La question de l’athéisme dans les JdR ? Oui on s’est posé la question !

L’athéisme dans le jeu de rôle, surtout dans les univers où l’existence des dieux est objectivement prouvée, pose une vraie question. Peut-on être athée dans RuneQuest, D&D ou Pendragon ? Sur le papier, ça semble absurde : les dieux manifestent leur pouvoir directement, accordent des sorts aux prêtres, et parfois même interagissent avec les mortels.…

L’athéisme dans le jeu de rôle, surtout dans les univers où l’existence des dieux est objectivement prouvée, pose une vraie question. Peut-on être athée dans RuneQuest, D&D ou Pendragon ? Sur le papier, ça semble absurde : les dieux manifestent leur pouvoir directement, accordent des sorts aux prêtres, et parfois même interagissent avec les mortels. Pourtant, ce n’est pas si simple que ça.


L’athéisme, une question de définition

Dans notre monde, l’athéisme1 repose sur le rejet de l’existence de divinités ou au moins sur l’idée qu’elles ne jouent aucun rôle dans la vie humaine. Mais dans un monde où les dieux interviennent directement, on ne peut pas nier leur existence. Cependant, on peut nier leur statut de divinités ou refuser de les vénérer.

On peut donc distinguer plusieurs attitudes qui ressemblent à de l’athéisme :

  • L’agnosticisme théologique : « Ok, des entités puissantes existent, mais sont-elles réellement des dieux ou juste des créatures très fortes ? »
  • L’athéisme pratique : « Les dieux existent, mais je m’en fiche. Je vis ma vie sans prière ni soumission. »
  • L’athéisme militant : « Ces soi-disant dieux ne sont que des tyrans cosmiques. Nous devons les combattre ou les ignorer. »
  • L’athéisme nihiliste : « Tout ça est une mascarade. Même s’ils existent, ils ne valent pas mieux que nous. »

Peut-on être athée dans des jeux où les dieux existent objectivement ?

Voyons trois cas concrets :

RuneQuest : l’athéisme est-il une option ?

Dans RuneQuest, les dieux sont littéralement une partie de la réalité cosmique, et leur vénération est indissociable du fonctionnement du monde. Le système de croyances est aussi fondamental que la gravité. Ici, l’athéisme au sens strict n’a pas de sens, mais il existe des alternatives :

  • Les Malkioni (des humains dans l’univers de Glorantha) pratiquent une forme de rationalisme mystique, où les dieux sont vus comme des illusions ou des manifestations d’un Grand Principe supérieur (la Mécanique Universelle).
  • Certains sorciers et adeptes du mysticisme suivent des voies où ils rejettent le besoin des dieux, cherchant à transcender leur influence par leur propre puissance.
  • On peut aussi jouer un personnage révolté contre les dieux, les voyant comme des parasites cosmiques exploitant les mortels (un peu comme dans Stormbringer où certains voient les Seigneurs du Chaos et de la Loi comme des entités égoïstes jouant avec les humains).

Donc, l’athéisme strict ne marche pas, mais une forme de scepticisme et de rejet des dieux est possible.


Donjons & Dragons : peut-on ne pas croire aux dieux ?

Dans D&D, on a un panthéon très concret : les dieux existent, ils filent des sorts aux prêtres et peuvent même descendre sur le plan matériel. Pourtant, l’athéisme n’est pas complètement exclu, car :

  • On peut considérer les dieux comme de simples entités très puissantes mais pas des divinités au sens sacré du terme.
  • Certains peuples (comme les Giths ou les Illithids) ont rejeté la vénération divine pour se tourner vers la psionique ou d’autres formes de pouvoir.
  • Dans des cadres comme Eberron, la foi est plus floue, et certains prêtres obtiennent leurs pouvoirs par leur propre conviction et non par une bénédiction divine. Donc, le doute est possible.
  • Les Mages et les Arcanistes peuvent très bien voir les dieux comme des usurpateurs et vouloir contourner leur pouvoir.

Bref, un athée dans D&D serait quelqu’un qui refuse d’accorder aux dieux le statut d’êtres supérieurs et cherche d’autres formes de puissance.


