Brèves de Fantasy IX – Le partage du butin (2)

Le principe de brèves de fantasy ? Raconter une bonne tranche de fantasy en moins de 80 lignes . La brève du jour : Le partage du butin (2)

Brève de fantasy - Partage de butinLe principe de brèves de fantasy ?  Raconter une bonne tranche de fantasy en moins de 80 lignes .

Tandis que le crâne et l’omoplate de votre adversaire volent en éclats, vous attendez patiemment que les volutes de poussière retombent et laissent enfin au repos les os des gardiens squelettes décharnés que vous venez de disloquer.

          Il y en a même eu pour tous les goûts. Cinquante nuances de massacre. Au bas mot. Et si parmi les maux il faut choisir le moindre, en ce qui concerne les armes, vous avez une sage préférence pour une solide masse d’armes apte au concassage.

         Le nain, lui, n’a pas voulu se départir de sa hache quitte à la bloquer bêtement dans une carcasse vide d’os et de mailles rouillées. Ce qu’il a fait. Deux fois. Ce gros sac.

           Hirvette, comme à son impétueuse habitude, a tout fait cramer sur son passage : boiseries pourries, dalles usées, squelettes moisis, souris zébrée, main gantée du nain…Bref. S’il a fallu refréner la pyromanie de la magicienne afin qu’elle ne fasse pas s’effondrer la galerie du tumulus sur vous, tout a été passé méticuleusement à la flamme de ses boulets de feu. A distance raisonnable des monstres, bien sûr…Toujours.

        Et comme si cela ne suffisait pas, Tartah’Rh, le barbare aux cheveux cuivrés de votre groupe a une nouvelle fois fait usage de ses saillants muscles huilés, de ses puissantes mains de colosse pour écraser deux ou trois de ces aberrations des plus faiblardes et impressionner son monde…Mouais, enfin quand il prend des risques inutiles, vous vous gardez bien de le lui dire. Faut avouer qu’il est un tantinet soupe au lait le bestiau et a un crochet du tonnerre.

        Dans la pièce basse du sépulcre où vous vous tenez, l’agitation disparue, un silence de mort est désormais revenu. Évidemment si on omet vos respirations muettes et le clapotis insistant d’une source d’eau qui suinte des murs et goutte de ci de là du plafond défoncé par les racines, vous ne percevez plus aucun mouvement ou cliquetis d’armure. Même vos compagnons, d’ordinaire si braillards, se sont tus. Leur attention est entièrement focalisée vers un point d’intérêt de la salle. La porte. Ils l’ont tous vue. Un bel ouvrage qui trône au fond de la chambre mortuaire. Moulures géométriques et décorations morbides se côtoient tandis que vous arrivez à déchiffrer une antique danse macabre sur l’épais chambranle de pierre de taille abimée.

        Vous avancez rapidement vers la dernière demeure d’un piètre prêtre nécromant, le but de votre visite de courtoisie. En vous dirigeant vers la crypte, vous ne remarquez aucune autre résistance que les quelques squelettes malingres que vous venez de fracasser au sol.

      Quelques marches décrépites par les assauts du temps et glissantes du fait de l’humidité ambiante vous emmènent plusieurs mètres en contrebas. Cependant, la discrétion n’est pas le fort de tous les membres du groupe et vous devez ramasser le nain au pied du petit escalier, après une chute aussi ridicule que sonore. Celui-ci vient en effet de se vautrer lamentablement en accrochant du manche de sa hache l’une de ses deux courtes jambes. Potelées. Et enferrées !

         Si le maître des lieux n’est pas encore prévenu de votre arrivée, voilà qui est fait.

        Tartah’Rh, épée à deux mains brandie au dessus de sa tête, décide alors de charger lourdement au travers de l’embrasure spartiate qui délimite l’entrée du caveau. Vous courez à sa suite de peur qu’il ne commette, seul, une connerie monumentale. Mais lorsque vous arrivez derrière lui, il est déjà en train de taper comme un sourd sur un sobre sarcophage de granit.

