconstruction.
Le film se dĂ©marque aussi par sa reprĂ©sentation plus nuancĂ©e des peuples amĂ©rindiens, notamment Ă travers le personnage de Lone Watie, qui manie un humour mordant pour dĂ©noncer lâoppression subie par son peuple. Contrairement Ă de nombreux westerns classiques qui les cantonnaient Ă des rĂŽles de figurants ou dâantagonistes, Josey Wales leur donne une voix, soulignant la destruction de leur culture tout en leur accordant une part active dans lâhistoire.

Lâaspect pacifiste du film est Ă©galement marquant : bien quâil soit ponctuĂ© de fusillades, son propos nâest pas la glorification de la violence mais plutĂŽt la critique de son inutilitĂ© Ă long terme. Chaque confrontation semble repousser un peu plus Josey Wales dans son errance, jusquâĂ ce quâil trouve un semblant de paix en bĂątissant une nouvelle communautĂ© avec ceux qui lâentourent.
Idées pour le jeu de rÎle
Lâunivers de Josey Wales peut servir de cadre Ă une campagne de jeu de rĂŽle western :
- Un monde en ruine : Un cadre oĂč lâordre ancien sâest effondrĂ©, oĂč chacun tente de survivre et de reconstruire.
- Des personnages hantĂ©s par leur passĂ© : Comme Josey Wales, les PJ peuvent ĂȘtre dâanciens soldats, des exilĂ©s ou des criminels en quĂȘte de rĂ©demption.
- Des dilemmes moraux constants : Vengeance ou apaisement ? Individualisme ou communauté ?
- Une communautĂ© fragile : PlutĂŽt quâun simple groupe dâaventuriers, les PJ pourraient ĂȘtre les protecteurs dâun petit campement, confrontĂ©s Ă des menaces extĂ©rieures et Ă leurs propres tensions internes.
Pour ceux qui souhaitent explorer cette ambiance sans le fantastique, des jeux comme Tecumah Gulch ou Trauma : L’Ouest Sauvage sont dâexcellents choix. Pour une version teintĂ©e de surnaturel, Deadlands permet dâincorporer un aspect mystique sans perdre lâintensitĂ© dramatique du cadre.

Une campagne inspirĂ©e de Josey Wales pourrait mĂȘler des sĂ©quences de survie tendues, des alliances improbables avec dâanciens ennemis, et des dilemmes moraux oĂč les joueurs devront choisir entre leur propre survie et la protection des plus vulnĂ©rables.
PlutĂŽt quâun simple western de plus, Josey Wales raconte une histoire oĂč la survie passe par lâentraide et oĂč la violence nâest jamais une solution dĂ©finitive. Une base solide pour une aventure en jeu de rĂŽle, quâelle soit ancrĂ©e dans un cadre historique ou teintĂ©e de surnaturel.

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