Le principe ? Raconter une bonne tranche de fantasy en moins de 50 lignes ET avec un sonotone.
           Vous poussez la porte branlante de la maison sérieusement bancale que l’on vient de vous indiquer comme étant celle de votre commanditaire.
           Une voix chevrotante vous parvient pĂ©niblement depuis l’intĂ©rieur. Un souffle. A peine un murmure. Vous vous demandez fugacement si vous ne devriez pas tourner les talons prestement jusqu’à la taverne cossue oĂ¹ vous avez passĂ© la nuit. La dernière quĂªte que vous avez effectuĂ©e vous a quelque peu Ă©chaudĂ©. Il faut dire Ă votre dĂ©charge que rĂ©colter quarante deux globes oculaires de vautours mordorĂ©s morts vivants n’a rien de ragoĂ»tant. Votre plastron en a gardĂ© les sanglants souvenirs…
           Et d’ailleurs, cette prĂ©sente histoire ne paraĂ®t pas vraiment rentable. Autant qu’elle ne sent pas très bon.
           Tout comme le sombre vestibule oĂ¹ vous avancez d’un pas prudent.
           « Par ici… », vous glisse une voix souffreteuse.        Machinalement, vous resserrez l’étreinte sur la garde patinĂ©e de votre Ă©pĂ©e. D’ailleurs, vous tempĂªtez en maugrĂ©ant de ne pas l’avoir aiguisĂ©e ce matin. Vous engageant sur votre droite, vous Ă©mergez dans une petite pièce basse Ă l’atmosphère surannĂ©e. L’odeur est pĂ©nĂ©trante. Ça sent le vieux, les pieds calleux, une pointe de violette, la sueur. Rance. Ainsi qu’un relent de phacochère dĂ©cĂ©dĂ©. Cela ne vous Ă©tonnerait qu’à moitiĂ© s’il en trĂ´nait un, infestĂ© de mouches bleues, en train de se dĂ©composer sur la table de la cuisine du vieillard.
           Car l’ancĂªtre qui se tient assis devant vous, a bien quatre fois votre Ă¢ge. Et pour un aventurier aguerri de votre trempe, cela fait assurĂ©ment beaucoup. Mais il paraĂ®t que c’est un magicien, qu’il connaĂ®t des secrets et a notamment Ă©tudiĂ© le formol, alors. Il vous fait signe d’approcher car ses yeux sont fatiguĂ©s, vous dit-il, tout comme ses oreilles. Se saisissant d’un cornet qu’il porte Ă son orifice auriculaire, vous entendez nettement qu’un autre se vide de son trop-plein de vents…
           « Alors, c’est v…vous qu’on m’envoie ? M’avez l’air un peu…gringalet pour avoir fait la guerre… ».
           « Si fait, vénérable. »
           « Erable ? Mais, qu’est-ce…que vous m’baragouinez ? J’vous demande pas d’venir tailler mon jardin… »
           Manifestement, le vieux était bouché à l’émeri. Ne souhaitant pas brusquer ou vexer un éventuel fournisseur d’argent sonnant et trébuchant, vous vous exclamez :
           « Je n’ai rien dit de tel, monsieur. On m’a assuré en ville que vous aviez besoin de quelqu’un d’expérience. Je suis là . Et pour quelques pièces, je suis votre homme. Sachez également que je ne rechigne pas aux basses besognes…Que dois-je faire ? »
           « Ils me font atrocement souffrir, vous savez ! Ils sont ho…horrib’ ! Tout verts et suintants…»
           « Les gobelins ? On m’a parlé de tribus venant dévaster les champs des alentours et razzier le bétail…».
           « Un dĂ©tail ?!… Comme vous y allez ! Non. Non. Ce n’est point un dĂ©tail toute…toute cette histoire. Je n’ose plus p…poser un pied par terre et sortir d’chez moi, v…vous savez ? Avant j’aimais courir la campagne et les bois. Aaah ! Les champignons, c’était une gr…grande satisfaction. J’étais considĂ©rĂ© comme un expert et je les utilisais mĂªme comme ingrĂ©dient de base dans mes sorts. Aaah ! La tourte enchantĂ©e aux fongicèpes forestiers. Quel dĂ©lice ! Et…très puissante. Foutue vieillesse. Maintenant, les seuls que j’ai, pullulent sur mes arpions ».
           Avec un sourire embarrassĂ©, vous prĂ©fĂ©rez poursuivre, « Oui bon. Mais pour revenir aux gobelins et Ă nos oignons. OĂ¹ puis-je les trouver ? Et surtout combien voulez-vous que j’en scalpe ?
           « Oooh ! Les plus gros ! Deux à trois pas plus ! »
           « Pas plus ? Vous croyez que cela suffira à les faire fuir ? »
           « Les enfouir ? Mais ça n’marche pas, voyons ! J’ai dĂ©jĂ essayĂ© avec d…des bandages et des chaussettes Ă©paisses, e…et mĂªme pas trouĂ©es. Mes pieds ne veulent rien entendre ! Comme mes esgourdes, m’direz vous Ă raison. Tenez, regardez ! », rĂ©pondit le vieux mage en tendant vers vous ses vieilles guiboles fatiguĂ©es.
           « Vos pieds ? »
           Incrédule, vous marquez un temps de recul. Mais il est trop tard. Vous saisissez le traquenard. Et c’est pas l’pied !
          « Si fait, voisin ! Je désespérais de ne…trouver…*kof kof*…quelqu’un qui puisse soulager mes arpions de ces affreux oignons.
          Tenez commencez avec celui-là .
          Oui, lui là ,…
          Avec le pus… ».
Et le salaire ? Ah mais ça, ce n’est carrĂ©ment pas vos oignons !