Pendragon : l’athéisme dans un univers chrétien et païen

Dans Pendragon, les croyances sont essentielles à la structure du monde. Le jeu repose sur une opposition entre la Chrétienté et les anciennes croyances païennes. L’athéisme strict y est très compliqué parce que :

  • La Foi détermine le destin des personnages et influence directement les valeurs et la chevalerie.
  • Refuser toute croyance revient à refuser le principe même du jeu, qui repose sur l’honneur, les serments et la piété.

Cependant, un chevalier sceptique peut exister :

  • Un personnage pragmatique qui croit en la force de l’acier plus qu’en celle de Dieu.
  • Un individu qui voit les miracles comme des illusions ou des coïncidences.
  • Un noble qui suit la religion par convention sociale, mais sans réelle conviction.

Dans Pendragon, l’athéisme pur et dur est presque impossible, mais un scepticisme religieux peut exister.


L’athéisme comme moteur d’intrigue

Jouer un personnage athée dans un monde où les dieux existent crée des conflits narratifs intéressants :

  • Conflit avec les religieux : un PJ athée pourrait être un hérétique pour les prêtres ou les fidèles.
  • Refus des bénédictions divines : imagine un aventurier blessé qui refuse d’être soigné par magie car il considère cela comme une soumission aux dieux.
  • Lutte contre les dieux : et si les dieux n’étaient pas si bienveillants, et qu’un groupe d’aventuriers décidait de les combattre ?
  • Le pari pascalien inversé : un personnage peut ne pas croire aux dieux, mais feindre la foi pour ne pas être exclu de la société.

Par exemple :

  • Dans RuneQuest, une secte pourrait chercher à détruire le pouvoir des dieux, convaincue qu’ils empêchent l’humanité de progresser.
  • Dans D&D, une société secrète pourrait vouloir tuer les dieux, comme dans le setting de Planescape avec les Athars, qui considèrent les dieux comme des tyrans cosmiques.
  • Dans Pendragon, un chevalier pourrait douter des miracles et chercher à prouver qu’ils sont juste des tours de magie élaborés.

L’athéisme en JdR, loin d’être un non-sujet, peut générer des dilemmes puissants et enrichir les campagnes.


Et au final, l’athéisme dans les JdR est-il viable ?

Dans un univers où les dieux sont visibles et actifs, l’athéisme strict est peu crédible, mais un rejet de leur pouvoir ou une forme de scepticisme est possible.
Les personnages peuvent voir les dieux comme de simples êtres supérieurs et refuser leur autorité.
L’athéisme peut être un moteur de scénarios et d’intrigues, en opposant les joueurs à des croyances dominantes ou aux dieux eux-mêmes.

Au final, l’athéisme dans un JdR dépend moins de l’existence des dieux que du regard que les personnages portent sur eux. Un PJ peut très bien refuser de croire en un dieu, non pas parce qu’il n’existe pas, mais parce qu’il refuse son autorité ou ses dogmes.


Et vous, dans vos parties de jdr, avez-vous eu déjà vu des joueurs essayer de jouer des personnages athées dans des univers où les dieux sont omniprésents ?


  1. L’athéisme désigne l’absence de croyance en l’existence de dieu(x) ou de divinité(s). C’est une posture rationnelle par défaut : sans preuve irréfutable, aucune croyance n’est acceptée.
    L’athée ne nie pas nécessairement l’existence de dieu, mais suspend son jugement. Cela diffère du théisme (affirmation de l’existence d’un ou plusieurs dieux) et de l’agnosticisme (qui concerne la possibilité de savoir). Un individu peut ainsi être à la fois athée (sans croyance) et agnostique (estimant la question inconnaissable). ↩︎


Commentaires

3 réponses à “La question de l’athéisme dans les JdR ? Oui on s’est posé la question !”

  1. Avatar de Stephen Sevenair

    J’avais un ami (paix à son âme) profondément athée qui dans tous les jeu de rôle décidé d’âtre athée, même avec mauvaise foi (ah ah). Dans Pendragon c’était hallucinant !