          « Recule, imbé… camarade ! », lui hurlez vous.

         Le barbare se retourne sur vous avec un regard mauvais prêt à en découdre, même avec l’un des membres de sa propre coterie. Vos chausses vous paraissent humides tout à coup mais fort « heureusement », c’est le moment précis où cette tarée d’Hirvette décide de son propre chef d’incendier le sarcophage du sycophante de la Grande Faucheuse en envoyant une pluie de boulets de feu pile dessus.

        « Eeeeh ! Non mais, c’est pas vrai ?! Vous êtes complétement fêlés ma parole !», glapit une voix qui aurait pu être la vôtre tant vous approuvez ! Le nain vient de parler et fait preuve pour une fois d’une étonnante sagesse.

         « Vous allez bousiller tous ces foutus trésors, merde quoi ! » Ah ouais, le pognon, les richesses, les artefacts. Tout s’explique. Rien à voir avec un subit accès à la raison et la prudence en fait…

          « Kromchiez… ! » maugréa le barbare à contrecœur.

          Vous vous mettez en garde mutuellement, masse, épée, hache et bâton au clair anticipant le réveil de mauvais poil roussi du nécromancien maléfique. Et tandis que les dernières flammèches se consument en noircissant de charbon le lieu du dernier repos de votre ennemi, rien ne se passe. Absolument rien.

          Tartah’Rh s’approche prudemment du cénotaphe ou de la tombe, vous à sa suite, à distance respectueuse. Et lorsque vous tendez le cou pour voir l’intérieur du sarcophage brisé, vous entrevoyez nettement un squelette quelque peu brûlé habillé des lambeaux d’une robe noire de cérémonie. Il serre encore entre ses doigts squelettiques une piètre dague de cérémonie antédiluvienne et oxydée. Aucune lueur rouge, bleutée ou chamarrée ne vient éclairer ses orbites sans vie.

     « Mouahahaha ! Il est mort ?! MORT ! Clamsé ! Claqué eul’macchabée ! Ahahahah ! Pour un prêtre nécromant, c’est quand même un peu con. Non ? », glissa malicieusement le nain à l’assemblée. Décidément, quel sens de l’à-propos sur un être de l’au-delà. Il pourrait presque passer pour l’intellectuel du groupe. Et s’il n’était pas si mauvais en combat, vous en auriez fait le chef. Brrrrr, non, faut pas déconner non plus.

            Sur ces entrefaites réjouissantes pour vos bourses respectives, le barbare vous demande de l’aide pour soulever les morceaux de dalle qui recouvrent encore les vestiges carbonisés et ébréchés du cercueil de pierre. Ce que vous faites non sans mal.

            Mais quelle n’est pas votre désillusion lorsque en tout et pour tout trésor vous ne trouvez que des bris de fioles épars, des parchemins fatigués et illisibles à la ficelle de cuir craquelé, une dague et une massette bonnes à attraper une maladie.

            Votre œil s’illumine brièvement lorsque vous mettez la main sur une sacoche de vélin moisie d’où le nain sort plusieurs kilos de pièces de cuivre couvertes de vert de gris. Et un livre.

      Hirvette, l’alphabète du groupe, s’enquiert de déchiffrer laborieusement les runes encore lisibles avant de s’exclamer, « Un livre de nécromancie ! » : « Les Morts pour les nuls » ainsi qu’un appendice « Goules et autres frivolités ».

            « Si je me trompe, personne ne sait lire à part moi, non ? »

« Mouais, pas faux », fit le nain. Allez on s’casse les cul-d’jattes ! On va essayer d’brosser ces pièces à la rivière. Et tant qu’on y est, on en profitera pour prendre not’ bain mensuel. Pas vrai, Tartah ?»

Tartah’Rh acquiesça en souriant et mima le mouvement de renifler ses aisselles suspectes.

            Et vous ? Bah, c’est mort de chez mort. Ça vous apprendra à vider les tombeaux…



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