  2. Avatar de Justin Busch

    Même les Illithids avaient un dieu dit le « God-brain » (j’imagine que c’est Dieu-cerveau, mais sans sources en français, je ne peux pas être sûr). Planescape a des aventures qui tournent autour de dieux morts, alors je suppose que l’on peut dire qu’ils étaient vraiment des entités puissantes, mais pas de dieux comme nous voulons dire. Mais vu l’existence d’autres plans qui servent même dans le rôle d’au-delà pour les croyants, il me semble qu’au moins dans D&D, c’est plus une question de vouloir faire comme Conan le Barbare et refuser de rendre le contrôle à d’autres entités qu’autre chose.

    1. Avatar de scriiiptor

      Merci Justin pour ton commentaire, qui soulève des points très pertinents. Tu touches là à l’un des paradoxes fondamentaux des univers comme Dungeons & Dragons : celui d’un monde où la foi n’est pas une croyance, mais une quasi-certitude expérimentale… et pourtant, on peut choisir de refuser les dieux. Un vrai matos pour scénario philosophique.

      Les Illithids et leurs « dieux » : une relation ambiguë

      Tu évoques les Illithids et leur fameux « God-brain » : en réalité, on parle souvent plutôt de l’Elder Brain, entité collective formée par la fusion des cerveaux des illithids défunts. Mais tu as aussi raison de citer des figures divines associées : deux entités sont traditionnellement « révérées » par les illithids, même si le mot adorer est peut-être un peu fort.
      Ilsensine, le plus célèbre, est une entité de savoir total et d’union mentale absolue. Il représente une forme de divinité abstraite — pas vraiment un dieu à autel et offrandes, mais une incarnation de la domination mentale et de la connaissance universelle.
      Maanzecorian, aujourd’hui disparu, incarnait la mémoire parfaite et la maîtrise de l’intellect. Il a été détruit par Tenebrous (l’avatar mort-vivant d’Orcus), mais certains illithids continuent à s’y référer comme à un idéal

      Cela dit, et c’est crucial, les Illithids ne se perçoivent pas comme des créatures ayant une âme au sens où les autres races mortelles l’entendent. Après la cérébro-morphose, leur âme d’origine est soit détruite, soit envoyée dans le Fugue Plane, et la conscience qui émerge est celle du symbiote illithid. Ce qui rend leur rapport à la religion radicalement différent : pas de salut, pas de damnation, juste la fusion dans l’Elder Brain. Et ça leur va très bien comme ça.

      Planescape et les dieux morts

      Tu cites aussi Planescape, et là encore, tu tapes juste : Dead Gods, Great Modron March, The Inner Planes… tous ces suppléments explorent des cosmologies où les dieux naissent, vivent, et meurent. Dans Planescape, un dieu peut être tué, oublié, ou perdre son pouvoir faute de fidèles. C’est un univers où la croyance crée la réalité divine — ce qui rejoint pas mal de réflexions modernes sur le phénomène religieux, en plus fun et avec des sorts de niveau 9.

      Croire ou ne pas croire ?

      Mais le cœur de ta remarque me semble être là : dans un univers où les dieux existent (au sens D&D : ils interviennent, accordent des sorts, ont des avatars), refuser de les suivre est souvent un choix idéologique ou éthique. À la manière d’un Conan qui dit « Je me débrouille tout seul », ou d’un personnage qui refuse d’être le pion d’un panthéon, même réel.

      Et c’est là que ça devient passionnant pour le jeu de rôle : on peut jouer un athée dans D&D, non pas parce qu’il n’a pas de preuves de l’existence des dieux, mais parce qu’il refuse leur légitimité, leur autorité, ou leur emprise sur le libre arbitre. En ce sens, ton parallèle avec Conan le Barbare est très juste : c’est une posture de résistance, pas d’ignorance.

      En résumé :

      – Les Illithids ont une religion propre, fondée sur la psionique, l’ego, et le rejet de la soumission à une divinité extérieure
      Planescape met en scène des dieux morts, oubliés, ou « fabriqués » par la foi — c’est un terrain de jeu parfait pour explorer des formes d’agnosticisme, d’athéisme militant, ou même de nihilisme théologique.
      – Et dans D&D en général, ne pas croire n’est pas forcément ne pas savoir — c’est souvent une façon d’affirmer son indépendance.

      Bref, croire ou ne pas croire, ce n’est pas la question de l’existence des dieux dans ces univers… mais plutôt : à quoi bon leur obéir ?

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